Introduction : Économie des contrats et renouvellements de l'analyse économique - article ; n°1 ; vol.92, pg 23-50

Eric Brousseau, Jean-Michel Glachant

Description

Revue d'économie industrielle - Année 2000 - Volume 92 - Numéro 1 - Pages 23-50
The concept of contract has become essential in economics for the last 30 years. Three main theoretical frameworks emerged : the incentive theory, the incomplete contract theory and the transaction costs theory. These frameworks enabled scholars to renew their analysis of microeconomic co-ordination problems, with many implications for Industrial Economies. Beyond this, the analyses of the performing of market economies and of the institutional framework were also renewed. If substantial progress has been made, new developments are needed. They require a better understanding of bounded rationality and also of interactions between contracts and institutions.
Durant les trente dernières années, le concept de contrat est devenu central pour l'analyse économique. Trois courants théoriques en sont nés : « incitations », « contrats incomplets », et « coûts de transaction ». Ils ont permis de renouveler notre lecture du fonctionnement des interactions micro-économiques, éclairant d'un jour nouveau de nombreuses questions d'économie industrielle. Mais au-delà, c'est l'analyse du fonctionnement même des économies « de marché » et celle du cadre institutionnel qui ont été renouvelées. Si les avancées ont déjà été importantes, des développements sont néanmoins attendus d'un traitement plus pertinent de la rationalité limitée et des interactions entre contrats et institutions.
28 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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• Publié par: REVUE_D-ECONOMIE_INDUSTRIELLE
• Publié le: 01 janvier 2000
• Nombre de lectures: 39
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

