Identité ethnique et identité régionale en Iran et en Asie centrale - article ; n°1 ; vol.59, pg 101-116
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Revue du monde musulman et de la Méditerranée - Année 1991 - Volume 59 - Numéro 1 - Pages 101-116
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 37
Langue Français
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Extrait

Marcel Bazin
Identité ethnique et identité régionale en Iran et en Asie centrale
In: Revue du monde musulman et de la Méditerranée, N°59-60, 1991. pp. 101-116.
Citer ce document / Cite this document :
Bazin Marcel. Identité ethnique et identité régionale en Iran et en Asie centrale. In: Revue du monde musulman et de la
Méditerranée, N°59-60, 1991. pp. 101-116.
doi : 10.3406/remmm.1991.1494
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remmm_0997-1327_1991_num_59_1_1494Marcel BAZIN
IDENTITE ETHNIQUE ET IDENTITÉ RÉGIONALE
EN IRAN ET EN ASIE CENTRALE
L'Iran est un Etat pluri-ethnique, et une simple carte administrative le fait per
cevoir immédiatement. En effet, à côté de provinces (ostân) portant le nom de leur
chef-lieu (Esfahân, Yazd, Kermân, Hamadân, etc.) ou de véritables noms régio
naux (Guilân, Mâzandarân, Khorâssân, Azerbaïdjan), le nom de plusieurs provin
ces fait directement référence à une ethnie : Kurdistan (Kordestân, «pays des Kurd
es»), Louristan (Lorestân, «pays des Lors»), Sistân et Baloutchistan (Baloutches-
tân, «pays des Baloutches»), Tchahârmahâl et Bakhtiyâri (tribu des Bakhtiyâri),
Kohguilouyeh et Boyer Ahmadi (tribu des Boyer Ahmadi). Même le Fârs, la «Perse»
de l'Antiquité, plutôt perçu aujourd'hui comme un terme régional, était à l'or
igine le pays des Perses. Une allusion ethnique se retrouve dans les noms de quel
ques unités administratives de rang inférieur, tels le département (chahrestân) de
Tavâlech (pluriel arabe forgé à partir de Tâlech), les arrondissements (bakhch) de
Goeuklan, Dja'farbây ou Atabây nommés d'après des tribus ou clans turkmènes,
ou le canton (dehestân) du Khaladjestân dans l'Iran central, «pays des Khaladj»,
petit groupe turcophone. D'autres unités régionales ne coïncidant pas avec les ci
rconscriptions administratives sont également nommées par référence à une ethnie,
la «Steppe turkmène» (Torkaman Sahrâ, littéralement le «Sahara des Turkmènes»)
ou le Tâlech, extrémité occidentale de l'Alborz habitée par le groupe ethnique
du même nom. C'est d'ailleurs cette dernière coïncidence qui a été à l'origine
de l'orientation de ma thèse vers la réflexion sur les rapports entre ethnie et région
(témoin l'évolution des titres entre Bazin 1974 et 1980). Cette orientation doit
beaucoup aussi à ma collaboration avec des ethnologues, qui n'a pas cessé
RE.M.M.M. 59-60, 1991/1-2 102 I M. Bazin
-E QHARBI
(OUES.T)
Circonscriptions administratiLimite de province (ostân)
ves de rang inférieur dont le
nom évoque une ethnie :
Province dont le nom évoque
une ethnie E Chahrestân de Tavâlech
M Bakhch de Dja'farbây
H d'Atabây
l;v&! Unité «naturelle-ethnique» M de Goeklan
•fc Tâlech Hl Dehestân du Khaladjestân
y "S Steppe turkmène
Carte n° 1.
Iran. Ethnies et nomenclature régionale Identité ethnique et identité régionale en Iran et en Asie centrale / 103
depuis, au sein du Programme d'Etablissement de Cartes Ethnographiques de l'Iran
lancé par Jean-Pierre Digard et Christian Bromberger (1975).
