L Église éducatrice. Messages apparents, contenus sous-jacents - article ; n°1 ; vol.50, pg 91-117
28 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

L'Église éducatrice. Messages apparents, contenus sous-jacents - article ; n°1 ; vol.50, pg 91-117

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
28 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Histoire de l'éducation - Année 1991 - Volume 50 - Numéro 1 - Pages 91-117
27 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 21
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Hervé Martin
L'Église éducatrice. Messages apparents, contenus sous-
jacents
In: Histoire de l'éducation, N. 50, 1991. Éducations médiévales. L'Enfance, l'École, l'Église en Occident. Ve-XVe
siècles. pp. 91-117.
Citer ce document / Cite this document :
Martin Hervé. L'Église éducatrice. Messages apparents, contenus sous-jacents. In: Histoire de l'éducation, N. 50, 1991.
Éducations médiévales. L'Enfance, l'École, l'Église en Occident. Ve-XVe siècles. pp. 91-117.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hedu_0221-6280_1991_num_50_1_2495L'EGLISE EDUCATRICE
Messages apparents, contenus sous-jacents
par Hervé MARTIN
Ce sujet peut sembler très « vieux » et appeler inévitablement
une série de clichés sur les monastères refuges du savoir et sur
la science des clercs (litterati), opposée à l'ignorance des laïcs (jlli-
terati). Rien ne nous inciterait à reprendre l'examen de cette ques
tion si son approche n'avait été profondément renouvelée depuis
quelques années. On connaît mieux, désormais, le projet pédago
gique de l'Église, du temps de saint Bernard à celui d'Erasme. Il ne
se limitait pas à l'inculcation de quelques rudiments du dogme et de
quelques règles de conduite. Il visait, plus largement, à doter les
laïcs du bagage religieux et idéologique indispensable pour penser
l'au-delà et l'ici-bas. En associant étroitement la prédication et la
confession dans la période pré-pascale, l'enseignement religieux
tendait à ce que le croire fût suivi d'un faire (la pénitence, les
uvres de rachat, l'assistance aux offices, etc.). Stimulés par leurs
évêques, les clercs séculiers s'attelaient à cette tâche, avec le renfort
des religieux appartenant aux ordres mendiants (Dominicains,
Franciscains, Carmes et Augustins). Autant dire que les acteurs de la
pédagogie ecclésiastique étaient fort nombreux. Loin de se limiter
aux maîtres d'école et aux docteurs des universités, ce milieu englob
ait les différents agents de la pastorale : les prédicateurs attitrés, les
intervenants occasionnels, mais aussi les « metteurs en scène » de
paraliturgies et de mystères et les ordonnateurs de programmes ico
nographiques (1).
Le message diffusé par les clercs est également mieux connu.
Les temps sont révolus où l'analyse thématique, collecte en liberté
de textes-preuves, opérée au gré de la subjectivité du chercheur,
tenait lieu de panacée. Les historiens ont bénéficié du perfectionne-
1. Renouvellements essentiels apportés par J. Longère : uvres oratoires de
maîtres parisiens au XIIe siècle. Étude historique et doctrinale, Paris, 1975, 2 vol.,
Id., La prédication médiévale. Paris, 1983. Voir aussi les Actes du Colloque Faire
croire (Coll. de l'École française de Rome, 51).
Histoire de l'éducation - n° 50, mai 1991
Service d'histoire de l'éducation
I.N.R.P. 29, rue d'Ulm - 75005 Paris Hervé MARTIN 92
ment des méthodes d'analyse des textes inauguré par les littéraires.
Il est désormais admis que tout énoncé peut et doit se lire à plusieurs
niveaux, du plus superficiel au plus profond, et que le message
explicite peut en cacher un autre, plus subtil ou plus ambigu.
Comme les marchandises, les contenus intellectuels peuvent circuler
en contrebande. Il n'est pas sacrilège de soumettre les textes rel
igieux à pareille inspection. On ne saurait s'en dispenser quand il
s'agit de ces exemples faussement naïfs, de ces anecdotes morali
santes dont les prédicateurs gavaient leurs auditeurs. En ces méca
nismes secrets, où le toléré voisine avec l'interdit et où le suggéré
cohabite avec l'explicite, gît peut-être l'une des explications de
l'efficacité, de plus en plus couramment admise, de la pédagogie
