Découpage de l'espace et contrôle du territoire urbain : les quartiers de police à Naples (1779-1815) - article ; n°2 ; vol.105, pg 349-374

Brigitte Marin

Description

Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée - Année 1993 - Volume 105 - Numéro 2 - Pages 349-374
Brigitte Marin, Découpage de l'espace et contrôle du territoire urbain : les quartiers de police à Naples (1779-1815), p. 349-374 Le quartier, entendu comme découpage du territoire urbain né des besoins de l'administration, doit son origine à la création de la nouvelle police urbaine des Bourbons en 1779. L'article s'interroge sur l'origine et les enjeux de la mise en place de ce nouveau quadrillage de l'espace qui se superpose jusqu'en 1799 aux circonscriptions civiles du gouvernement citadin (ottine populaires et piazze de la noblesse) pour devenir avec la domination française, au début du XIXe siècle, la base territoriale de toute l'administration (état civil, police, fiscalité, etc.) de la ville. L'étude de l'évolution des quartiers (modifications des limites, enrichissement des fonctions, incidences sur la vie quotidienne des habitants) entre XVIIIe et XIXe siècle montre l'importance de cet instrument de gouvernement des villes.
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: MELANGES_DE_L-ECOLE_FRANCAISE_DE_ROME
• Publié le: 01 janvier 1993
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Extrait

