L’évolution du monnayage de Ptolémée Ier et les événements militaires (c. 323-c. 300) - article ; n°1 ; vol.15, pg 17-35
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L’évolution du monnayage de Ptolémée Ier et les événements militaires (c. 323-c. 300) - article ; n°1 ; vol.15, pg 17-35

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Cahiers du Centre Gustave Glotz - Année 2004 - Volume 15 - Numéro 1 - Pages 17-35
Sans délaisser les aspects politiques du monnayage de Ptolémée Ier, les historiens ont analysé les évolutions iconographies et pondérales de ce monnayage en termes financiers. La politique monétaire de Ptolémée, dans un premier temps, est avant tout un instrument d’affirmation de l’indépendance politique de l’Égypte. Toutefois, à cet acte fondateur succèdent une série de réformes qui semblent plus pragmatiques et qui sont un écho à la position stratégique de Ptolémée au sein du concert international en Méditerranée orientale. Si l’évolution du monnayage est confrontée au domaine militaire, l’analyse conduit à trois conclusions. Ptolémée, pendant vingt ans, a augmenté sa puissance militaire, malgré le grave recul de 306. Les changements iconographiques ont précédé l’allégement de l’étalon, tandis qu’au moment de l’allége- ment de l’étalon, l’iconographie ne varie pas. Le changement iconographique s’opère lorsque la qualité du monnayage n’est pas altérée. Quand le poids est altéré, l’iconographie persiste et sauvegarde la continuité du monnayage lagide et la confiance de l’utilisateur. Les mutations iconographiques correspondent à un programme politique et apparaissent plutôt comme un signe positif, tandis que les mutations de poids semblent, elles, des mesures financières et dénotent une situation politique plus délicate pour Ptolémée.
Without putting aside the political aspects of Ptolemy I’s coinage, the historians analysed the iconographical evolutions and the weight evolutions of the coinage in financial terms. Ptolemy’s monetary politics, in the first place, is above all an instrument stressing the political independance of Egypt. However, this founding act is followed by a series of reforms which look more pragmatic and which echo the strategic position of Ptolemy within the international scene in eastern Mediterranean. When the evolution of coinage is confronted to the military aspect, the analysis leads to three conclusions. Ptolemy increased his military power for twenty years, despite the serious setback of 306. The iconographical changes preceded the unweighting of the standard, while the iconography did not change when the standard was unweighted. The iconographical change is done when the quality of coinage is not altered. When the weight is altered, the iconography remains and safeguards the continuity of Ptolemaic coinage and the user’s trust. The iconographical changes correspond to a political program and look more a positive sign, whereas the changes in the weight seem to be financial measures and reveal a more delicate political situation for Ptolemy.
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Publié le 01 janvier 2004
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Langue Français

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P HILIPPE R ODRIGUEZ
L’ÉVOLUTION DU MONNAYAGE DE PTOLÉMÉE I er AU REGARD DES ÉVÉNEMENTS MILITAIRES ( c. 323 -c. 300) *
Le règne de Ptolémée I er se caractérise à la fois par des succès militaires éclatants et par une politique monétaire originale : peut-on établir un rapport entre les deux ? Cette démarche est une approche nouvelle du rapport entre frappe monétaire et armée — le terme « armée » étant à prendre dans le sens élargi à tout ce qui touche le militaire. La chronologie du règne de Ptolémée I er reste, sur bien des points, obscure et sujette à révision. Cela est dû à la perte irréparable des récits historiques des observateurs contemporains ou des acteurs de l’époque. Les années de règne les mieux connues sont les vingt premières, grâce à Diodore de Sicile dont les livres XVIII à XX de la Bibliothèque Historique permettent de replacer les événements évoqués par des sources lacunaires mais, parfois, plus détaillées et plus fiables que Diodore. Le travail critique et de reconstitution a été mené à bien par J. Seibert 1 dans son ouvrage de référence. L’éminent historien y présente les sources, les discute, puis les analyse. La trame des événements est donc à peu près tissée. Toutefois, la portée des événements qui constitue le travail historique en lui-même peut faire l’objet de débats. Je m’appuierai sur la chronologie de J. Seibert et É.Will et sur mon propre travail de recherche 2 , afin de rapprocher la guerre de la politique monétaire. Les vingt ans qui s’étendent de 323/2 à c. 300 peuvent se diviser en quatre périodes : - la première période , uis la consolidationdupouvoird(e32P3t-o3l2é1m)éeestenmÉagryqputéeeepnatranltinqstuaellsaatitroanpepetpar la conquête de la Cyrénaïque 3 ;