religieuse médiévale (2).
Là ne s'arrêtent pas les renouvellements. Les historiens sont en
train de redécouvrir les images. Après s'être longtemps reposés sur
les interprétations d'Emile Mâle, ou après s'être complus dans l'él
aboration d'une nouvelle symbolique, superposée à celle des théolo
giens médiévaux, ils se sont avancés sur les chemins plus ardus,
mais finalement plus sûrs, de l'analyse systématique du « langage de
l'image au Moyen Âge ». Ce décryptage est souvent conduit en croi
sant les images et les textes, en fonction du caractère pluriel de la
pédagogie religieuse (3). Du fait de ces acquis récents, les références
paresseuses à un vague « discours ecclésiastique » ne sont plus de
mise, parce que ce discours connaît de notables infléchissements en
moyenne durée, et parce que cette notion très générale recouvre une
multiplicité de performances individuelles. Il faut aussi tenir compte
de la multiplicité des « façons de dire » de l'Église : sermons,
images, paraliturgies, mystères, processions etc. Non content de
croiser les images et les textes, il faudrait pouvoir se situer au sein
du triangle fondateur de la pédagogie chrétienne, dont les trois som
mets me semblent être le sermon, les images et le théâtre. À la fin du
Moyen Âge, ces trois registres sont en étroite interaction, ce qui ne
revient pas à les placer sur un pied d'égalité. Le sermon me semble
en effet avoir été le vecteur principal de cette culture religieuse glo
bale, brassant la terre, le ciel et l'histoire, énonçant le sens, incul
quant les valeurs, pour forger des fidèles conformes aux exigences
2. Rappelons le rôle novateur, en ce domaine, de R. Robin : Histoire et linguis
tique, Paris, 1973, et M. de Certeau : L'Écriture de l'Histoire, Paris, 1975.
Concernant les exempta, nous renvoyons à Cl. Brémond, J. Le Goff et J.-Cl. Schmitt :
L'Exemplum, Turnhout, 1982, et aux Actes de la Table ronde, Rhétorique et histoire,
publiés par l'École française de Rome, Rome, 1980.
3. Nous pensons aux travaux de Fr. Gamier : Le Langage de l'image au Moyen
Âge, Paris, 1982-89, 2 vol., mais aussi à ceux de J.-Cl. Schmitt : La Raison des gestes
dans l'Occident médiéval, Paris, 1990, de Daniel Russo et de Jérôme Baschet. éducatrice 93 L'Église
de la « bonne police » chrétienne. Les preuves de la réception du
message en aval ne manquent ni dans les chroniques ni dans les
livres de raison ni dans les testaments.
I. UN PROJET PEDAGOGIQUE EXPLICITE
Peu d'institutions ont affiché aussi clairement leur souci d'ensei
gner le commun des mortels que l'église médiévale entre 1200 et
1500. Nombre d'auteurs ont composé des abrégés de la doctrine
chrétienne facilement utilisables par les clercs, lisibles par les laïcs
cultivés et audibles par la masse des fidèles. Que l'on ouvre la
Somme le Roi de frère Laurent, le confesseur de Philippe le Bel, le
Doctrinal aux simples gens (v. 1390) de l'archevêque de Sens Guy
de Roye, ou les sermons d'un prélat cultivé comme Laurent de la
Faye (v. 1380), le propos est à peu près toujours le même : il
importe d'éclairer l'entendement des curés, pour qu'ils portent
ensuite la lumière aux laïcs. L'auteur anonyme du Miroir des curés
ne dit pas autre chose : « Chy commence le miroir pour ceux qui ont
les âmes en cure... à information des simples chrestiens et especiale-
ment des curés qui le commun peuple ont spirituellement à gouvern
er. À savoir quelles choses on doit croire et quelles choses on doit
faire et quelles choses on doit eschiever (éviter) et quelles choses on
doit désirer et trémir {craindre). » Ce langage empreint de modestie
dissimule mal un objectif ambitieux : dissiper les ténèbres issues de
la faute originelle, répandre la clarté de la doctrine chrétienne, dont
les grandes articulations sont énoncées avec une robuste simplicité,
inculquer en même temps une orthodoxie et une orthopraxie, faire
craindre et faire espérer à la fois. À cette fin se succèdent des déve
loppements sans surprise sur les douze articles de la foi, sur les dix
commandements, sur les sept péchés capitaux et les sept dons du
Saint Esprit, sans oublier les vertus, les uvres de miséricorde, l

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents