Diderot et la Biologie. - article ; n°1 ; vol.5, pg 5-17
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Description

Revue d'histoire des sciences et de leurs applications - Année 1952 - Volume 5 - Numéro 1 - Pages 5-17
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1952
Nombre de lectures 14
Langue Français

Extrait

M Jean Rostand
Diderot et la Biologie.
In: Revue d'histoire des sciences et de leurs applications. 1952, Tome 5 n°1. pp. 5-17.
Citer ce document / Cite this document :
Rostand Jean. Diderot et la Biologie. In: Revue d'histoire des sciences et de leurs applications. 1952, Tome 5 n°1. pp. 5-17.
doi : 10.3406/rhs.1952.2892
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhs_0048-7996_1952_num_5_1_2892Diderot et la Biologie
A la différence de Voltaire ou de Montesquieu (1), Diderot ne
s'est jamais livré, même en guise de passe-temps, à la recherche
expérimentale ; mais il a longuement et profondément réfléchi
sur divers problèmes touchant aux sciences naturelles. Son œuvre
de biologiste-philosophe n'est rien moins que négligeable. Sans
qu'on puisse dire qu'elle ait joué un véritable rôle dans l'histoire
de la pensée scientifique, elle a, très probablement, contribué à
stimuler l'esprit des naturalistes et à élargir le champ de leurs
préoccupations. Elle se trouve presque entièrement contenue dans
les Pensées sur V interprétation de la nature (1754), l'Entretien entre
ď Alemberl et Diderot, le Rêve de ď Alemberl (écrits en X769, publiés
en 1830), et les Éléments de physiologie (écrits entre 1764 et 1780,
publiés en 1875 dans les Œuvres complètes, Garnier). On rencontre
aussi quelques passages significatifs dans la célèbre Lettre sur les
aveugles à l'usage de ceux qui voient (1749).
Les Éléments de physiologie — dont le manuscrit formait un
volume in-4° de la Collection des Manuscrits de la Bibliothèque
de l'Ermitage — ne sont point un ouvrage achevé, ni même
composé ; ce sont de simples notes prises au jour le jour, et où
abondent les répétitions, les contradictions et les négligences de
style. Elles furent rassemblées et ordonnées par Diderot — selon
M. Assézat — au cours du séjour que fit l'écrivain en Hollande.
Malgré leur caractère morcelé, décousu, improvisé, elles offrent
un très gros intérêt, car elles témoignent le sérieux et la persévérance
avec lesquels Diderot a médité sur les problèmes d'anatomie et
de physiologie, non seulement humaines, mais comparées.
(1) On sait que Voltaire expérimenta, non seulement sur la force motrice du feu, mais
sur la régénération de la tête chez les mollusques (voir J. Rostand, L'abbé Spallanzani
et les origines de la biologie expérimentale, Fasquelle, 1951). Quant à Montesquieu, il
publia des Observations sur Г histoire naturelle (1731), qui portent sur divers insectes, sur
le gui, l'anatomie des grenouilles, l'origine des mousses, la respiration des oiseaux, etc.
Il prononça également un Discours sur l'usage des glandes rénales (1718), — c'est-à-dire sur
ce que nous appelons aujourd'hui les glandes surrénales. REVUE D HISTOIRE DES SCIENCES 6
Bien que, dans sa jeunesse, il eût refusé de choisir la carrière
médicale (car, disait-il, il ne voulait tuer personne), Diderot fut
toujours attiré par la médecine. En 1746 — il a 33 ans — il traduit,
en collaboration avec MM. Eidous et Toussaint, un gros dictionnaire
anglais de médecine, de chirurgie, de chimie et de botanique ;
et c'est vraisemblablement à cette occasion qu'il conçoit le projet
de l'Encyclopédie.
Tout au long de son existence, et jusque dans l'âge mûr, il se
tient au courant des nouveautés médicales et chirurgicales : « Pas
de livres que je lise plus volontiers que les livres de médecine, pas
d'hommes dont la conversation soit plus intéressante pour moi
que celle des médecins » (Elements). Il suit même des cours ; il
assiste aux leçons publiques de Verdier ; il fréquente — place de
l'Estrapade — le logis de Mlle Biheron, qui, la première, fabriqua
des « pièces d'anatomie ». Il est friand de toute expérience nouvelle,