* La rédaction de ces quelques pages aurait été impossible sans les éclaircissements et les conseils de M. le Professeur Olivier Picard. 1 J. Seibert, Untersuchungen zur Geschichte Ptolemaios’ I , Munich, 1969 (Münchener Beiträge zur Papyrusforschung und Antiken Rechtsgeschichte, 56) : recension des sources de l’histoire de Ptolémée et apparat critique, p. 64-83. 2 Cf. ma thèse de doctorat inédite, Les liens entre la guerre et l’économie dans les grandes monar-chies hellénistiques au III e siècle avant J.-C. : l’exemple des Ptolémées (323-180) , Université de Saint-Étienne, 2000, p. 38-55, 115-122, 163-199. 3 Ordre chronologique des événements, d’après J. Seibert, Untersuchungen... , cit. supra , p. 91-128 : expédition en Cyrénaïque (p. 91-95), enlèvement de la dépouille d’Alexandre (p. 110-111),
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- la deuxième (321-315) montre les premières interventions en direction de Chypre et de la Phénicie (dès le début de son gouvernement, Ptolémée estime que l’Empire d’Alexandre n’est plus une entité), ainsi que des projets en Asie Mineure qui se poursuivent jusqu’à la réaction d’Antigone le Borgne en 315 4 ; - la troisième (315-305) se caractérise par un recul face à Antigone le Borgne et Démétrios Poliorcète, et ce malgré la victoire de Ptolémée à Gaza 5 ; - enfin, la quatrième (305-300) s’organise autour de la deuxième consoli-dation du pouvoir de Ptolémée, qui se marque par la prise du titre royal, et la préparation du combat contre Antigone, puis se termine avec la victoire défi-nitive d’Ipsos à laquelle Ptolémée ne participa pas directement 6 . Ce qui importe pour l’étude ici proposée est de délimiter, à partir des évé-nements militaires, les périodes pendant lesquelles Ptolémée dépensa de for-tes sommes pour constituer ou reconstituer la puissance militaire indispensa-ble à son pouvoir personnel. Plus prosaïquement, déterminer à quel moment les capacités militaires de Ptolémée s’accroissent ou se trouvent en recul ; à quel moment Ptolémée doit fournir un effort financier inaccoutumé pour faire face à une nouvelle guerre ou pour réparer les pertes occasionnées par une guerre. Ainsi se dessine une évolution contrastée sur ce presque un quart de siècle. Pendant ces vingt ans, Ptolémée passa de l’usage, courant en Méditerranée orientale, de la monnaie d’Alexandre de poids attique à ce que les historiens modernes désignent par l’expression d’exclusivisme monétaire, c’est-à-dire l’instauration d’un monopole de circulation de la monnaie ptolémaïque de poids et d’iconographie différents de la monnaie d’Alexandre. Les mutations monétaires furent opérées peu à peu, de manière sans doute pragmatique. Elles marquent l’autonomie grandissante de Ptolémée 7 . L’objectif de la politique monétaire était de se doter de l’armée la plus forte possible et, en même temps, de tirer profit de la frappe des monnaies 8 . La frappe de la monnaie et le choix du type à émettre — tout changement iconographique ayant une
soumission de Cyrène (p. 108-110), meurtre de Cléomène de Naucratis (p. 112), alliance avec les rois chypriotes (p. 113-114), expédition de Perdiccas (p. 117-118), marche de Perdiccas (p. 118-120), meurtre de Perdiccas (p. 122-126). 4 J. Seibert, Untersuchungen... , cit. supra , p. 129-137 : coalition contre Polyperchon (allié d’Eumène), entre 319 et 315, prise de la Cœlè-Syrie en 319 (p. 129), puis retour victorieux d’Eumène (p. 136). 5 J. Seibert, Untersuchungen... , cit. supra , p. 142-224 : coalition contre Antigone le Borgne de 315 à 311 (p. 138-151), la bataille de Gaza en 311 (p. 164-175), les années 311-308 (p. 176-189), la bataille de Salamine (p. 190-206), Antigone et Démétrios en Égypte en 306 (p. 207-224). 6 J. Seibert, Untersuchungen... , cit. supra , p. 225-234 : Ptolémée et Rhodes (p. 225-230) et ultime coalition contre Antigone, 302-301 (p. 231-234). 7 O. Mørkholm, Early Hellenistic Coinage , Cambridge, 1991, p. 66. 8 Le change à parité entre le tétradrachme attique et le tétradrachme ptolémaïque est un pos-tulat récent auquel aucune preuve formelle n’a été apportée, mais qui semble plus que proba-ble ; cf. G. Le Rider, « Sur un passage du papyrus de Zénon 59021 », dans J.-Y. Empereur éd., Commerce et artisanat dans l’Alexandrie hellénistique et romaine , Paris, 1998 ( BCH , suppl. 33), p. 403-407 (p. 406 : la monnaie ptolémaïque est surévaluée de 17 % par rapport à l’étalon attique. Un
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portée financière — sont donc en rapport avec la politique extérieure de Ptolémée et les événements d’ordre militaire. Pour comprendre de quelle façon Ptolémée infléchit sa politique monétaire sous la contrainte des événements militaires, il convient de rappeler les dates des changements d’étalon et des mutations iconographiques, que les numis-mates n’ont établies que peu à peu. La politique monétaire de Ptolémée pré-sentée, nous montrerons ses efforts pour se constituer une force militaire.
