L automate bancaire : un multimédia très ordinaire - article ; n°1 ; vol.122, pg 86-102
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L'automate bancaire : un multimédia très ordinaire - article ; n°1 ; vol.122, pg 86-102

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Communication et langages - Année 1999 - Volume 122 - Numéro 1 - Pages 86-102
Lorsque l'on évoque un dispositif technique multimédia, la fascination des chercheurs, de la presse ou du grand public se porte d'ordinaire sur ces pièces maîtresses de la mythologie contemporaine que sont les cédéroms, Internet ou autres livres électroniques. Il existe cependant des dispositifs techniques multimédias plus discrets — les automates bancaires ou distributeurs automatiques de billets (dab) — auxquels ni la presse ni les chercheurs ne semblent prêter grande attention. La raison de ce désintérêt ? La trivialité de l'objet, qui repose sur ce que Brecht appelait l'évidence, Perec l'infra-ordinaire ou Roland Barthes la naturalité des choses. Une trivialité qui mérite qu'on y regarde d'un peu plus près, ainsi que le montre le texte d'Emmanuel Souchier et Yves Jeanneret.
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Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 20
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Emmanuël Souchier
Yves Jeanneret
L'automate bancaire : un multimédia très ordinaire
In: Communication et langages. N°122, 4ème trimestre 1999. pp. 86-102.
Résumé
Lorsque l'on évoque un dispositif technique multimédia, la fascination des chercheurs, de la presse ou du grand public se porte
d'ordinaire sur ces pièces maîtresses de lamythologie contemporaine que sont lescédéroms, Internet ou autres livres
électroniques. Il existe cependant des dispositifs techniques multimédias plus discrets— les automates bancaires ou distributeurs
automatiques de billets (dab) — auxquels ni la presse ni les chercheurs ne semblent prêter grande attention. La raison de ce
désintérêt ? La trivialité de l'objet, qui repose sur ce que Brecht appelait l'évidence, Perec l'infra-ordinaire ou Roland Barthes la
naturalité des choses. Une trivialité qui mérite qu'on y regarde d'un peu plus près, ainsi que le montre le texte d'Emmanuel
Souchier et Yves Jeanneret.
Citer ce document / Cite this document :
Souchier Emmanuël, Jeanneret Yves. L'automate bancaire : un multimédia très ordinaire. In: Communication et langages.
N°122, 4ème trimestre 1999. pp. 86-102.
doi : 10.3406/colan.1999.2969
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/colan_0336-1500_1999_num_122_1_2969L'automate bancaire : O
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Lorsque l'on évoque un dispositif technique multimé- quels ni la presse ni les chercheurs ne
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presse ou du grand public se porte d'ordi- son de ce désintérêt? La trivialité de
naire sur ces pièces maîtresses de la l'objet, qui repose sur ce que Brecht appe-
mythologie contemporaine que sont les lait l'évidence, Perec I'infra-ordinaire ou
cédéroms, Internet ou autres livres élec- Roland Barthes la naturalité des choses.
troniques. Il existe cependant des disposi- Une trivialité qui mérite qu'on y regarde
tifs techniques multimédias plus discrets d'un peu plus près, ainsi que le montre le
— les automates bancaires ou distribu- texte d'Emmanuel Souchier et Yves
teurs automatiques de billets (dab) — aux- Jeanneret1 .
Dispositif technique multimédia qui utilise texte, image et son,
l'automate bancaire présente une particularité. Parfaitement
intégré dans notre société, c'est l'un des dispositifs les plus
répandus et les plus pratiqués ; diffusé à travers l'ensemble du
tissu urbain, il est accepté par la population et fait désormais
partie du quotidien2. Si l'automate bancaire représente
d'énormes enjeux financiers3, il pose également toute une série
de questions sociales et politiques. Ainsi, la conception techno
logique relativement fruste de ce dispositif met en évidence
CM *-1 . Les prémices de ce travail ont été présentées au IVe Congrès international Word &
^ image (Emmanuel Souchier, « Un multimédia très ordinaire : l'automate bancaire »,
§j Trinity College, Dublin, août 1996). Une version grand public a été publiée dans Le
gj Monde diplomatique (Emmanuel Souchier & Yves Jeanneret, « Automates bancaires,
c La machine sacrée », n° 509, août 1996).
^ 2. Une enquête Sofres a montré un taux de satisfaction de 95 % des personnes interro-
03 gées et précisé qu'il s'agissait de l'un des services les mieux perçus par la clientèle
.§ (1995).
