Concepts philosophiques de Claude Bernard d'après l'Introduction à l'étude de la Médecine expérimentale - article ; n°2 ; vol.19, pg 97-114

Bernard Halpern.

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Revue d'histoire des sciences et de leurs applications - Année 1966 - Volume 19 - Numéro 2 - Pages 97-114
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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• Publié par: REVUE_D-HISTOIRE_DES_SCIENCES_ET_DE_LEURS_APPLICATIONS
• Publié le: 01 janvier 1966
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Extrait

Bernard Halpern.
Concepts philosophiques de Claude Bernard d'après
l'Introduction à l'étude de la Médecine expérimentale
In: Revue d'histoire des sciences et de leurs applications. 1966, Tome 19 n°2. pp. 97-114.
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Halpern. Bernard. Concepts philosophiques de Claude Bernard d'après l'Introduction à l'étude de la Médecine expérimentale.
In: Revue d'histoire des sciences et de leurs applications. 1966, Tome 19 n°2. pp. 97-114.
doi : 10.3406/rhs.1966.2483
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhs_0048-7996_1966_num_19_2_2483Concepts philosophiques de Claude Bernard
d'après YIntroduction à Vétude
de la Médecine expérimentale (1)
Genèse de l' « Introduction »
La période qui va de 1855 à 1865 est une des plus extraordi
naires et peut-être la plus décisive de l'histoire des sciences.
En 1859 parut L'origine des espèces de Darwin, qui donna le
grand départ à la doctrine de l'évolution ; entre 1855 et 1865 se
succédèrent les remarquables découvertes de Claude Bernard et
de Pasteur qui sont à l'origine de la physiologie, de la microbiologie
et de la médecine moderne. En 1865 eurent lieu deux événements
qui, bien que se déroulant sur des plans différents, sont aussi
décisifs : la découverte des lois de l'hérédité de Gregor Mendel,
. qui contiennent en germe toute la génétique, et la publication de
YIntroduction à l'étude de la médecine expérimentale, qui trace la
voie de la médecine scientifique. Deux découvertes exceptionnelles,
deux ouvrages incomparables vont changer le sort de l'humanité.
« L'Introduction de Claude Bernard, a dit récemment le Pr Etienne
Wolff, vaut mieux qu'une découverte ; elle est une réflexion sur
la découverte par un expérimentateur inégalé ; elle est un guide
des temps futurs. »
Dans l'œuvre créative de Claude Bernard, l'Introduction
constitue, sans aucun doute, un ouvrage à part. Il me paraît inté
ressant d'analyser, ici, la démarche intellectuelle qui a abouti à
la conception et à la réalisation de cette œuvre qui a suscité une
admiration générale.
Claude Bernard fut, sans doute, un esprit créateur et imaginatif
hors pair. Sa production scientifique prodigieuse et incomparable
(1) Ce texte est extrait d'une des leçons données au Collège de France dans le cadre
des cours de l'année 1965-66 dans la Chaire de Médecine expérimentale.
T. XIX. — 1966 7 revue d'histoire des sciences 98
en atteste. Mais il ressort de l'analyse de ses notes manuscrites
qu'il était animé d'une ardente vocation éducative. Il désirait,
en se basant sur sa propre expérience, révéler et apprendre aux
générations futures les méthodes intellectuelles et expérimentales
qui sont susceptibles de conduire un chercheur à une découverte
scientifique. Il exprime clairement cette idée dans les premières
pages de Y Introduction.
« Tout l'avenir de la médecine expérimentale est subordonné à la
création d'une méthode de recherches, applicable avec fruit à l'étude des
phénomènes de la vie, soit à l'état normal, soit à l'état pathologique. Je
n'insisterai pas sur la nécessité d'une telle méthode d'investigation expé
rimentale en médecine, et je n'essaierai même pas d'en énumérer les
difficultés. Je me bornerai à dire que toute ma vie scientifique est vouée
à concourir, pour ma part, à cette œuvre si immense. »
C'est cette « œuvre si immense » qu'il désirait ardemment ajouter
au reste. Que devait-elle- être, cette « œuvre si immense » ?
Claude Bernard conçut l'idée d'écrire un grand traité de médec
