Curé rouge ou légende noire ? Jean-François Carion, une figure emblématique du prêtre révolutionnaire en Sud-Morvan. - article ; n°1 ; vol.274, pg 366-408
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Curé rouge ou légende noire ? Jean-François Carion, une figure emblématique du prêtre révolutionnaire en Sud-Morvan. - article ; n°1 ; vol.274, pg 366-408

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Annales historiques de la Révolution française - Année 1988 - Volume 274 - Numéro 1 - Pages 366-408
Curé d'Issy-l'Évêque à la veille de la Révolution, J. F. Carion a connu sous la Révolution une renommée qui dépasse de beaucoup le cadre local : elle tient à l'écho de la campagne qu'il a menée dès 1789, lors de la rédaction des cahiers de doléances, mais aussi dans les années suivantes jusqu'en 1794 en faveur des métayers exploitants contre les propriétaires, et aussi aux moyens que ce curé- maire de village, devenu un « curé rouge » au fil de la Révolution a employés pour mener son combat, contre les autorités locales. Ce qui lui a valu d'être emprisonné à Paris, dès 1790, inquiété à plusieurs reprises et dénoncé par les uns comme l'agent abusif et brutal d'une démocratie villageoise, défendu par les autres — notamment Robespierre et les jacobins. Faisant toutefois souche de notables locaux, il est évoqué par l'historiographie locale du xix* siècle avec une prudente réserve, jusqu'à ce que Taine accrédite l'image d'un partisan forcené du partage agraire. L'historiographie jacobine de Aulard à Lefebvre a eu du mal à se défaire des clichés reçus, Albert Soboul a commencé à ouvrir un procès en révision, que ce dossier contribue à éclairer.
The parish priest of Issy l'Evêque on the eve of the Revolution, J.F. Carion acquired a renown that spread well beyond the town limits during the revolution: this was due to the echos of the campaign he carried on in favor of the tenant farmers and against their landlords as early as 1789 at the cahiers de doléances and during the following years until 1794; he was also known for the means used by this priest and village mayor, turned curé rouge, all through the Revolution in order to carry on his struggle against the local authorities. This earned him a stay in a Paris prison as ealy as 1790; he was troubled by the police on several occasions. Some denounced him as a brutal and abusive agent of village democracy while others, Robespierre and the Jacobins in particular stood up for him. Father of a line of local notables, he is mentioned by the local historiography of the nineteenth century with cautious discretion until Taine gave form to the view of Carion as a fanatical advocate of agrarian reform. From Aulard to Lefebvre it has been difficult for Jacobin historiography to disengage itself from well-known clichés but Albert Soboul began revising our knowledge of Carion and this article carrys this revision further.
43 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1988
Nombre de lectures 64
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Serge Aberdam
Curé rouge ou légende noire ? Jean-François Carion, une figure
emblématique du prêtre révolutionnaire en Sud-Morvan.
In: Annales historiques de la Révolution française. N°274, 1988. pp. 366-408.
Citer ce document / Cite this document :
Aberdam Serge. Curé rouge ou légende noire ? Jean-François Carion, une figure emblématique du prêtre révolutionnaire en
Sud-Morvan. In: Annales historiques de la Révolution française. N°274, 1988. pp. 366-408.
doi : 10.3406/ahrf.1988.1227
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahrf_0003-4436_1988_num_274_1_1227Résumé
Curé d'Issy-l'Évêque à la veille de la Révolution, J. F. Carion a connu sous la Révolution une renommée
qui dépasse de beaucoup le cadre local : elle tient à l'écho de la campagne qu'il a menée dès 1789, lors
de la rédaction des cahiers de doléances, mais aussi dans les années suivantes jusqu'en 1794 en
faveur des métayers exploitants contre les propriétaires, et aussi aux moyens que ce curé- maire de
village, devenu un « curé rouge » au fil de la Révolution a employés pour mener son combat, contre les
autorités locales. Ce qui lui a valu d'être emprisonné à Paris, dès 1790, inquiété à plusieurs reprises et
dénoncé par les uns comme l'agent abusif et brutal d'une démocratie villageoise, défendu par les autres
— notamment Robespierre et les jacobins. Faisant toutefois souche de notables locaux, il est évoqué
par l'historiographie locale du xix* siècle avec une prudente réserve, jusqu'à ce que Taine accrédite
l'image d'un partisan forcené du partage agraire. L'historiographie jacobine de Aulard à Lefebvre a eu
du mal à se défaire des clichés reçus, Albert Soboul a commencé à ouvrir un procès en révision, que ce
dossier contribue à éclairer.
Abstract
The parish priest of Issy l'Evêque on the eve of the Revolution, J.F. Carion acquired a renown that
spread well beyond the town limits during the revolution: this was due to the echos of the campaign he
carried on in favor of the tenant farmers and against their landlords as early as 1789 at the cahiers de
doléances and during the following years until 1794; he was also known for the means used by this
priest and village mayor, turned curé rouge, all through the Revolution in order to carry on his struggle
against the local authorities. This earned him a stay in a Paris prison as ealy as 1790; he was troubled
by the police on several occasions. Some denounced him as a brutal and abusive agent of village
democracy while others, Robespierre and the Jacobins in particular stood up for him. Father of a line of
local notables, he is mentioned by the local historiography of the nineteenth century with cautious
discretion until Taine gave form to the view of Carion as a fanatical advocate of agrarian reform. From
Aulard to Lefebvre it has been difficult for Jacobin historiography to disengage itself from well-known
clichés but Albert Soboul began revising our knowledge of Carion and this article carrys this revision
further.CURÉ ROUGE OU LÉGENDE NOIRE ?
