Juge suprême et docteur infaillible : le pontificat romain de la bulle In eminenti (1643) à la bulle Auctorem fidei (1794) - article ; n°1 ; vol.93, pg 215-275
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Juge suprême et docteur infaillible : le pontificat romain de la bulle In eminenti (1643) à la bulle Auctorem fidei (1794) - article ; n°1 ; vol.93, pg 215-275

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Mélanges de l'Ecole française de Rome. Moyen-Age, Temps modernes - Année 1981 - Volume 93 - Numéro 1 - Pages 215-275
Bruno Neveu, ~~Juge suprême et docteur infaillible : le pontificat romain de la bulle «In eminenti» (1643) à la bulle «Auctorem fidei» (1794)~~, p. 215-275. Les trois pouvoirs confiés à l'Église et exercés en plénitude par le Siège Apostolique, ministerium, regimen et magisterium, ont été souvent envisagés par les théologiens et les historiens comme la triple expression d'une seule puissance, de sorte que la régence, qui fonde la primauté, a paru aussi inclure le charisme de l'infaillibilité, qui relève en fait du magistère. Aux XVIIe et XVIIIe siècles la controverse autour du droit et du fait dans le jansénisme illustre la confusion entre les attributions du pontife romain comme juge souverain et ses prérogatives comme docteur infaillible, entre renonciation magistrérielle et sa traduction dans la loi de l'Église. À ces surimpositions se sont ajoutées les réticences qu'éprouva longtemps la romanité post-tridentine à s'engager dans une argumentation de type historique et critique développée outre Alpes par une culture ecclésiastique plus attirée par les méthodes de la théologie positive que par le raisonnement dogmatique sur les lieux théologiques.
61 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1981
Nombre de lectures 41
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Extrait