ine expérimentale. Ce traité n'ayant jamais vu le jour, j'essaierai,
sur la base de notes manuscrites, d'en tracer les contours et d'en
deviner le contenu (1). Ceci nous intéresse directement, car Y Intro
duction était incluse comme une partie de cet ouvrage.
L'idée d'écrire un traité de médecine expérimentale a, semble-t-il,
germé très tôt dans l'esprit de Claude Bernard puisque, dès 1850,
on la trouve sporadiquement exprimée dans ses notes manuscrites.
Dans l'avant-propos des Leçons de pathologie expérimentale,
datant de 1871, Claude Bernard jette quelques lumières sur la
genèse de ce projet :
« En 1858, après avoir donné, pendant plusieurs années, une série
de cours au Collège de France sur des sujets divers et des fragments
d'études de physiologie médicale, je conçus le plan d'un ouvrage dogmat
ique de médecine expérimentale. Malheureusement, les moyens matériels
et les installations nécessaires me faisaient défaut ; cependant, sans me
décourager, je continuai avec ardeur la préparation de mon ouvrage,
dont je publiai l'introduction en 1865.
« A cette époque, des améliorations étaient projetées dans l'enseigne-
(1) Qu'il me soit permis d'exprimer ici mes remerciements à l'historiographe de
Claude Bernard, mon collègue et ami, le Pr Mirko Grmek, qui m'a fourni aimablement les
notes m'ayant permis de compléter mes informations sur ce point obscur de l'œuvre
de Claude Bernard. PHILOSOPHIQUES DE CLAUDE BERNARD 99 CONCEPTS
ment pratique des sciences en France et, lorsque je pouvais croire mes
vœux près de se réaliser, une maladie pénible est venue m'arrêter et me
tenir, pendant six années, éloigné de mon laboratoire. »
Ainsi, Claude Bernard précise clairement qu'il s'agissait d'un
ouvrage didactique et que Г Introduction à V étude de la médecine
expérimentale en était, pour ainsi dire, la partie liminaire. Le grand
œuvre devait comprendre deux ou même trois volumes et devait
être consacré à l'initiation et à l'expérimentation en médecine.
Durant les années 1862-1864, il s'est fréquemment penché sur
ce projet et il en a élaboré plusieurs plans qualifiés de « définitifs ».
Il en était à la recherche du titre. Il hésita, dans ce choix, entre
plusieurs titres possibles : Traité de physiologie (ou de biologie)
opératoire; Résumé des procédés en usage dans la physiologie et
pathologie expérimentales en 1862 ; Traité de vivisection appliquée
à la physiologie, la pathologie et la thérapeutique opératoire, ou
Traité d'expérimentation physiologique en 1863. En 1864, il choisit
définitivement le titre ; l'ouvrage s'appellera : Principes de médec
ine expérimentale et il comprendra deux volumes. Le premier sera
consacré à l'expérimentation en physiologie et traitera des tech
niques opératoires sur les divers appareils : le second sera consacré
à la pathologie, à la toxicologie et à la thérapeutique.
Dans les notes manuscrites où il expose le plan de l'ouvrage,
il apporte les précisions suivantes sur le but et l'esprit de l'ouvrage :
« La médecine expérimentale est donc la médecine analytique. C'est la
physique et la chimie animales à l'état normal et pathologique. Mais pour
faire cette analyse des phénomènes de l'être vivant, les procédés donnés,
c'est-à-dire physiques et chimiques, ne suffiront pas, bien qu'ils soient indis
pensables. En effet, dans ces analyses, le point de vue vital est généralement
négligé. C'est ce qu'il importera particulièrement de faire ressortir de mon
ouvrage. »
Et en un autre endroit, il donne quelques précisions sur la
conception de cet ouvrage :
« Les deux volumes qui constitueront mon ouvrage, Les principes de
la médecine expérimentale, seront uniquement consacrés au développement
de procédés d'investigations appliqués à la physiologie, à la pathologie
et à la thérapeutique. Mais comme il est impossible à un seul d'envisager
toutes les faces de l'investigation médicale dans un sujet aussi vaste, je
m'occuperai plus particulièrement de la régularisation des procédés de
vivisection zoologique. Cette branche de l'investigation biologique est, REVUE D'HISTOIRE DES SCIENCES 100
sans contredit, la plus délicate et la