Brigitte Marin
Découpage de l'espace et contrôle du territoire urbain : les
quartiers de police à Naples (1779-1815)
In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée T. 105, N°2. 1993. pp. 349-374.
Résumé
Brigitte Marin, Découpage de l'espace et contrôle du territoire urbain : les quartiers de police à Naples (1779-1815), p. 349-374
Le quartier, entendu comme découpage du territoire urbain né des besoins de l'administration, doit son origine à la création de la
nouvelle police urbaine des Bourbons en 1779. L'article s'interroge sur l'origine et les enjeux de la mise en place de ce nouveau
quadrillage de l'espace qui se superpose jusqu'en 1799 aux circonscriptions civiles du gouvernement citadin (ottine populaires et
piazze de la noblesse) pour devenir avec la domination française, au début du XIXe siècle, la base territoriale de toute
l'administration (état civil, police, fiscalité, etc.) de la ville. L'étude de l'évolution des quartiers (modifications des limites,
enrichissement des fonctions, incidences sur la vie quotidienne des habitants) entre XVIIIe et XIXe siècle montre l'importance de
cet instrument de gouvernement des villes.
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Marin Brigitte. Découpage de l'espace et contrôle du territoire urbain : les quartiers de police à Naples (1779-1815). In:
Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée T. 105, N°2. 1993. pp. 349-374.
doi : 10.3406/mefr.1993.4281
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_1123-9891_1993_num_105_2_4281BRIGITTE MARIN
DECOUPAGE DE L'ESPACE ET CONTRÔLE
DU TERRITOIRE URBAIN : LES QUARTIERS
DE POLICE À NAPLES (1779-1815)
La question du découpage de la ville de Naples, à l'époque moderne, en
unités territoriales distinctes, n'a pas donné lieu à une vaste historiogra
phie. La référence fondamentale en la matière demeure encore aujourd'hui
l'étude de Bartolomeo Capasso parue en 18831, à laquelle il convient d'ajou
ter la publication, par Nunzio Federico Faraglia, de deux documents d'im
portance : la description des 37 paroisses de la ville et de leurs limites, à la
fin du XVIe siècle, après la réforme opérée par l'archevêque Alfonso Gesual-
do2, et une similaire, faite par le même Francesco Gennaro di
Napoli, concernant les ottine3. L'étude du quartier entendu comme ci
rconscription administrative n'a donc guère connue de fortune, et c'est e
ssentiellement aux architectes que l'on doit d'avoir observé le quartier napol
itain, mais considéré cette fois comme unité de la forme urbaine, et non
comme unité administrative. En effet, la territorialité d'un quartier peut
être entendue de deux façons. Dans un cas, l'historien de la ville peut cher
cher à la définir a posteriori en se référant à une série de paramètres tenant
à l'urbanisme, aux fonctions urbaines, à la société citadine, à la démog
raphie ou à la sociabilité, pour circonscrire une fraction de territoire fo
rtement caractérisée par rapport à l'organisme urbain dans son ensemble.
La définition précise des frontières du quartier, qui apparaît alors comme
un cadre réel de vie sociale, est une opération difficile : les limites varient
1 B. Capasso, Sulla circoscrizione civile e ecclesiastica e sulla popolazione della
città di Napoli dalla fine del secolo XIII al 1809. Ricerche e documenti, dans Atti della
Accademia Pontaniana, Naples, 1883, p. 99-180.
2 Ν. F. Faraglia, Descrizione delle parrocchie di Napoli fatta nel 1598, dans Archi
vio storico per le provincie napoletane, 1898, p. 502-565.
3 N. F. Faraglia, // censimento della popolazione di Napoli fatto negli anni 1591,
1593, 1595, dans Archivio storico per le provincie napoletane, 1897, 2, p. 255-311. bot
tina est la plus ancienne circonscription civile de la ville. On en compte 29 - nombre
qui demeure stable per la suite - à partir de 1535. Cf. N. F. Faraglia, Le ottine e il
reggimento popolare a Napoli, Naples, 1898.
MEFRIM - 105 - 1993 - 2, p. 349-374. 350 BRIGITTE MARIN
facilement en fonction des paramètres retenus. Nous avons préféré nous
référer, sur l'exemple de la ville de Naples, aux fractions de territoire ur
bain dotées d'une unité reconnue ou voulue par les contemporains, et im
posées à la population urbaine comme la conséquence d'un acte administ
ratif. À l'inverse des quartiers définis selon la première approche, les ci
rconscriptions administratives quadrillent toute l'étendue de la ville sans
laisser de vide dans le maillage; elles constituent en outre une forme d'or
ganisation territoriale spécifique de l'espace urbain.
S'interroger sur la formation et l'évolution de l'espace administratif
d'une ville de l'ampleur de Naples, revient, dans un premier temps, à
conduire quelques recherches peu aisées sur la géographie historique et la
topographie ancienne de la ville. Reconstruire les limites des circonscrip
tions urbaines pendant l'Ancien Régime n'est guère facilité par la nature
des sources. Les textes des administrateurs sont le plus souvent rédigés en
marchant, et prennent comme points de référence maisons et jardins des
particuliers. Les limites passent volontiers en milieu d'îlots, et reflètent une
perception de l'espace urbain qui relève de la pratique et des usages plus
que de l'abstraction dont témoigne en revanche l'élaboration de cartes t
opographiques. À Naples, le passage d'un mode de perception de la ville à
l'autre s'opère précisément entre la fin du XVIIIe et le début du XIXe siècle,
période de profonde réorganisation administrative de la ville aux lourdes
conséquences territoriales. En effet, à l'époque moderne, les pouvoirs pu
blics désignèrent d'abord par «quartiere» des regroupements exceptionnels
d'ottine - circonscriptions civiles de base sur lesquelles reposait l'organisa
tion populaire du gouvernement de la ville - intervenus au XVIIe siècle
pour, faciliter la surveillance des étrangers qui entraient dans la ville4. Les
quartiers de la ville, au nombre de douze, ne sont définitivement fixés
qu'en 1779, pour l'exercice de la nouvelle police urbaine créée par les Bour
bons. Le guide de Naples le plus sérieux de la fin du XVIIIe siècle, celui de
Giuseppe Maria Galanti5, fait du reste de ce nouveau découpage urbain le
4 La loi du 13 avril 1638 regroupe les 29 ottine de la ville en 8 quartiers dans les
quels des officiers sont chargés de faire la tournée des auberges et autres lieux pub
lics, et de recevoir les déclarations des logeurs et des transporteurs au sujet des
étrangers. Le nombre de quartiers et la distribution des ottine sont modifiés à plu
sieurs reprises au cours des années suivantes. Cf. L. Giustiniani, Nuova collezione
delle prammatiche del regno di Napoli, Naples, 1803-1805, t. 10, «De officio magistra-
tus politiae in urbe, et regno».
5 L'auteur avait composé cet ouvrage sur ordre royal pour accompagner le plan
de la ville de Giovanni Antonio Rizzi Zannoni, Pianta della Città di Napoli (Naples,
1790), auquel Ferdinand IV avait confié, à partir de 1781, le soin de réaliser un atlas
du Royaume. Dans les années 1780 et 1790 se fait en effet vivement sentir le besoin LES QUARTIERS DE POLICE À NAPLES 351
principe ordonnateur de sa description de la capitale : «Dans son gouver
nement civil de police, Naples se divise en douze quartiers; c'est pourquoi
nous la décrirons selon ses quartiers, en rappelant les édifices principaux
[...]»6. L'exigence d'une cartographie des quartiers ne se fait sentir cepen
dant qu'à l'extrême fin du siècle, lorsque le gouvernement central renforce
le contrôle territorial de la capitale.
Nous nous interrogerons donc sur les origines et les fonctions d'un dé
coupage en quartiers qui, au début du XIXe siècle, avec la domination fran
çaise, devient un instrument de contrôle et de gestion pour toute l'a
dministration de la ville (état civil, fiscalité, administration municipale...).
Au début du XIXe siècle, la question proprement territoriale, de définition
des limites des quartiers, occupe les pouvoirs publics pendant quelques an
nées : efforts de rationalisation, ajustements et adaptation à la géographie
urbaine, recherche d'un découpage opératoire de la ville, entraînent di
verses modifications de la physionomie des quartiers qu'il conviendrait d'