1. Évolution du monnayage frappé par Ptolémée La monnaie ptolémaïque qui intéresse le fait militaire est la monnaie d’ar-gent, métal par excellence du monnayage grec — à la différence du bronze qui est une monnaie d’usage local, et de l’or, reconnu sur les places interna-tionales, au pouvoir d’achat très élevé et qui est frappé dans des circonstances particulières. s u olémée, f LaLgaosc,laosrsigfaicniastiaoennettalantdqatuaetiosantrdaepsepdreÉmgiyèrpetseésomnistsiaounjouqrdehPutirelativeimlsednet bien établies grâce aux travaux successifs de J. N Svoronos, G. K. Jenkins, O. H. Zervos et O. Mørkholm 9 .
tétradrachme attique de 17,20 g s’échange à parité avec un ptolémaïque de 14,30 g à l’entrée en Égypte). Cf. G. Le Rider, « Les alexandres d’argent en Asie Mineure et dans l’Orient séleu-cide au III e siècle av. J.-C. ( c . 275-c . 225), remarques sur le système monétaire des Séleucides et des Ptolémées », Journal des Savants , 1986, p. 4-51, part. p. 45 : « La surévaluation du tétra-drachme ptolémaïque, c’est-à-dire la part de valeur fiduciaire qui lui était attribuée, s’élevait donc à 17 %, ce qui correspond assez bien à la surévaluation du tétradrachme d’Alexandrie relativement au denier romain après la réforme de Néron », et p. 46 : « Comme la vie en Égypte coûtait moins cher qu’ailleurs, les marchands étrangers ne se tr É ouvaient pas lé 3 0 s 5 » à ; é 1 g 7 a 3 -, lement Id., dans H. Cadell, G. Le Rider, Prix du blé et numéraire dans l’ gypte lagide de Bruxelles, 1997 (Papyrologica Bruxellensia, 30), p. 10 ; Id., Leçon inaugurale au Collège de France, chaire d’histoire économique et monétaire de l’Orient hellénistique , Collège de France, 1994, p. 20 : « Le trésor royal faisait sur chaque pièce d’argent un bénéfice de 17-18 %, encore accru par ce que rapportait l’opération même de change. » É. Will, Histoire politique du monde hellénistique (323-30 av. J.-C.) 2 , Nancy, 1979, p. 175-179, n’en disait mot ; faute de connaître cette explica-tion, il en restait à l’interdiction de circulation aux monnaies étrangères d’étalon attique et à leur refonte dès leur entrée en Égypte. 9 J. N. Svoronos, Ta; nomivsmata tou§ kravtou" tw§n Ptolemaivwn , 4 vol., Athènes, 1904-1908 ; le catalogue, ancien, reste l’instrument de travail de base pour toute étude du monnayage ptolé-maïque ; il a été amélioré et complété par les travaux ultérieurs (cf. ci-dessous), mais l’essentiel en a été conservé. Les descriptions des monnaies y sont précises et précieuses. G. K. Jenkins, « An Early Ptolemaic Hoard from Phacous », ANSMN , 9, 1960, p. 17-37 ; G. K. Jenkins, à partir de l’étude des trésors de Chiliomodi ( IGCH , 85), de Phacous ( IGCH , 1678) et de Kuft ( IGCH , 1670), a classé le monnayage de Ptolémée, daté de 310 à c . 300, pré-sentant le type habituel : au droit, tête d’Alexandre au scalp d’éléphant ; au revers, Athéna Alkidémos. Sur une des premières émissions de la nouvelle série (Svo. 32), on trouve l’inscrip-tion ALEXANDREION PTOLEMAIOU (« Alexandre de Ptolémée »). Il s’agit là de la première apparition du nom de Ptolémée sur son monnayage. Cf. également D. Knoepfler, « ALEXAN-DREION NOMISMA. L’apparition et la disparition de l’argent d’Alexandre dans les inscrip-tions grecques. Quelques réflexions complémentaires », Topoi , 2/7, 1995, p. 33-50. L’expérience