■(5 3. Sur le seul territoire français, 25000 automates bancaires ont été recensés en 1998,
•^ sur lesquels 3485 millions de transactions ont été effectuées pour un volume global de
§ 1 141 milliards de FF. Il y avait en circulation 33,9 millions de cartes bancaires. Aux
£ 25000 automates bancaires il convient également d'ajouter les terminaux de paiement
§ électronique indépendants (550000) et les systèmes intégrés (125000). Relevé 1999,
O chiffres pour l'année 1998. Source : GIE Cartes bancaires, Paris. L'automate bancaire : un multimédia très ordinaire 87
l'idéologie de la communication qui a présidé à sa mise en place
auprès du grand public. Où il s'avère que la technique reine,
pensant s'affranchir des aléas de la communication humaine,
n'a fait qu'afficher avec un certain cynisme ce que le discours
politiquement correct ne pouvait qu'effacer.
Média de masse, l'automate bancaire produit un discours qui lui
est propre. En affirmant que « le message c'est le médium », Me
Luhan omettait le pendant sociologique de sa thèse qui
s'exprime notamment à travers les pratiques de sociabilité4. Au-
delà de la simple fonctionnalité, l'automate bancaire se pose
comme un objet d'intégration ou d'exclusion : on y va ou on n'y
va pas. Selon que l'on appartient ou non à la gent argentée, on
peut - ou non - exhiber sa carte bancaire et jouer de la distinc
tion permise par les gammes de cartes proposées. Gammes
déclinées de la simple carte nationale à la carte premier, de
l'internationale à la classe affaire en passant par les cartes dites
de prestige... vocabulaire emprunté au discours marchand de
l'aviation civile et à la sociabilité de la jet set. Égalité devant
l'automate, sitôt niée par les marques distinctives de la carte. Le
jeu subtil des particularités réintroduit discrètement la hiérarchie
dans l'échange social ; média de masse à l'instar du distributeur,
la carte bancaire est aussi un marqueur sociologique relevant de
la distinction5 - dans les deux sens du terme - et par là même de
l'identité.
Reste que l'automate bancaire soulève un certain nombre de
problématiques propres à l'ensemble des médias électroniques.
L'analyse des pratiques de communication met en relief la déré
gulation des espaces sociaux et du tissu social, le mélange des
genres, la déresponsabilisation des acteurs au profit de la
machine, la mystification de l'objet électronique protégé par la
religion de l'écran... le point de vue sémiologique mettant plus
précisément l'accent sur la permutation des actants, la scénari-
sation des activités quotidiennes et la mise en image de l'écrit à
travers l'espace de l'écran.
Une question dès lors : comment l'idéologie de la transparence
et de l'immatériel s'incarne-t-elle à travers l'épaisseur sémio-
tique des messages et l'opacité des écrans? Comment les
4. Lilyane Deroche-Gurcel, « Cyberespace : le retour de la sociabilité? »,
Communication et langages, n° 1 07, 1 996.
5. Pierre Bourdieu, La Distinction. Critique sociale du jugement, Éd. de Minuit, 1979. 88 Psychosociologie de ia communication
enjeux politiques, ethnologiques, sociaux évoqués à l'instant
s'inscrivent-ils matériellement dans le dispositif technique?
ÉVOLUTION DE L'UTOPIE FONCTIONNELLE
Les distributeurs pré
Evolution des automates bancaires sentent deux types
d'architecture fonda1 espace public ouvert : rue
mentalement distincts,
qui entraînent des attautomate
itudes différentes; les
banque uns sont placardés au
mur, les autres enclos
dans un espace proauvent
tégé. Lorsque je
m'extrais du flux de la
rue pour retirer de 3 bis l'argent, si l'espace est
clos l'instant m'est ras"1 r r
surant, en revanche il
est perçu comme 4 bis
angoissant, voire dan
gereux s'il est situé sur sas sas
la voie publique ou en
position intermédiaire,
dans un renfoncement
5 espace public couvert : gare, aérogare, etc. par exemple. Pour le
banquier, tout paraît a
priori simple, il pense
économie et impose la
servuction où produc
teur et consommateur
CM C\| coproduisent le service. En sortant le service de ses murs, la
banque réalise une notable économie en postes de travail et
temps de production. Le principe est astucieux et le banquier
gagne sur tous les tableaux puisqu'il fait également travailler son
client qui « initie et réalise » lui-même le service. L'intérêt de
l'automate bancaire réside donc dans son accessibilité et sa dis
ponibilité6. Mais placé sur le mur de la banque, il cré

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