Histoire des recherches sur les relations entre le génie et la maladie - article ; n°1 ; vol.15, pg 51-68
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Description

Revue d'histoire des sciences et de leurs applications - Année 1962 - Volume 15 - Numéro 1 - Pages 51-68
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1962
Nombre de lectures 11
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

M. D. Grmek
Histoire des recherches sur les relations entre le génie et la
maladie
In: Revue d'histoire des sciences et de leurs applications. 1962, Tome 15 n°1. pp. 51-68.
Citer ce document / Cite this document :
Grmek M. D. Histoire des recherches sur les relations entre le génie et la maladie. In: Revue d'histoire des sciences et de leurs
applications. 1962, Tome 15 n°1. pp. 51-68.
doi : 10.3406/rhs.1962.4407
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhs_0048-7996_1962_num_15_1_4407des recherches sur les relations Histoire
entre le génie et la maladie*
L'homme moderne est de plus en plus curieux. Il veut connaître
la vie secrète de ses semblables, et surtout de ceux qui le dépassent
par certaines qualités ou simplement par leur succès social. L'accroi
ssement des biographies des célébrités sur le marché littéraire en
est la preuve évidente. Il ne s'agit pas seulement d'un processus
quantitatif : la façon d'écrire les biographies a subi un change
ment considérable. L'homme actuel ne respecte guère la vie
intime des autres. Au contraire, il veut connaître et expliquer
surtout les « indiscrétions », ces tabous de la société occidentale
d'autrefois. Parmi les faits biographiques, qui ont été longtemps
considérés comme dignes d'une discrétion toute particulière, il
faut mentionner en premier lieu certaines maladies. Et ce n'est
pas par hasard que, précisément, l'étude des maladies des person
nages célèbres devient maintenant de plus en plus à la mode.
Dans plusieurs langues européennes on utilise le néologisme
grec « pathographie », pour désigner la partie médicale d'une
biographie ou, plus précisément, la biographie du point de vue
médical. L'étude des maladies des personnages illustres, et surtout
de ceux qui ont disparu, est un champ de recherche où se touchent
et se croisent la Médecine, la Psychologie et l'Histoire, en parti
culier celle de l'Art et de la Littérature. Être le no man's land,
c'est à la fois le charme et le danger de ces investigations. Celui
qui s'en occupe aura forcément des lacunes dans son érudition
et d'obligatoires incompétences. Ainsi s'explique pourquoi, malheu
reusement, une grande partie de ce qui a été écrit jusqu'à nos
* Texte d'une conférence faite au Centre international de Synthèse, le jeudi
15 juin 1961. Une discussion intéressante suivit l'exposé du D» Grmek. Le Dr E. Mm-
kowski fit une importante intervention sur la différence de niveau entre le génie, la
création et les maladies dénommées communément sous le nom de folie. Il montre que
le génie est mystérieux dans son essence, mais il ne dérive pas de la maladie. Les consi
dérations psychologiques et psychopathologiques qu'il développa n'ont pas un caractère
historique et nous nous excusons de ne pouvoir les reproduire ici. On les trouvera dans
un prochain numéro de la Revue de Synthèse ' 52 revue d'histoire des sciences
jours sur les maladies des grands et pseudo-grands n'a qu'une
valeur étonnamment faible. Les erreurs une fois glissées sous la
plume mal avertie, enthousiaste ou simplement un peu trop
rhétorique sont ensuite répétées, colportées, agrandies.
Les principaux biographes de l'Antiquité, tel Plutarque ou
Tacite, ont décrit seulement les masques des personnages histo
riques, en les transformant en types psychologiques idéalisés,
simplifiés parfois jusqu'aux symboles. Après la Renaissance,
l'exposé biographique devient de plus en plus conforme à la
complexité psychologique des êtres humains. On commence à
tenir compte aussi des facteurs pathologiques. Décisive fut, à cet
égard, l'influence de certaines autobiographies, notamment celles
de B. Cellini et G. Cardano, représentants passionnants du Cinque-
cenio italien.
Après les Confessions de J.-J. Rousseau, le problème des perver
sions sexuelles des personnages célèbres s'ouvrit, comme une