Bruno Neveu
Juge suprême et docteur infaillible : le pontificat romain de la
bulle In eminenti (1643) à la bulle Auctorem fidei (1794)
In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Moyen-Age, Temps modernes T. 93, N°1. 1981. pp. 215-275.
Résumé
Bruno Neveu, Juge suprême et docteur infaillible : le pontificat romain de la bulle «In eminenti» (1643) à la bulle «Auctorem fidei»
(1794), p. 215-275.
Les trois pouvoirs confiés à l'Église et exercés en plénitude par le Siège Apostolique, ministerium, regimen et magisterium, ont
été souvent envisagés par les théologiens et les historiens comme la triple expression d'une seule puissance, de sorte que la
régence, qui fonde la primauté, a paru aussi inclure le charisme de l'infaillibilité, qui relève en fait du magistère. Aux XVIIe et
XVIIIe siècles la controverse autour du droit et du fait dans le jansénisme illustre la confusion entre les attributions du pontife
romain comme juge souverain et ses prérogatives comme docteur infaillible, entre renonciation magistrérielle et sa traduction
dans la loi de l'Église. À ces surimpositions se sont ajoutées les réticences qu'éprouva longtemps la romanité post-tridentine à
s'engager dans une argumentation de type historique et critique développée outre Alpes par une culture ecclésiastique plus
attirée par les méthodes de la théologie positive que par le raisonnement dogmatique sur les lieux théologiques.
Citer ce document / Cite this document :
Neveu Bruno. Juge suprême et docteur infaillible : le pontificat romain de la bulle In eminenti (1643) à la bulle Auctorem fidei
(1794). In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Moyen-Age, Temps modernes T. 93, N°1. 1981. pp. 215-275.
doi : 10.3406/mefr.1981.2594
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_0223-5110_1981_num_93_1_2594BRUNO NEVEU
JUGE SUPRÊME ET DOCTEUR INFAILLIBLE
LE PONTIFICAT ROMAIN DE LA BULLE
IN EMINENTI (1643)
À LA BULLE AUCTOREM FI DEI (1794)*
Pour se voir reconnaître par le savoir universitaire la respectabilité d'une
discipline académique, l'histoire du christianisme a dû peu à peu s'éloigner de
la théologie, mais cette séparation laborieuse ne lui a pas assuré, en fin de
compte, une complète crédibilité. Au seuil même de ces études, qui prirent
leur essor dans la savante Allemagne du siècle dernier et se fortifièrent à
partir de 1886 à l'École pratique des Hautes Études, surgit en effet,
aujourd'hui comme hier, l'énigme laissée prudemment de côté par Mgr Du-
chesne, directeur de l'École française de Rome, quand il évoque au début de
son Histoire ancienne de l'Église, au détour d'une page et avec un flou
dogmatique parfait, « Jésus-Christ, [qui] bien qu'il appartienne par sa réalité
d'homme à la catégorie des créatures visibles, tient aussi, par le fond de son
être, à la divinité » ' .
La réponse intime à cette formidable interrogation liminaire sur la part
du transcendant dans l'histoire décide pourtant de toute orientation critique
ultérieure. Suivant que l'on tient l'Église pour héritière des promesses évangé-
liques ou pour une société purement humaine, dès l'époque de son fondateur
ou par une altération progressive, les historiographies du christianisme
varient du tout au tout. Autant que leur diversité leur luxuriance déconcerte.
Ce n'est plus un défaut, il est vrai, pour notre époque alexandrine, séduite par
les échos et les reflets, tentée souvent de préférer à l'étude de l'histoire celle
de l'historiographie. L'histoire au second degré jette assurément un oblique
rayon de lumière sur l'objet dont les générations précédentes avaient cru
saisir l'image. Chaque siècle dénonce les illusions de son aîné. La mode est à
* Cet article reprend le sujet de la conférence et du séminaire qui ont eu lieu à
l'École française de Rome les 28 et 29 janvier 1981.
1 Paris, 19233, p. 42.
MEFRM - 93 - 1981 - 1, p. 215-275. 216 BRUNO NEVEU
présent de railler les inconséquences du positivisme, qui croyait «laisser
parler les textes » mais c'est pour favoriser parfois un impressionnisme pares
seux ou partisan, prompt à rejeter l'impartialité en même temps que l'objecti
vité attaquée par l'approche sémiotique et par les théories de la Rezeptions ges
chickte sur la pluralité des lectures et des sens. En dépit de ces révisions
périodiques, les mythes élaborés au cours des âges se survivent, et sans
étouffer la voix du témoignage originel, ils y mêlent à tout instant leur
captieuse éloquence.
Des surimpositions qui brouillent ainsi notre vision du passé, souvent à
notre insu, les exemples surabondent. Est-il permis, devant une assistance
à' antiquitatis cultores, de rappeler la vitalité d'un de ces mythes, qui associa
directement un déclin, une corruption de l'Empire romain à la diffusion de la
religion chrétienne et à son triomphe dans l'État? Insistant sur la rupture
entre civilisations plutôt que sur la continuité chère à l'historien, ce thème
polémique lancé par les philosophes des Lumières, Voltaire et Condorcet en
tête, mis en forme par Gibbon, contre un christianisme agent de dépopulation
et de désagrégation sociale, repris par Burckhardt au XIXe siècle et prolongé
en méditation «fin-de-siècle» sur la décadence, ce thème si bien orchestré
s'est survécu jusqu'à nos jours. Seule une distinction plus fine entre deux
termes du débat tenus à priori pour équivalents, « Rome » et « civilisation », et
une dislocation de la périodisation conventionnelle « Antiquité » « Moyen Âge »,
ont permis de substituer à l'idée de la décrépitude, de la fonction destructrice
du christianisme, celle de l'héritage, de la transmission culturelle2. À une
année de distance, deux des plus grands maîtres, Henri-Irénée Marrou et
M. Arnaldo Momigliano, viennent de marquer, chacun à sa manière3, les liens
organiques ou associatifs entre l'Empire romain, l'Église romaine, les sociétés
chrétiennes orientale et germanique, Nouvelle Rome de Byzance ou nations
de l'Occident latin toujours fidèles aux sacralités impériales, à la pourpre où
s'enveloppe sans doute encore en son tombeau la bru de Clovis, la reine
mérovingienne Arégonde4.
2 Voir la bibliographie qui accompagne les analyses de Mme E. Patlagean, Dans le
miroir, à travers le miroir: un siècle de déclin du monde antique, dans Les études classiques
aux XIXe et XXe siècles: leur place dans l'histoire des idées, Vandœuvres-Genève, 1980,
p. 209-240 (Fondation Hardt, Entretiens sur l'Antiquité classique, 26).
3 A. Momigliano, After Gibbons Decline and Fall, dans Annali della Scuola Normale
Superiore di Pisa, classe di Lettere e Filosofia, ser. Ili, voi. Ili, 2, Pise, 1978, p. 435-454;
H.-J. Marrou, Décadence romaine ou antiquité tardive? IIIe-VIe siècles, Paris, 1977, p. 184.
4 Voir la présentation par M. Fleury et A. France-Lanord de leurs découvertes de
fouilles et analyses de laboratoire dans Dossiers de l'archéologie, n° 32, janv.-févr. 1979 :
Découvertes à Saint-Denis. Bijoux et parures mérovingiennes de la reine Arégonde, belle-
fille de Clovis. Serait particulièrement instructif l'examen des survivances, échos et PONTIFICAT ROMAIN DE LA BULLE IN EMINENTI À LA BULLE AUCTOREM FIDEI 217 LE
L'histoire du christianisme offre dès ses débuts matière à un autre débat,
suscité par la concentration de l'autorité ecclésiastique à Rome et dont
l'historiographie est également surabondante. Les deux premiers siècles ont
vu se modifier et même évoluer diamétralement les rapports entre l'Église des
Juifs et l'Église des Gentils, l'ellipse de la chrétienté avec ses deux foyers,
Jérusalem et Rome, se transformant en cercle où Rome occupe le centre de
i'orbis christianus comme de Vorbis romanus^. Le ciel d'Orient a vu briller
l'étoile de la Nativité mais c'est à l'Occident de fixer la date de Noël en vertu
de l'autorité apostolique fondée sur le double mémorial du Vatic

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