Ferdinand Lot (1866-1952) - article ; n°1 ; vol.90, pg 13-24
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École pratique des hautes études, Section des sciences historiques et philologiques - Année 1957 - Volume 90 - Numéro 1 - Pages 13-24
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Publié le 01 janvier 1957
Nombre de lectures 32
Langue Français

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Émile Coornaert
Ferdinand Lot (1866-1952)
In: École pratique des hautes études, Section des sciences historiques et philologiques. Annuaire 1957-1958. 1957.
pp. 13-24.
Citer ce document / Cite this document :
Coornaert Émile. Ferdinand Lot (1866-1952). In: École pratique des hautes études, Section des sciences historiques et
philologiques. Annuaire 1957-1958. 1957. pp. 13-24.
doi : 10.3406/ephe.1957.4374
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ephe_0000-0001_1957_num_1_1_4374FKKDIXAM) LOT
Lorsqu'il s'est éteint le 19 juillet 1952, Ferdinand Lot a
laissé un sillage qui ne se comble pas pour ceux qui l'aimaient,
pour tous ceux qui avaient suivi son enseignement, qui le suivent
encore dans ses ouvrages. Son exemple toujours vivant, son
œuvre aussi haute qu'étendue, maintiendront longtemps le
souvenir lumineux de l'homme, du professeur, du savant.
* *
II était né le 20 septembre 1866 au Plessis-Piquet, dans cet
arrondissement de Sceaux auquel toute sa vie il allait rester
fidèle. Bachelier en 1885, il fut tenté par l'Ecole Navale, où
l'auraient porté la lecture de J. Verne et l'aspiration à des aven
tures lointaines. Son oncle, Henri Lot, qui avait établi l'authent
icité des Olim, décédé en 1876 après avoir été attaché aux
Archives Nationales pendant dix-huit ans, avait été membre
de l'Ecole des Chartes : ce souvenir décida de son choix. Il
prépara seul le concours, en suivant les cours de la Sorbonne :
l'enseignement inoubliable de Fustel de Coulanges acheva de
fixer sa vocation d'historien. Reçu en 1886, il voisinait avec
Ch. Petit-Dutaillis, Marcel Poëte, Labande, Sœhnée. En même
temps que les cours de l'École, il suivit assidûment des confé
rences à la quatrième section de l'Ecole pratique des Hautes
Etudes. Archiviste paléographe en 1890, il entrait aussitôt à la
bibliothèque de la Sorbonne. En 1900, un vœu exprimé par
A. Giry sur eon lit de mort lui faisait confier une maîtrise de
conférences à l'Ecole pratique des Hautes Études; directeur
adjoint en 1905, il de\enait directeur d'études en 1917. Docteur
en 1904, il était entré à la Sorbonne en 1909 comme chargé
de conférences complémentaires; maître de conférences en
1915, il était nommé professeur titulaire en 1920. Trois fois 14 FERDINAND LOT
titulaire du prix Gobert, en 1904, en 1919, en 1920, l'Académie
des Inscriptions et Belles-Lettres l'accueillit en 1924.
Il avait épousé en 1909 Mlle Myrrha Borodine, fille d'un émi-
nent botaniste russe, membre de l'Académie des Sciences
de Saint-Pétersbourg.
Fils unique, il avait perdu son père, avocat, quand il avait
six ans; sa mère, elle-même sans parents, tomba bientôt malade.
De son enfance difficile il garda toute sa vie une certaine réserve,
entretenue par la critique exigeante qu'il s'appliquait à lui-
même : quand il alla consulter la liste d'admission à l'Ecole,
il la lut d'abord par les noms des derniers; arrivé au cinquième,
il se croyait refusé : un camarade dut lui montrer qu'il était
troisième. Son autorité croissante libéra peu à peu un fond natu
rel d'enjouement et d'humour qui mit toujours un sourire dans
son commerce avec les autres.
