Idéologie et sémantique : Le vocabulaire politique des anarchistes russes - article ; n°3 ; vol.30, pg 255-284
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Description

Cahiers du monde russe et soviétique - Année 1989 - Volume 30 - Numéro 3 - Pages 255-284
Michael Confino, Ideology and semantics: the political vocabulary of the Russian anarchists.
This article deals with the formation of the political terminology (and of the specific jargon) of the Russian anarchists as expressed in their publications and in their everyday discourse and utterances (speeches, lectures, private letters). This distinctive anarchist terminology was shaped by two main factors: first, by the need of words and terms (of a language) different from those of their nearest political and ideological adversaries, that is - in the present case - the left in general and the revolutionary groupings in particular.
The continuous debate with the Marxists and the Russian Social Democrats (Bolsheviks and Mensheviks alike) was one of the sources for the formation of an important and significant set of terms reflecting, at one and the same time, the ideological differences between the two movements, and the strong disdain of the anarchists for state socialists and all brands of authoritarian socialism.
Another area which generated an original and interesting constellation of terms and buzzwords was the terrorist action and the expropriations (eksy). Finally, the study examines the widespread use of war metaphors in the writings and everyday speech of the anarchists, a linguistic phenomenon rather surprising and paradoxical in a political milieu so strongly committed to combat all and any kind of militarism.
Throughout the article an attempt has been made, whenever possible, to translate the Russian anarchists' terms and jargon words, by French equivalents used during the same period in the anarchist groups in France.
Michael Confino, Idéologie et sémantique : le vocabulaire politique des anarchistes russes.
Cette étude traite des modes de formation de la terminologie politique - et de ce qu'on pourrait appeler le jargon- des anarchistes russes telle qu'elle s'exprimait dans leurs publications et dans leur parler courant (discours, conférences, lettres privées). Cette terminologie particulière aux anarchistes découlait de deux sources principales : d'abord , des traits fondamentaux de l'idéologie anarchiste ; ensuite, du besoin, dans la pratique courante, de termes (d'une « langue ») qui soient différents de ceux de leurs adversaires politiques et idéologiques les plus proches, c'est-à-dire ceux de la gauche révolutionnaire.
C'est dans la polémique avec le marxisme en général, et avec les sociaux -démocrates russes (bolcheviks et mencheviks) en particulier, que se forme un groupe important et significatif de termes, qui désignent à la fois et les différences idéologiques et le peu d'estime qu'avaient les anarchistes pour les « socialistes d'État », et pour le « socialisme centraliste et autoritaire ».
Un autre domaine où se crée une série originale et intéressante de termes et de mots de jargon est l'activité terroriste et les expropriations (eksy). Enfin, l'article examine l'emploi fréquent de la « métaphore guerrière » dans les écrits et le langage courants des anarchistes, emploi paradoxal pour un mouvement qui combattait activement le militarisme sous toutes ses formes.
Dans la présentation des divers aspects du sujet on a tenté, dans la mesure du possible, de traduire les termes et le jargon russes par des équivalents d'époque en usage dans le mouvement anarchiste français.
30 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1989
Nombre de lectures 31
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Michaël Confino
Idéologie et sémantique : Le vocabulaire politique des
anarchistes russes
In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 30 N°3-4. Juillet-Décembre 1989. pp. 255-284.
Citer ce document / Cite this document :
Confino Michaël. Idéologie et sémantique : Le vocabulaire politique des anarchistes russes. In: Cahiers du monde russe et
soviétique. Vol. 30 N°3-4. Juillet-Décembre 1989. pp. 255-284.
doi : 10.3406/cmr.1989.2190
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cmr_0008-0160_1989_num_30_3_2190Abstract
Michael Confino, Ideology and semantics: the political vocabulary of the Russian anarchists.
This article deals with the formation of the political terminology (and of the specific jargon) of the
Russian anarchists as expressed in their publications and in their everyday discourse and utterances
(speeches, lectures, private letters). This distinctive anarchist terminology was shaped by two main
factors: first, by the need of words and terms (of a "language") different from those of their nearest
political and ideological adversaries, that is - in the present case - the left in general and the
revolutionary groupings in particular.
The continuous debate with the Marxists and the Russian Social Democrats (Bolsheviks and
Mensheviks alike) was one of the sources for the formation of an important and significant set of terms
reflecting, at one and the same time, the ideological differences between the two movements, and the
strong disdain of the anarchists for "state socialists" and all brands of "authoritarian socialism".
Another area which generated an original and interesting constellation of terms and buzzwords was the
terrorist action and the "expropriations" (eksy). Finally, the study examines the widespread use of war
metaphors in the writings and everyday speech of the anarchists, a linguistic phenomenon rather
surprising and paradoxical in a political milieu so strongly committed to combat all and any kind of
militarism.
Throughout the article an attempt has been made, whenever possible, to translate the Russian
anarchists' terms and jargon words, by French equivalents used during the same period in the anarchist
groups in France.
Résumé
Michael Confino, Idéologie et sémantique : le vocabulaire politique des anarchistes russes.
Cette étude traite des modes de formation de la terminologie politique - et de ce qu'on pourrait appeler
le jargon- des anarchistes russes telle qu'elle s'exprimait dans leurs publications et dans leur parler
courant (discours, conférences, lettres privées). Cette terminologie particulière aux anarchistes
découlait de deux sources principales : d'abord , des traits fondamentaux de l'idéologie anarchiste ;
ensuite, du besoin, dans la pratique courante, de termes (d'une « langue ») qui soient différents de ceux
de leurs adversaires politiques et idéologiques les plus proches, c'est-à-dire ceux de la gauche
révolutionnaire.