de toutes les « singularités de la nature ». Quand Réaumur se propose
d'étudier les réactions d'un aveugle-né à qui l'on avait fait subir
l'opération de la cataracte, il demande à être présent la première
fois qu'on enlèvera le bandeau de l'aveugle, et se montre extrême
ment dépité quand il comprend que la primeur de l'expérience a
été réservée à un bas-bleu scientifique, Mme Dupré de Saint-Maur.
« M. de Réaumur, dira-t-il, avait mieux aimé avoir pour témoins
deux beaux yeux sans conséquence que des gens dignes de le
juger (1). » Insolence qui lui coûtera cher — cent jours d'incarcé
ration à Vincennes...
Quand Diderot compose les Pensées sur V interprétation de la
nature, où il annonce un peu témérairement que le règne des mathé
matiques s'achève et que celui des sciences naturelles commence,
il est encore tout plein de François Bacon, à qui il emprunte le
titre même de l'ouvrage (Cogitala el visa de interpretation nalurse).
Celui-ci a pour dessein, ou pour prétexte, de commenter en la
discutant la thèse que venait de présenter un certain Baumann,
soi-disant professeur à Erlangen, et qui n'était autre que Mau-
pertuis (2).
D'après ce Baumann, tous les animaux présentement vivants
(1) Voir les Mémoires pour servir à V histoire de la vie el des ouvrages de Diderot, par
Mme de Vandeul, sa fille.
(2) Dissertatio inauguralis metaphysica de universali naturae systemate, pro gradu
docloris habita (1753). Ce travail fut publié en français par Maupertuis sous le titre :
Essai sur la formation des corps organisés (1754). ET LA BIOLOGIE 7 DIDEROT
dériveraient d'un seul animal originel — d'un « prototype »
infiniment diversifié. On reconnaît là une des premières tentatives
de « transformisme généralisé ». L'hypothèse avait déjà été envisagée
par Bufïon, dans son Histoire de Vâne, mais le grand naturaliste
l'avait écartée pour de multiples raisons :
L'âne et le cheval viennent-ils originairement de la même souche ?
Sont-ils, comme le disent les nomenclateurs, de la même famille ? ou
ne sont-ils pas et n'ont-ils pas toujours été des animaux différents ?
Cette question, dont les physiciens (1) sentiront bien la généralité, la
difficulté, les conséquences, tient à la production des êtres de plus près
qu'aucune autre... Si l'on admet une fois qu'il y ait des familles dans les
plantes et dans les animaux, que l'âne soit de la famille du cheval, et
qu'il n'en diffère que parce qu'il a dégénéré, on pourra dire également
que le singe est de la famille de l'homme, que c'est un homme dégénéré,
que l'homme et le singe ont eu une origine commune (2), comme le cheval
et l'âne, que chaque famille, tant dans les animaux que dans les végétaux,
n'a eu qu'une seule souche ; et même que tous les animaux sont venus
d'un seul animal, qui, dans la succession des temps, a produit, en se
perfectionnant et en dégénérant, toutes les races des autres animaux.
Les naturalistes qui établissent si légèrement des familles (3) dans les
animaux et dans les végétaux ne paraissent pas avoir assez senti l'étendue
de ces conséquences, qui réduiraient le produit immédiat de la création
à un nombre d'individus aussi petit qu'on le voudrait ; car s'il était une
fois prouvé qu'on pût établir ces familles avec raison, s'il était acquis que
dans les animaux, et même dans les végétaux, il y eût, je ne dis pas
plusieurs espèces, mais une seule qui eût été produite par la dégénération
d'une autre espèce ; s'il était vrai que l'âne ne fût qu'un cheval dégénéré,
il n'y aurait plus de bornes à la puissance de la nature, et l'on n'aurait
pas tort de supposer que d'un seul être elle a su tirer, avec le temps, tous
les autres êtres organisés. Mais non : il est certain, par la révélation, que
tous les animaux ont également participé à la grâce de la création ; que
les deux premiers de chaque espèce, et de toutes les espèces, sont sortis
tout formés des mains du Créateur ; et l'on doit croire qu'ils étaient tels
alors à peu près qu'ils nous sont aujourd'hui représenté

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