Les mots de raison, de droiture, de simplicité se pressent
sous la plume, inséparables, pour définir l'unité parfaite de
l'homme. Sa vie scientifique était toute sa vie; sa critique réglait
son activité tout entière. Étranger à l'intrigue, supérieur à
l'amertume sous toutes ses formes, il dédaignait les tréteaux
où se hisse la vanité, ceux même d'où s'exerce le pouvoir. Le
non-conformisme était un élément de sa nature. Sa critique le
défendait contre les entraînements, même du talent, • fût-ce
celui de ses amis : il subit un moment, comme chacun, la séduc
tion des grandes fresques de Joseph Bédier, de Henri Pirenne;
il se déprit assez tôt de leurs prestiges, sans que ces désaccords
aient projeté l'ombre la plus légère sur son affection pour l'un
et pour l'autre. Dans une époque exigeante, son patriotisme,
qui s'exprimait dans son dévouement à l'Alliance Française,
fut toujours clairvoyant; même pendant l'occupation allemande,
il affirmait avec netteté son option pour la résistance, mais avec
la sérénité de l'historien. Sa finesse toujours en éveil saisissait
les petitesses de ses collaborateurs les plus proches : quand un
mot amusé avait découvert chez lui quelque ironie, une touche
bienveillante venait corriger souvent le trait de la pointe.
Sa bienveillance accueillait avec un plaisir sensible tous
les débutants, tous les travailleurs méritants. A Fontenay-aux-
Roses, où il vécut plus de quarante ans, sa maison s'ouvrait LOT" 15 FERDINAND
sur un cadre de verdure propice au labeur intellectuel. H "aimait
y recevoir le dimanche après-midi ses amis et ses élèves; sa
cordialité sans apprêt, sans affectation aucune animait la convers
ation, la variait de souvenirs, de mots à l'emporte-pièce, traitant
souvent du travail de l'un ou de l'autre; tous ceux qui ont profité
de la faveur de ces rencontres en emportaient un sentiment de
réconfort. Il prenait part aux peines des autres et savait le faire
sentir mieux que personne.
Son aménité, qui était humanité profonde, n'excluait pas les
prises très fermes de position. Jeune encore, il s'était jeté dél
ibérément dans des bagarres d'idées quand il estimait en danger
la science française et son enseignement. A la veille et au lende
main immédiat de la guerre de 1870, bien des savants avaient
pris conscience du retard de nos méthodes; un quart de siècle
plus tard, les efforts de renouvellement restaient encore limités.
Ferdinand Lot avait à peine vingt-six ans, quand, en 1892, il
publia un article vigoureux sur U enseignement supérieur franç
ais, ce qu' il' devrait être; en 1906, il récidivait dans les très
indépendants Cahiers de la Quinzaine, de Péguy, par une longue
étude qui parut en deux volumes : De la situation faite à l'ense
ignement supérieur en France; en 1898, par une autre sur Le
budget de V enseignement supérieur en France et en Allemagne
dans la Revue politique et parlementaire. En 1912, il venait
d'être admis, difficilement, à un rang encore effacé, dans le corps
professoral de la Sorbonne quand, dans La Grande Revue,
tribune à l'audience alors très étendue, il lança un article quelque
peu corrosif : Où en est la Faculté des Lettres de Paris ?
Sa sereine vigueur d'âme le soutint tout au long d'une desti
née qui fut souvent cruelle. Son absolu désintéressement fut
rarement récompensé. Ses dernières années elles-mêmes, où
il eût dû pouvoir se retourner sur une carrière d'une exceptionn
elle fécondité, furent traversées d'épreuves particulièrement
lourdes. Il ressentait à fond la défaite de la France. Il pouvait
nourrir de belles espérances pour ses deux gendres : Boris Vildé,
arrêté en février 1941 avec le réseau du Musée de l'Homme,
fut fusillé au Mont-Valérien le 23 janvier 1942; Jean-Berthold
Mann tomba en combattant en Italie le 23 avriM944. Sa fermeté
suscita l'admiration émue de tous ceux qui l'approchaient.
Un accident stupide de- la circulation arrêta brusquement sa
vieillesse encore alerte -à quatre-vingt-cinq ans; il subit quatre
opérations chirurgicales en quelques mois; il plaisantait de ses
souffrances avec ceux qui lui rendaient visite; dans son lit,
J. U. 702781. \ 16 FERDINAND LOT
il corrigea les épreuves du troisième volume d'un ouvrage qu'il
ne devait pas achever.
Pendant plus de soixante ans, il donna le haut et rare exemple
de l'observation dans la vie de chaque jour des règles de son
labeur intellectuel et de son culte intransigeant pour la vérité,
3ervie dans le rôle qu'il avait choisi.
*
* *
II partagea sa vie entre des théâtres en constante communic
ation.
A l'École des Chartes, il avait rencontré une pléiade de maîtres
de premier ordre, savants rigoureux et éminents, Paul Meyer,
Gaston Paris, d'Arbois de Jubainville, tout spécialement un
quatrième

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