Descartes et Einstein. - article ; n°2 ; vol.5, pg 139-154
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Description

Revue d'histoire des sciences et de leurs applications - Année 1952 - Volume 5 - Numéro 2 - Pages 139-154
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1952
Nombre de lectures 59
Langue Français

Extrait

F. Lelionnais
Descartes et Einstein.
In: Revue d'histoire des sciences et de leurs applications. 1952, Tome 5 n°2. pp. 139-154.
Citer ce document / Cite this document :
Lelionnais F. Descartes et Einstein. In: Revue d'histoire des sciences et de leurs applications. 1952, Tome 5 n°2. pp. 139-154.
doi : 10.3406/rhs.1952.2919
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhs_0048-7996_1952_num_5_2_2919et Einstein' Descartes
Descartes déclarait qu'il n'avait pas cherché à résoudre tous les
grands problèmes des mathématiques parce qu'il fallait bien laisser
quelque travail à ses petits-neveux. C'est de l'un de ces petits-
neveux, Einstein, que je voudrais évoquer la figure ici, en la compar
ant à celle de son ancêtre, Descartes. Nous passerons en revue les
rencontres de ces deux grands esprits sur le terrain de la science et
nous ne tarderons pas à constater, que ces rencontres ne sont pas
fortuites, qu'elles vont au delà d'un parallèle purement académique
et qu'elles dénotent un accord philosophique plus profond.
En cherchant les points de contact d'Einstein et de Descartes,
je n'ai pas voulu cependant « faire partout des dénombrements si
entiers et des revues si générales que je fusse assuré de ne rien
omettre ». Je me contenterai de mettre en lumière les points qui
me semblent capitaux.
LA GÉOMÉTRIE : RÉFÉRENTIELS ET TENSEURS
C'est sur le terrain de la description des formes et des mouve
ments qu'il semble le plus naturel d'amorcer la confrontation de
ces deux savants. La révolution einsteinienne comporte à son
point de départ une discussion critique du cadre que Descartes a
proposé à la physique, nous voulons parler de la notion de référen-
tiel (1) qui, chez Descartes, prend la forme particulière d'un système
d'axes de coordonnées rectangulaires.
Notons d'abord qu'Einstein approuve et apprécie le référentiel
cartésien et son système de coordonnées. Dans un passage de
son livre Comment je vois le monde, Einstein explique que c'est,
en quelque sorte, la démocratisation de la géométrie qui lui a paru
intéressante dans la révolution cartésienne.
* Conférence faite au Centre International de Synthèse, le 9 mars 1950.
(1) J'emploie évidemment ici un mot que Descartes n'employait pas. REVUE D'HISTOIRE DES SCIENCES 140
Jusqu'à Descartes, nous dit-il, il y avait une sorte de conception
hiérarchique et aristocratique des figures, certaines d'entre elles
— les figures simples des Grecs — ayant pour ainsi dire plus de
« mérite » que d'autres. A partir de la révolution cartésienne,
toutes les figures se valent. Il y a une sorte d'égalité devant la loi,
exprimée par la correspondance des équations et des figures.
Mais Einstein, qui avait été frappé par ce fait historique, ne
s'est pas contenté d'approuver et d'apprécier la révolution carté-
M' M' ■*
Fig. 1
sienne ; il l'a élargie en introduisant une distinction entre la notion
de covariance et celle de contrevariance, alors que Descartes ne
connaissait que la notion de variance.
On peut donner une idée, insuffisamment générale, mais concrète
et facilement compréhensible, de ces nouvelles notions en échan
geant les axes rectangulaires de Descartes pour des axes obliques.
Pour simplifier, nous nous en tiendrons aux coordonnées dans le
plan. Soit donc un référentiel formé de deux axes de coordonnées
situées dans le même plan et inclinées l'une sur l'autre. Considérons
un point quelconque M du plan ; nous pouvons imaginer deux
moyens simples de repérer la position de ce point par rapport aux
axes de coordonnées : ou bien, nous mènerons par ce point, des
parallèles aux deux axes ; elles les rencontreront, disons en M' et
en M", et les deux longueurs OM' et OM" seront les deux coordon