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Les premières émissions de Ptolémée se présentent donc selon l’arrange-ment suivant (dans le tableau suivant, Z = O. H. Zervos ; Svo. = J. N. Svoronos ; J = G. K. Jenkins) : PériodesSériesDroitReverstétPoiddrsacdhume ra nant 326-323Svo.3:SérieI-IVsTcaêltpeddeHliéoranklèsavec(ZLeyuksaitroôs?);17,20g ALEXANDROU Portrait d’Alexandre déifié, coiffé d’un scalp d’éléphant ; 322-316SZé:riSeérBieV-AXVI-XIetcornesdebélierdetZyepuesqtruôenSaénrtie(mI-êImV)e idem Zeus-Amon ; dia-dème ; égide de Zeus aigle 315SCvoX.I3I2:Z:Série idem dZeeuPsttorlôénmaénet),,D sur foudre (symbole idem idem , très bonne qua- Athéna combattante, lité ; le haut-relief 314-310ZXV:ISIérieDXIII-pluslairrgteotuetnedlaàsur-aaurvncehfcaoïuusandnrbte.o;Ausitcgylilleeret idem couvr e sur face foudre J : Chiliomodi : pes a-d et e-f 310-305(gpraosudefrappe idem idem c. 15,70 g d’or) J : Phacous et 305-300 Kuft : groupe g idem idem idem (avec une frappe d’or) peu après O 300ty.peMdøérfkihniotlifm 1 0 : portrait de Ptolémée BP Ai AT g SO l I e L L s EE u M r W f AS o I u O d U re, c 1.41,43,09/014g,2p5uisg fut de courte durée : après une rare variation en ALEXANDREION , l’atelier d’Alexandrie retourna à la légende ALEXANDROU (O. Mørkholm, Early Hellenistic Coinage , cit. supra , p. 64). O. H. Zervos, « The early tetradrachms of Ptolemy I », ANSMN , 13, 1967, p. 1-16, pl. I-IV, a complété le travail de G. K. Jenkins en identifiant le monnayage ptolémaïque antérieur à 310. La chronologie 326-310 d’O. H. Zervos se trouve proche de celles d’E. T. Newell, The coi-nages of Demetrius Poliorcetes , Londres, 1927 ; O. E. Ravel, « Corinthian Hoard of Chiliomodi », dans Transactions of the Numismatic Congress, 1936 , Londres, 1938, p. 105 ; G. K. Jenkins, « An Early Ptolemaic Hoard », cit. supra , p. 35. Mais elle corrige celles de J. N. Svoronos, Ta;nomivs-mata , cit. supra , d’E.T. Newell, Alexander Hoards II : Demanhur, 1905 , New York, 1923, p. 64, et de B. Emmons, « The overstruck coinage of Ptolemy I », ANSMN , 6, 1954, p. 69-84, pl. La synthèse d’O. Mørkholm, Early Hellenistic Coinage , cit. supra , p. 63 et suiv., reprend toutes les conclusions des numismates précédemment cités pour présenter le panorama du monnayage lagide. O. Mørkholm s’appuie avant tout sur le catalogue de J. N. Svoronos, Ta;nomivsmata , cit. supra , et sur sa collaboration avec A. Kromann pour ce qui concerne les ateliers : A. Kromann, O. Mørkholm, SNG Copenhagen . The Royal Collection of Coins and Medals, Danish National Museum , part 40. Egypt.The Ptolemies , Copenhague, 1977. 10 O. Mørkholm, Early Hellenistic Coinage , cit. supra , p. 66.
