Enseignement moderne ou enseignement révolutionnaire des sciences ?  - article ; n°1 ; vol.42, pg 55-78
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Description

Histoire de l'éducation - Année 1989 - Volume 42 - Numéro 1 - Pages 55-78
24 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1989
Nombre de lectures 28
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean Dhombres
Enseignement moderne ou enseignement révolutionnaire des
sciences ?
In: Histoire de l'éducation, N. 42, 1989. Les Enfants de la Patrie. Éducation et Enseignement sous la Révolution
française. pp. 55-78.
Citer ce document / Cite this document :
Dhombres Jean. Enseignement moderne ou enseignement révolutionnaire des sciences ? . In: Histoire de l'éducation, N. 42,
1989. Les Enfants de la Patrie. Éducation et Enseignement sous la Révolution française. pp. 55-78.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hedu_0221-6280_1989_num_42_1_3342ENSEIGNEMENT MODERNE
OU RÉVOLUTIONNAIRE
DES SCIENCES?
par Jean DHOMBRES
Pour décrire les années 1793 et 1794, Jean-François Barailon,
médecin et député de la Creuse, entendait mettre les rieurs de son
côté lorsqu'au Conseil des Cinq-cents, en 1798, il s'exclamait : « On
était alors dans les beaux jours de l'exaltation. Tout se faisait
révolutionnairement ; les rues étaient tapissées d'affiches où on
lisait: Cours révolutionnaire de mathématiques; Cours révolu
tionnaire de physique ; Cours révolutionnaire de chimie, d'anato-
mie, de botanique ; Éducation pour les enfants de
sans-culottes, etc., etc., etc. C'était la mode, c'était l'esprit du
temps ». Il poursuivait sa péroraison sur un ton plus grinçant : « Il
fallait faire un cours révolutionnaire, ou être grandement suspect
d'ignorance, même de quelque chose de plus » (1). Barailon affi
rmait encore que l'on voulait, en l'an VI, « scientifier » les enfants
« aux dépens de la République » (2) et attaquait derechef l'interven
tion d'« objets totalement inutiles, le calcul différentiel et intégral »,
stigmatisant le ridicule « d'enseigner à tous ce qui n'était utile qu'à
quelques-uns » (3), notamment l'utilisation des lettres grecques en
algèbre. Par ces fortes paroles, il espérait coaliser à la Chambre une
opposition aux projets concernant l'École polytechnique, alors que
lui-même adoptait le parti des corps militaires contre cet établiss
ement (4) fondé par la loi du 28 septembre 1794 (7 vendémiaire
an III).
(1) Opinion de J.-F. Barailon (député par le département de la Creuse) sur
l'École polytechnique, le rapport et le projet de résolution qui la concernent,
24 nivôse an VI (Bibliothèque nationale, 8° Le43 1685), p. 18.
(2) M, p. 19.
(3) Id, p. 12.
(4) Voir le récit de cet épisode parlementaire dans A. Fourcy, Histoire de F École
polytechnique, Paris, 1828, pp. 141-144 (réédition avec notes, par Jean Dhombres,
Paris, Belin, 1987).
Histoire de F éducation - n* 42, mai 1989
Service d'histoire de l'éducation
LN.R.P. 29, rue cTUlm - 75005 Paris 56 Jean DHOMBRES
Sous une forme caricaturale, nous tenons là les premiers éléments
d'un débat concernant l'enseignement des sciences pendant la
décennie 1789-1799. Sans aucunement prétendre que toute l'his
toire des sciences de la période s'y résume, c'est ce débat dont nous
voulons éclairer les données, à partir d'éléments empruntés princ
ipalement aux mathématiques.
Trois questions résument ce débat. Existait-il une voie révolu
tionnaire pour l'enseignement des sciences? Cette voie, parce
qu'elle était moderne, devait-elle être imposée aux dépens de toutes
les autres approches possibles ? Les sciences, et tout particulièr
ement les mathématiques, devaient-elles prendre le pas sur tous les
autres domaines de l'éducation ?