Eric Brousseau
Jean-Michel Glachant
Introduction : Économie des contrats et renouvellements de
l'analyse économique
In: Revue d'économie industrielle. Vol. 92. 2e et 3eme trimestres 2000. pp. 23-50.
Abstract
The concept of contract has become essential in economics for the last 30 years. Three main theoretical frameworks emerged :
the "incentive theory", the "incomplete contract theory" and the "transaction costs theory". These frameworks enabled scholars to
renew their analysis of microeconomic co-ordination problems, with many implications for Industrial Economies. Beyond this, the
analyses of the performing of "market" economies and of the institutional framework were also renewed. If substantial progress
has been made, new developments are needed. They require a better understanding of bounded rationality and also of
interactions between contracts and institutions.
Résumé
Durant les trente dernières années, le concept de contrat est devenu central pour l'analyse économique. Trois courants
théoriques en sont nés : « incitations », « contrats incomplets », et « coûts de transaction ». Ils ont permis de renouveler notre
lecture du fonctionnement des interactions micro-économiques, éclairant d'un jour nouveau de nombreuses questions
d'économie industrielle. Mais au-delà, c'est l'analyse du fonctionnement même des économies « de marché » et celle du cadre
institutionnel qui ont été renouvelées. Si les avancées ont déjà été importantes, des développements sont néanmoins attendus
d'un traitement plus pertinent de la rationalité limitée et des interactions entre contrats et institutions.
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Brousseau Eric, Glachant Jean-Michel. Introduction : Économie des contrats et renouvellements de l'analyse économique. In:
Revue d'économie industrielle. Vol. 92. 2e et 3eme trimestres 2000. pp. 23-50.
doi : 10.3406/rei.2000.1033
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rei_0154-3229_2000_num_92_1_1033Eric BROUSSEAU
Jean-Michel GLACHANT
ECONOMIE DES CONTRATS
ET RENOUVELLEMENTS DE L'ANALYSE
ÉCONOMIQUE (*)
Mots-dés théorie des : coûts Contrats, de transaction. institutions, théorie des incitations, théorie des contrats incomplets,
Key words : Contracts, Institutions, Incentive Theory, Incomplete Contracts Theory,
Transaction Costs Theory.
Pour un économiste, un contrat est un accord par lequel deux parties s'en
gagent sur leurs comportements réciproques. Il s'agit donc d'un dispos
itif bilatéral de coordination. Certes ce dispositif renvoie à la concept
ion juridique du contrat (un accord de volonté produisant des effets de droit),
mais il la dépasse. Durant les trente dernières années, le « contrat » s'est impos
é dans l'analyse économique comme une notion centrale (§ 1). Trois voies
principales d'analyses en sont nées : celle des « incitations », celle des
« contrats incomplets », et celle des « coûts de transaction » (§ 2). Elles ont
permis de renouveler notre lecture du fonctionnement des économies de marc
hé... et la « boîte à outils » des praticiens (§ 3).
L'objet de ce numéro spécial est de rendre compte des développements
récents de ces courants d'analyse, d'en présenter les diverses facettes (§ 4), et
d'évoquer les perspectives ouvertes pour le nouveau siècle (§ 5). La fécondité
de ces approches, qui ont bouleversé de nombreux pans de l'analyse écono
mique au cours des dernières décennies, est loin d'être épuisée. Issues de nom-
(*) Nous remercions Christophe Destais, Didier Chabaud, M'hand Fares, Emmanuel
Raynaud et Stéphane Saussier, du Centre ATOM, pour leurs remarques et suggestions qui
ont permis d'améliorer ce texte. Bien entendu, nous demeurons seuls responsables des
imperfections et des erreurs.
REVUE D'ÉCONOMIE INDUSTRIELLE — n° 92, 2e et 3" trimestres 2000 23 breux champs méthodologiques et disciplinaires, les contributions de ce numér
o spécial en témoignent.
I. — LE ROLE CENTRAL DE LA NOTION DE CONTRAT POUR
L'ANALYSE ÉCONOMIQUE
Même si la notion de contrat s'est imposée depuis longtemps pour penser le
fonctionnement des sociétés décentralisées, notamment avec la philosophie
des lumières, les économistes ne lui ont rendu justice que dans une période
récente. Pendant longtemps, après les contributions de Smith et de Walras, ils
ont fondé leurs analyses du fonctionnement des économies décentralisées sur
la notion de marché et de système de prix. Ce modèle de confrontation des
offres et des demandes autour d'un prix affiché, tel qu'il a été théorisé par
l'analyse walrasienne, ne rend pas compte de manière satisfaisante des pro
priétés d'une économie décentralisée (voir la contribution de Coase dans ce
numéro). Tout d'abord, ce modèle ne tient pas compte des coûts de fonctio
nnement du marché, ce qui est paradoxal pour un modèle d'analyse écono
mique. Ensuite, il présuppose l'existence d'une coordination collective (impli
citement institutionnelle) - les caractéristiques des marchandises à échanger
sont fixées à l'avance, tous les intervenants sur le marché participent effect
ivement au mécanisme centralisé de tâtonnement, (etc.) - qui entre en contra
diction avec l'idée que l'économie est réellement décentralisée. Enfin, ce
modèle est irréaliste car, en pratique, les agents échangent des biens et services
hors de l'équilibre et dans le cadre de rencontres bilatérales ; c'est-à-dire sans
connaître les échanges et les prix pratiqués par les autres agents et sans savoir
si ces prix soldent les marchés.
L'économie des contrats est née dans les années soixante-dix d'un double
mouvement d'insatisfaction vis-à-vis de cette théorie des marchés walrasiens.
• Sur le plan théorique, on a cherché de nouveaux outils analytiques pour
comprendre comment, dans une rencontre en face à face, les agents écono
miques fixent les caractéristiques, les quantités et le prix des ressources qu'ils
s'échangent. Si ces agents subissent des coûts de transaction, s'ils peuvent pro
fiter d'avantages informationnels, s'il existe des situations où des investiss
ements non redéployables devraient être réalisés, il faut s'attendre à ce qu'on
n'échange pas les mêmes marchandises, au même prix, et à partir des mêmes
règles que sur un marché walrasien. La théorie des prix et, avec elle, les ana
lyses de la formation des grandeurs économiques en ont été bouleversées
après, entre autres, les travaux d' Arrow [1971], Akerlof [1970] ou Stiglitz
[1977].
• Sur le plan empirique, des problèmes comme ceux de la réglementation de
la concurrence ont stimulé la réflexion économique. On a renouvelé l'analyse
de certains types de contrats interentreprises comme les accords de distribution
sélective, les accords de coopération de long terme, (etc.). Ils étaient jus-
24 REVUE D'ÉCONOMIE INDUSTRIELLE — n° 92, 2e et 3e trimestres 2000 qu'alors considérés comme anticoncurrentiels, sans qu'on prenne en compte
leurs effets positifs sur le bien-être. La manière suivant laquelle les pouvoirs
publics peuvent inciter et contrôler des producteurs de services d'intérêt génér
al fit également l'objet d'un réexamen. La théorie économique avait trop
négligé les possibilités de capture, de part et d'autre, des bénéfices d'une
exploitation monopolistique de ces services. Demsetz ou Williamson, Baron et
Laffont, entre autres, ont renouvelé l'approche de ces problèmes de
« Régulation ».
Cette double origine explique le formidable développement de l'économie
des contrats et pourquoi elle a contribué à bouleverser l'ensemble des champs
de l'analyse économique : de l'analyse des interactions micro-économiques à
celle des ensembles macro-économiques (comme le marché du travail), en
passant par les différents domaines de l'économie appliquée : finance, com
merce international, organisation industrielle, etc.
Sur le fond, ce succès s'explique par le pouvoir analytique de la notion de
contrat. D'une part, la notion de contrat focalise l'a