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Ptolémée se trouva, dès 323/2, en possession des talents qu’avait accumulés Cléomène de Naucratis 11 . Cléomène s’était montré particulièrement zélé dans cette tâche et fidèle à Alexandre, lui envoyant les sommes que ce dernier 12 . Cléom élevait taxes et impôts et un atelier monétaire, qui lnuiarpéuclaêtmreailtocalisédeèmnaenipèrrecerteainneÉ,avaitte,éttéoiuntstaalulémenoiÉngsydpatens:lleesnupmorét-s raire d’Alexandre circulait donc gyp ouverts au commerce méditerranéen. Les monnaies composant ce trésor étaient sans nul doute jumelles de celles qui sont regroupées dans le trésor de Demanhour 13 : c’est-à-dire des alexandres. Peu de temps après son arrivée, Ptolémée changea le droit des alexandres frappés sous sa responsabilité 14 . L’année de cette mutation monétaire doit être située entre 321 et 319/8 15 . C’est à partir de 315 que les changements les plus significatifs affectent la monnaie lagide. Le changement concerne, à Alexandrie, le revers de l’argent (Svo. 32). Après une émission de transition marquée par une égide remarqua-ble ( c . 315), en c. 314, un nouveau type de revers est introduit et, parallèlement, le diamètre des pièces s’élarg it. O. Mørkholm le décrit de la façon suivante 16 : « le Zeus trônant est remplacé par une Athéna combattante, tournée vers la droite avec un bouclier et un foudre. La figure d’Athéna est de style archaï-que, notamment dans le rendu du chiton , aux rayures régulières et schémati-ques. Le symbole personnel de Ptolémée — l’aigle debout sur un foudre — apparaît. Le droit reste inchangé, mais le haut-relief avec ses grandes qualités de gravure offre un style flatteur proche du dessin. La tête devient plus large et tend à couvrir toute la surface. » Après la victoire de Gaza en 312, la frappe reprend à Sidon avec le nouveau type (portrait d’Alexandre au scalp d’éléphant/Athéna combattante), l’étalon attique étant conservé. Cette frappe montre que la réforme n’est pas une réforme de circonstance, mais bien le nouveau monnayage que Ptolémée entend émettre dorénavant. En c . 310, le poids des tétradrachmes d’argent passe des 17,20 g attiques à c . 15,70 g, soit une réduction de 9 %, alors même
11 Diodore, XVIII, 14, 1. G. Le Rider, « Cléomène de Naucratis », dans Études d’histoire moné-taire et financière du monde grec. Écrits 1958-1998 , III, Athènes, 1999, p. 1135-1157. 12 Cf. Pseudo-Aristote, Économique , II, 2, 33 et 39. 13 IGCH 1664 ; E. T. Newell, Alexander Hoards , cit. supra , p. 64. Les types en étaient les sui-vants (Svo. 3) : alexandres au type commun (droit : Héraklès à scalp de lion ; revers : Zeus trô-nant et inscription ALEXANDROU ) ; cf. supra tableau.Voir maintenant F. Duyrat, « Le trésor de Damahour ( IGCH , 1664) et l’évolution de la circulation monéta t dans F. Duyrat, O. Picard éd., L’exception égyptienne ? Production et i r é e c h e a n n g É es g y m p o e n ét h a e i l r l e é s n e is n t i É q g u y e pt » e , hellénistique et romaine, actes du colloque d’Alexandrie, 13-15 avril 2002 , Le Caire, 2005, p. 17-51. 14 O. Mørkholm, Early Hellenistic Coinage , cit. supra , p. 64 : les monogrammes, symboles et marques de ce premier monnayage sont identiques aux dernières émissions du monnayage habituel d’Alexandre. G. Le Rider, « Les alexandres d’argent », cit. supra , p. 40, pense qu’Alexandre avait ouvert un atelier monétaire à Alexandrie dès 326/5. 15 G. Le Rider, « Les alexandres d’argent », cit. supra , p. 40, opte pour la date de 322/1. 16 O. Mørkholm, Early Hellenistic Coinage , cit. supra , p. 64 (traduction personnelle de l’an-glais). Pour ce qui concerne la légende, se reporter à la n. 9.