Pour qu'un tel débat ait pu avoir lieu en l'an II et se poursuivre
encore en l'an VI, il fallait, au minimum, que fût manifeste un
militantisme scientifique que l'on constate effectivement dès avant
1789, et qui se prolonge au moins jusqu'à la fin de l'Empire. Ce tenait à des causes diverses, dont certaines n'étaient
pas proprement scientifiques. Tels le républicanisme que la prati
que des sciences devait inculquer, l'utilitarisme que ces mêmes
sciences nourrissaient grâce à leurs applications, l'athéisme qu'une
idéologie savante paraissait étayer, ou encore le nationalisme al
imenté par quelques monuments scientifiques légués au monde par
des Français que l'on n'hésitait pas à comparer au grand Newton
(1).
On tentera ici de sonder ce militantisme chez ceux qui furent
effectivement placés face à des élèves, et de comparer leur pratique
scolaire aux habitudes pédagogiques antérieures, afin d'en mesurer
tout autant l'originalité que les limites effectives. Commençons par
le récit d'une expérience menée au début des années 1790.
1. UN EXEMPLE : LES AMENAGEMENTS DU « BENEDIC
TIN» FOURIER À AUXERRE POUR L'ENSEIGNEMENT
DES MATHÉMATIQUES
Contraint de quitter l'abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire au
moment où les communautés régulières étaient dispersées (2),
Joseph Fourier se replia naturellement sur le collège d'Auxerre,
(1) Nous avons tenté de délier le faisceau de ces facteurs idéologiques dans un
livre : Jean et Nicole Dhombres, Naissance d'un pouvoir; sciences et savants en France
(1793-1824). Paris, Payot, 1989.
(2) Suspension provisoire de la profession de vux monastiques par l'Assemblée
constituante du 28 octobre 1789. L'Enseignement révolutionnaire des sciences 57
tenu par les Bénédictins de Saint-Maur, où lui-même avait été un
brillant élève. Sa vocation prenait un biais professoral alors qu'il
avait vingt-deux ans en cette année 1790 et disposait d'une culture
mathématique plutôt courte. S'il avait en effet déposé à l'Académie
des sciences, à la fin de l'année précédente, un mémoire sur les
racines des équations algébriques, il n'y faisait que retrouver des
résultats déjà prouvés par d'autres bien des années auparavant (1).
Apparemment, celui qui allait devenir l'un des physiciens les plus
marquants du XIXe siècle n'avait pas encore expérimenté par lui-
même en laboratoire. D'ailleurs, avant 1802, ses travaux porteront
seulement sur les mathématiques ou sur la mécanique théorique.
C'est donc un jeune homme professant en classe de troisième
qui proposa en 1790 à Auxerre un changement dans l'enseignement
des mathématiques alors qu'il était membre de la Société d'émulat
ion en fait son président mais n'avait pas encore franchi
l'étape d'un engagement directement politique (2). Cette rénova
tion s'insérait dans un plan d'études fourni par Dom Rosman,
principal du Collège national. Il distinguait huit niveaux pour des
enfants qui débutaient leurs études vers l'âge de huit ans. Les
mathématiques intervenaient comme discipline dès le 3e niveau, en
même temps, d'ailleurs, que le latin, et ne quittaient plus le cursus
jusqu'au 8e niveau inclusivement. Cette continuité était nouvelle si
l'on veut bien se rappeler que dans les collèges classiques, hormis
l'apprentissage des opérations élémentaires, un tel enseignement
restait optionnel. Il convient naturellement de rattacher le projet de
Fourier au programme d'enseignement des écoles royales mili
taires, écoles préparatoires fondées en 1776 par le comte de Saint-
Germain et installées dans certains collèges comme Auxerre où les
mathématiques étaient obligatoires (3). Ces écoles disposaient leurs
élèves à se présenter aux examens d'entrée dans les écoles spécif
iques des grands corps techniques militaires comme celle du Génie à
( 1 ) Mémoire présenté le 9 décembre 1 789 à l'Académie des Sciences de Paris. Le
texte n'en est pas conservé mais ce mémoire n'a pu qu'être basé sur un manuscrit
disponible intitulé Recherches sur l'algèbre.
(2) Ce franchissement fut effectué au printemps 1793 lors de l'entrée de Fourier
tant à la Société patriotique d' Auxerre fondée par Michel Le Peletier de Saint-
Fargeau qu'au Comité de Surveillance des étrangers et voyageurs dont la création
résultait de la loi du 21 mars 1793. Fourier devenait un des éléments du nouveau
pouvoir jacobin.
(3) Une promulgation du 31 octobre 1776 avait

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