C'est dans la polémique avec le marxisme en général, et avec les sociaux -démocrates russes
(bolcheviks et mencheviks) en particulier, que se forme un groupe important et significatif de termes, qui
désignent à la fois et les différences idéologiques et le peu d'estime qu'avaient les anarchistes pour les
« socialistes d'État », et pour le « socialisme centraliste et autoritaire ».
Un autre domaine où se crée une série originale et intéressante de termes et de mots de jargon est
l'activité terroriste et les expropriations (eksy). Enfin, l'article examine l'emploi fréquent de la «
métaphore guerrière » dans les écrits et le langage courants des anarchistes, emploi paradoxal pour un
mouvement qui combattait activement le militarisme sous toutes ses formes.
Dans la présentation des divers aspects du sujet on a tenté, dans la mesure du possible, de traduire les
termes et le jargon russes par des équivalents d'époque en usage dans le mouvement anarchiste
français.MICHAEL CONFINO
IDÉOLOGIE ET SÉMANTIQUE :
LE VOCABULAIRE POLITIQUE
DES ANARCHISTES RUSSES
«... Mais ils ne mettaient pas, au lieu défaits connus et
compréhensibles, des mots incompréhensibles et nébuleux
qui n'expliquent absolument rien. »
P. Kropotkin, La science moderne et l'Anarchie, Paris,
1913, p. 1 1 (souligné dans le texte).
Les groupes sociaux, politiques, professionnels et confessionnels qui atteignent
un certain degré d'homogénéité et obtiennent une identité distincte, tendent à créer,
en marge du langage usuel, un vocabulaire qui leur est propre, soit en forgeant des
mots nouveaux, soit en attribuant à des mots courants une signification nouvelle par
voie de resémentisation1. Il en va de même, par exemple, des groupes d'âge, des
corps de métiers, des adeptes de différents sports et surtout des marginaux -
les sectes, le « milieu », les criminels et la population pénitentiaire, enfin les
membres de diverses « sub-cultures ». Ce fait est bien connu et n'exige pas de
démonstration détaillée ; de même, on sait que l'incompréhension des termes de jar
gon peut toujours aggraver la confusion des notions, si répandue, hélas, et qui frappe
de nos jours non seulement les profanes, mais aussi des chercheurs chevronnés, his
toriens et linguistes y compris2. Deux exemples suffiront pour illustrer ce propos.
Lorsque les premiers ouvrages d'écrivains revenus du Goulag - tel, par
exemple, O din den' Ivana Denisoviča (Une journée d'Ivan Denissovitch) - apparu
rent en Occident, de nombreux lecteurs furent surpris de constater que malgré leur
bonne (parfois même excellente) connaissance du russe, de nombreux mots et
expressions leur étaient inconnus et inintelligibles. Cela tient au fait que les per-
Cahiers du Monde russe et soviétique, XXX (3-4),juil.-déc. 1989, pp. 255-284. 256 MICHAEL CONFINO
sonnages de ces ouvrages s'expriment souvent dans l'argot du Goulag qui, pour les
non-initiés, est, comme on dit, de l'hébreu. En effet, comment savoir (à moins
d'avoir séjourné dans l'archipel) que кит ne désigne ni un parrain (d'ailleurs, sens
tombé en désuétude en URSS) ni un compère, mais un responsable de la sécurité
dans un camp? De même, lapa est un pot-dc-vin et non une simple patte, et
jazyčnik n'a rien à voir avec un païen, mais signifie une personne incarcérée za
jazyk (lit. : pour la langue), c'est-à-dire pour « propagande anti-soviétique »
(confirmant ainsi le proverbe ancestral : « trop parler nuit »). A un moment donné,
pour combler ce besoin et satisfaire la demande, des dictionnaires spécialisés paru
rent et mirent à la portée des lecteurs (et aussi, il faut bien le dire, des traducteurs)
les secrets de ce jargon que le monde pénitentiaire soviétique - tant politique que
de droit commun (blatnoj) - avait élaboré durant de longues années dans les camps
et les prisons3.
Le second exemple concerne un autre milieu, un autre lieu. Dans un ouvrage
sur l'occupation allemande pendant la Deuxième Guerre mondiale et dont le titre
m'échappe complètement à présent (est-ce Le grand jeu de Leopold Trcpper ou
bien L'orchestre rouge de Gilles Perrault ? ouvrages inoubliables, mais dont un
détail ici ou là s'efface déjà de la mémoire avec le temps), un interrogateur de la
Gestapo affirme être capable d'établir l'affiliation politique des résistants arrêtés
d'après des mots et des expressions qu'ils emploient dans leur conversation ou lors
des interrogatoires. Dans une certaine mesure cela paraît probable et il y a sans
doute certains termes distincts, susceptibles de « trahir » une affiliation, de signaler
des particularités du langage usuel de communistes, de socialistes, de catholiques
pratiquants, etc. ; encore faudrait-il ajouter que le genre de « conversation » entre
interrogé et interrogateur (à moins que ce dernier ne soit extrêmement habile) ne
porte pas d'habitude sur des sujets où pareilles différences se révèlent. En outre,
l'emploi des termes « distinctifs » dépend aussi (entre autres facteurs) de la durée
de l'affiliation politique de l'interrogé : en effet, plus celle-ci est brève, moins les
termes du « jargon de parti » (ou du mouvement) auront été assimilés cl incorporés
dans le parler quotidien du résistant. N'empêche que par ce biais assez bizarre, on a
une illustration intéressante de l'existence de ces jargons propres à tels ou tels
milieux sociaux, politiques ou autres.
Les groupes et les mouvements révolutionna

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