nées du point M ; ou bien nous abaisserons des perpendiculaires sur DESCARTES ET EINSTEIN 141
ces deux axes : elles les rencontreront en M\ et M^, et les deux
longueurs ОМ'Х et ОМ\ définiront deux autres coordonnées. Lors
qu'on a affaire à des axes rectangulaires,' les deux systèmes se
confondent. Il n'en est pas de même lorsque les coordonnées sont
obliques. Les deux systèmes se comporteront différemment si l'on
change l'unité de longueur. Le premier est dit covariant, le second
contrevariant. Le recours à l'un ou l'autre de ces deux systèmes de
coordonnées donne aux physiciens des moyens de représentation
des phénomènes d'une bien plus grande variété que dans le simple
système cartésien (1). Nul doute que si Descartes avait connu la pos
sibilité d'expression en coordonnées covariantes ou contrevariantes,
il en aurait immédiatement apprécié l'intérêt, de la même manière
qu'Einstein a apprécié la révolution cartésienne.
Einstein ne s'est pas contenté d'analyser, de disséquer cette
notion de variance cartésienne en y faisant appel à deux types de
variances différents ; il a considérablement élargi le référentiel
cartésien, et l'a conduit à son maximum de plasticité par une idée
digne de celle de Descartes : celle des « coordonnées-pieuvres ». Le
terme, comme l'idée, est d'Einstein lui-même. Il définit le référent
iel que l'on obtiendrait en transformant les deux axes rigides des
coordonnées cartésiennes en tentacules flexibles. Un tel système,
qui semble relever du surréalisme plutôt que de la physique,
ne présenterait d'intérêt que s'il conservait quelque chose de stable.
C'est précisément ce qu'il fait, comme Einstein a su le montrer.
Voici comment.
Traçons sur une feuille de papier, outre les deux axes de coor
données rectangulaires, un graphique quelconque, représentant un
phénomène, ou une figure. Chiffonnons ensuite la feuille sur laquelle
se trouve ce graphique ; après cette opération, qui donnera une
allure quelque peu irrégulière aux axes de Descartes, il restera
néanmoins, indépendantes du chiffonnage, quelques relations de la
figure initiale valables encore dans la figure chiffonnée. Par exemple,
un point situé entre deux autres points sur une ligne de la feuille
plate conservera cette propriété sur la feuille C'est cette
vérité, indépendante du 'chiffonnage des axes cartésiens, qu'Einstein
a su dégager avec cette notion de « coordonnées-pieuvres », qu'il a
aussi quelquefois appelée « Référentiels mollusques ».
(1) Einstein n'est pas l'inventeur de cette distinction, mais ses théories lui ont assuré
un large emploi. revue d'histoire Des sciences 142
Ainsi, partant de la conception cartésienne, Einstein a réussi à
la développer à la taille de notre époque. Elle convient à une
mécanique dans laquelle l'espace colle en quelque sorte aux objets,
à une physique dans laquelle c'est la matière qui définit et qui
déforme l'espace.
Ce n'est pas tout. Einstein a encore aidé à préciser la validité
de l'emploi des référentiels cartésiens. Il y avait, en effet, un revers
à la médaille. A côté d'authentiques bienfaits, la révolution car
tésienne avait introduit un germe de malentendus. A force de
n'étudier les propriétés des figures ou l'allure des phénomènes qu'au
travers des axes de coordonnées, on finit par ne plus toujours savoir
bien séparer les échafaudages des édifices, c'est-à-dire les référentiels
de leurs contenus. Les expressions cartésiennes, en traduisant en
symboles algébriques des formes géométriques, retiennent cer
taines propriétés qui viennent non des figures, mais des référentiels.
Il importe de savoir faire la part de l'instrument dans la descrip
tion de l'observation. On doit à Einstein de nous avoir appris, non
seulement à mieux nous servir de la méthode des référentiels, mais
encore à savoir nous en dégager pour atteindre des Invariants ; je
fais allusion ici à cette grande révolution des mathématiques et
de la physique moderne, le Calcul tensoriel (1). Découvert, ou plutôt
pressenti au xixe siècle par Riemann et par Christoiïel, retrouvé en
physiq

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