Jean-François Carion : une figure emblématique
de prêtre révolutionnaire en Sud-Morvan
« Les révolutions ne sont pas des
jeux d'enfants ; pour épargner quelques
larmes à l'aristocratie, nous ferons cou
ler des torrents de sang aux patriotes ;
car si jamais les loups et les tigres qui
sont enfermés et qui ne peuvent plus
nuire au peuple, recouvrent la liberté,
il faudra faire la guerre contre eux
pour les détruire ; le sol de la Républi
que sera ensanglanté de toutes parts
et la révolution prête à s'achever rétro
gradera d'un siècle »... (1).
Revenir sur le parcours de J.-F. Carion, le célèbre curé d'Issy-
l'Évêque (2), c'est nécessairement reprendre une littérature déjà abon
dante. Carion n'a pas été seulement un personnage relativement connu
dès l'époque, mais il a aussi été évoqué par les historiens, de façon à
la fois précoce et répétitive. Le fait est marquant, s'agissant d'un prê
tre dont les responsabilités politiques n'ont jamais dépassé le cadre
de son canton. En 1932 Georges Lefebvre avait pointé qu'on ne
comprendrait bien Carion que lorsqu'on aurait établi ses rapports
avec les métayers de sa région (3). Ce travail est en cours, malgré les
lacunes documentaires (4). On peut néanmoins, sans faire mentir
(1) Lettre à la Société des Jacobins à Paris, par la Société populaire d'Issy-la-Montagne.
Vers le 20 août 1794. Pas d'exemplaire manuscrit connu. Imprimé par ordre des Jacobins, déci
sions des 30 août/l1" septembre.
(2) Toujours chef-lieu de canton, dans le nord de la Saône-et-Loire, à la limite de la
Nièvre.
(3) G. Lefebvre « Questions agraires au temps de la Terreur ». p. 103 de l'éd. de 1954,
note 1. La seconde partie de cette note, rajoutée à celle de 1932, est inexacte.
(4) Notre étude « Métayers en Révolution » à paraître à l'INRA. On trouvera une présen
tation de sa problématique dans les actes du Colloque « La Révolution Française et le monde
rural ». A paraître 1989 INRA/CTHS. L'étude qui reste à mener sur Issy-l'Évêque s'appuira
nécessairement sur une équipe implantée localement dont la mise en place semble possible
grâce au travail effectué par MM et M. Laudet que je tiens à remercier ici. CURÉ ROUGE OU LÉGENDE NOIRE ? J.-F. CARION 367
Lefebvre, trouver un certain intérêt à présenter ici une biographie, à
la fois résumée et complétée par rapport à celle, fameuse, de Montar-
lot (5). Les progrès de l'érudition, singulièrement ceux des Archives
Parlementaires, nous y invitent, mais aussi la relecture des docu
ments déjà connus il y a un siècle. Retracer succinctement la « bio » de
Carion, c'est vouloir rendre possible la comparaison avec d'autres
prêtres révolutionnaires, mais aussi avec d'autres militants radicaux.
On essaiera alors de comprendre les itinéraires historiographiques de
Carion, quels éclairages ils jettent sur la tradition révolutionnaire en
Sud-Morvan et quels enjeux s'y sont glissés aux plans locaux et natio
naux.
I. — Parcours révolutionnaire
Le Cadre.
Au bas des contreforts sud du Morvan, légèrement à l'écart de la
grand'route nord-est/sud-ouest qui va d'Autun à Bourbon-Lancy, Issy-
l'Évêque est un gros village placé sous la double tutelle spirituelle
et seigneuriale de l'évêché d'Autun. Le ravitaillement de cette dernière
ville est le grand débouché de la production d'Issy, essentiellement du
seigle dont le remplacement par le froment n'est encore qu'ébauché. La
forêt n'est plus ici une ressource importante et l'élevage reste limité.
Métayage et fermage général dominent le système social qui prolonge
celui que décrit Marcel Vigreux (6) au sud de Château-Chinon et qui se
rattache déjà au Bourbonnais. Si le métayage domine sur les domaines,
tous les habitants sont loin d'y avoir accès. Restent le salariat agricole
permanent ou temporaire et l'artisanat. La création en 1768 d'une fil
ature de charité pour le coton témoigne plus de la nécessité structurelle
de ressources complémentaires pour les plus démunis à la morte-saison
que d'une transformation industrielle. L'industrie nouvelle qui naît
autour du Creusot n'exerce pas encore d'attraction. L'industrie ancien
ne dispersée, au bois, est moribonde. Analphabétisme, mais aussi cohé
sion de la communauté face aux propriétaires forains et à l'évêché :
cette vie locale n'est paisible que si on peut ignorer les processus
par lesquels le précieux seigle quitte les quelques 70 domaines du cru
pour la ville lointaine.
(5) Paul Montarlot c Un essai de commune autonome et un procès de lèse-Nation ».
Autun 1898. De très loin la plus importante étude sur Carion. Voir aussi Barthélémy Perrette
« L'affaire d'Issy 1789-1791 », même lieu et date.
(6) On verra deux livres récents : Marcel Dorigny < Autun dans la Révolution », Autun
1987, et Marcel Vigreux « Paysans et notables du Morvan au 19e siècle », Château-Chinon 1987. 368 S

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