Je m'interrogerai donc sur l'identité ethnique des régions à partir des travaux
menés sur le thème de la différenciation spatiale des caractères culturels au sein
de cette équipe interdisciplinaire et internationale par essence. Devenue, après avoir
été rattachée à diverses formations du CNRS, le RCP 586 « Iran contemporain :
espace, culture et société» puis TER 252 «Sciences sociales du monde iranien con
temporain» avec l'inclusion de l'Afghanistan, elle a toujours associé des géogra
phes (Bernard Hourcade et moi-même, plus Daniel Balland pour l'Afghanistan)
à des ethnologues et des sociologues. Elle a de plus travaillé en étroite collaborat
ion, jamais interrompue malgré les événements politiques, avec des partenaires
iraniens appartenant aux trois mêmes disciplines. Les échanges ont ainsi été cons
tants entre les approches géographique et ethnologique comme entre les regards
français et iraniens. A partir de tous ces travaux, qui ont entre autres donné lieu
au colloque d'octobre 1985 sur « Le fait ethnique en Iran et en Afghanistan» (Digard,
1988), on peut d'abord s'interroger sur la pertinence du critère ethnique dans la
division régionale de l'Iran puis, en changeant d'échelle, sur la question d'une
éventuelle «hiérarchie des ethnies» en Iran et sur ses répercussions géopolitiques.
Ethnies et découpage régional
Comme partout, le concept même d'ethnie reste ambigu en Iran où il recouvre
des réalités assez dissemblables et a prêté à bien des discussions (voir entre autres,
Digard, 1988 : 9-12 et Orywal, 1988). D'où la difficulté de cartographier ces eth
nies, et les différences sensibles qu'on peut observer entre les diverses cartes de
répartition proposées récemment (Ehlers, 1980 : 200; L'état du monde 1984 :
408-409; carte A VIII 18 du TA VO, reprise dans Digard, 1988 : 3-5), qui ne tien
nent pas seulement aux incertitudes de l'information mais aux critères adoptés.
Le critère d'identification interne utilisé par E. Orywal suivant en cela F. Barth
(1969) — est considéré comme une ethnie un groupe qui se reconnaît lui-même
comme distinct des autres à l'intérieur de l'Etat iranien — recoupe le plus souvent
une identité linguistique. L'appartenance religieuse, l'organisation sociale segmen-
taire en tribus, clans et fractions ou un mode particulier d'occupation du terri
toire (nomadisme ou semi-nomadisme) peuvent soit compléter cette identité li
nguistique soit prendre le pas sur elle (Châhsavan parlant le même turc que les Azer
baïdjanais, mais organisés en tribus nomades, ou Zoroastriens de langue persane).
Dans quelle mesure les aires qui apparaissent sur cette carte peuvent-elles const
ituer des régions, des régions d'un type particulier qu'on pourrait dénommer «clas
ses ethno-spatiales» en transposant le concept de «classes socio-spatiales» défini
par Alain Reynaud (1979)? Par rapport à ces dernières, ces «classes ethno-spatiales»
présenteraient l'intérêt de conjuguer deux emboîtements d'échelle. Chaque indi
vidu se situe en effet à la fois dans une série de territoires de dimension croissante
et dans des unités humaines elles aussi inclusives, de la famille étroite à la tribu
ou à l'ethnie. La question qui se pose est le degré de correspondance entre les
deux séries, et particulièrement entre les niveaux jugés les plus significatifs dans
chacune. Or, la définition subjective de ces d'emboîtement successifs varie
beaucoup d'une partie de l'Iran à l'autre. De plus, la dimension même des groupes 104 I M. Bazin
ethniques, l'étendue de leur aire d'implantation, et leur mode de répartition, con
tinue ou discontinue, leur donnera forcément une signification régionale différente.
Dans le Nord caspien, il y a en fait quasi-identité des deux séries. Christian Brom-
berger (1988 : 94-96) a montré à propos de l'exemple de la plaine centrale du Gui-
lân que les unités de référence sont des unités locales suivant le principe de la
«segmentante territoriale» : l'affiliation sociale collective part du quartier (mahalle),
à la fois unité de voisinage réunissant des maisons en ordre lâche et cellule agri
cole de base irriguant ses rizières à partir d'un même chenal, pour passer à la loca
lité (mahal ou âbâdî), référence plus nominale mais qui est parfois la seule à figu
rer sur des documents administratifs, puis au canton (bolouk autrefois, dehestân
aujourd'hui) généralement animé par un centre commercial autonome, au district
gouverné par une ville {chahrestân, que l'on peut traduire par «département» depuis
que son rôle administratif a été renforcé), aux deux moitiés ouest (Biyapas) et est
(Biyapich) de la plaine, survivance dans la mémoire collective de l'ancienne divi
sion historique de la province avant son unification au XVIe siècle. On peut ensuite
opposer

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