brèche dans le mur de la pudeur, devant les yeux étonnés du
public. Il est assez significatif que deux des plus importantes
perversions sexuelles, existant, sans doute aucun, dès l'époque
préhistorique, aient pris, dans le langage scientifique moderne,
le nom de deux romanciers, l'un du xvine siècle (marquis de Sade),
et l'autre du xixe siècle (Sacher-Masoch).
Les biographes de notre époque ne considèrent plus la maladie
comme une chose humiliante, dégradante ; au contraire, ils soul
ignent la grandeur de leurs héros en exposant leurs faiblesses et
leurs difficultés physiques et mentales.
Comme les auteurs d'un grand nombre de pathographies ne
sont pas des médecins, ils donnent parfois des jugements que la
médecine actuelle ne peut accepter. Par exemple, on explique
souvent l'apparition de la psychose chez un savant ou chez un
artiste malheureux à l'aide d'événements extérieurs (le fait de ne
pas être « compris », « persécution », etc.), ce qui ne se justifie pas
par l'expérience psychiatrique. Les biographes inversent facilement
causes et effets.
Il n'est pas facile de faire le diagnostic chez une personne qui
est morte depuis longtemps. Les données cliniques sont presque
toujours insuffisantes. En outre, dès qu'il s'agit de sujets qui ont
une signification affective particulièrement importante pour leur
biographe, les facteurs émotifs font ressortir ou supprimer des
éléments essentiels pour le diagnostic. GÉNIE ET MALADIE 53
L'étude des maladies des personnages illustres est importante
de deux points de vue différents.
Tout d'abord, l'interprétation médicale aide à mieux comprendre
les œuvres des génies. Ainsi, il n'y a pas de doute que la connaissance
des caractéristiques psychopathologiques de Dostoïevski, Baudel
aire, Robert Mayer, Napoléon, Toulouse-Lautrec, Strindberg ou
Nietzsche, a approfondi notre compréhension de leurs accomplis
sements. Nous nous sommes contentés de mentionner, pêle-mêle,
seulement quelques figures parmi les plus connues et les plus
étudiées. L'expérience médicale peut donc servir aux historiens
et aux critiques d'arts et de lettres.
D'autre part, l'application des méthodes de recherche histo
rique est parfois utile à la Médecine. Par exemple, l'examen de
l'arbre généalogique des familles royales, corrélativement avec des
recherches pathographiques, a donné des résultats précieux pour
une meilleure connaissance de la transmission héréditaire de
certaines maladies. C'est ainsi que Gun et Haldane ont démontré
la transmission héréditaire, récessive et par le hétérochromosome,
de l'hémophilie chez les membres des familles royales d'Europe.
Le gène de la maladie apparut pour la première fois, probablement
par mutation, chez la reine Victoria ou chez son père. Puisque la
couronne de Grande-Bretagne est transmise en priorité aux hommes,
l'hémophilie n'atteignit pas la dynastie britannique, mais fut
introduite par les filles de Victoria dans les dynasties allemande,
espagnole et russe (on se rappelle la maladie du prince d'Asturie
et du dernier Tsarévitch abandonné aux bons soins de Raspoutine).
La médecine profita du cas tragique de l'empereur Frédéric III,
chez qui un grand spécialiste anglais, Morell Mackenzie, diagnos
tiqua, au lieu du cancer, la - tuberculose du larynx. La dispute
scientifique qui suivit la maladie impériale a éclairé le diagnostic
différentiel entre la phtisie, le cancer et la syphilis de la gorge.
L'analyse détaillée de la phase prépsychotique et psychotique
dans la vie de Hôlderlin a abouti à des conclusions importantes
pour l'appréciation du déroulement clinique de la schizophrénie.
Le problème essentiel d'une pathographie n'est pas seulement
l'établissement d'un diagnostic précis mais, en plus, l'analyse
soignée de l'influence qu'une maladie déterminée a eue sur la forma
tion de la personnalité en question et surtout sur la forme et la
qualité de son œuvre. Il est, par conséquent, facile de comprendre
pourquoi dans les études pathographiques on est, depuis longtemps, revue d'histoire des sciences 54
tout particulièrement attiré par les troubles mentaux et par les
maladies qui transforment le psychi

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