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que cesse la frappe de l’or. L’iconographie reste identique 17 . La période 312-310 est donc fondamentale. Après un changement iconographique, c’est l’éta-lon attique qui est abandonné. Pourtant la monnaie nouvelle, émise par Ptolémée, bénéficie d’une certaine confiance 18 . La frappe de l’or fut suspendue autour de 310. Elle reprit en c . 304 : le type du droit des monnaies d’or 19 précède celui qui sera utilisé peu après pour les tétradrachmes d’argent. Pour ce qui concerne les monnaies d’argent, le chan-gement final de type de droit est introduit peu après 300. Désormais les mêmes types furent utilisés pour toutes les dénominations d’or comme d’ar-gent : au droit, le portrait de Ptolémée I ; au revers, l’aigle sur foudre, avec l’inscription PTOLEMAIOU BASILEWS , remplace Athéna Alkidémos. Le poids diminue encore : le statère attique étant à 8,60 g et le statère pto-lémaïque à c . 7,12 g, l’écart s’établit à moins de 17 %. Le poids du tétra-drachme d’argent, d’abord fixé à 14,9 g, est allégé jusqu’à atteindre 14,3 g à une date indéterminée. Plusieurs années marquent l’é lution du monnayage d’argent lagide. En vo 323-318, une iconographie nouvelle est choisie par Ptolémée. En 314-310, l’iconographie du revers est changée : Athéna remplace Zeus.Vers 310, l’éta-lon est allégé une première fois. Il l’est à nouveau avant 300, quand Ptolémée adopte le type définitif de son monnayage d’argent. Ces articulations chrono-logiques sont à rapprocher des événements politiques et militaires couvrant la même période. En effet, les opérations militaires de Ptolémée permettent d’avoir une idée des efforts consentis, efforts qui impliquent une attention particulière aux finances et, par conséquent, au monnayage.
2. La formation de l’armée lagide Entre 323 et 321, l’installation du pouvoir de Ptolémée eut pour corollaire le recrutement et l’organisation d’une ar mée, ce qui impliquait d’avoir des rpeossuorutrecensirfilnaÉncièresenadéquation.Alexandreavaitlaisséquelquestroupes gypte et marquer sa souveraineté. Quinte-Curce 20 estime à
17 Pour les cas de surfrappes, cf. B. Emmons, « The overstruck coinage », cit. supra , p. 69-84. 18 Diodore, XX, 75, 1 et 76, 7 : en 306, Ptolémée offre des primes pour inciter les déser-tions des soldats d’Antigone le Borgne : deux mines par mercenaire et un talent par officier de l’armée de terre. 19 Cf. J. N. Svoronos, Ta;nomivsmata , cit. supra , p. 18. Au droit : portrait de Ptolémée portant le diadème royal et l’égide. C’est le premier portrait individualisé d’un dirigeant hellénistique qui contraste avec les portraits idéalisés d’Alexandre par son grand degré de réalisme : la face énergique, dominée par un menton épais, est peu embellie ; le nez est affaissé, les sourcils proé-minents et les yeux enfoncés. Au revers : Alexandre debout dans un quadrige d’éléphants, por-tant un foudre. L’inscription PTOLEMAIOU BASILEWS date d’après 305/4 (l’introduction du portrait de Ptolémée est bien sûr liée à sa promotion au rang de basileus après le succès rem-porté contre Antigone et Démétrios en 306). 20 Quinte-Curce, IV, 8, 4.
L’ ÉVOLUTION DU MONNAYAGE DE P TOLÉMÉE I er 23
4 000 les soldats occupant l’Égypte pour le compte d’Alexandre. L’historien romain ne tenait sans doute pas compte des équipages des trente trières, équi-pages qui peuvent être évalués à 90 soldats et 5 910 rameurs 21 . Le total de Quinte-Curce s’établit alors à 10 000 hommes 22 . Arrien, quant à lui, indique qu’Alexandre avait laissé deux garnisons, une à Memphis, l’autre à Péluse, une armée c x stratè s et u PtolémoémemaarnridvéaepeanrdÉeguypteenge323.Pnreesfqlouteteddiextraennsteatprrièèsrelse 2 3 .passage d’Alexandre, on ne sait pas quelle armée il y trouva. Ptolémée était sans doute accompagné par quelques hommes ainsi que semble le sous-entendre Diodore 24 . Bien évidemment, Ptolémée ne pouvait s’en contenter pour maintenir sa position au cœur des rivalités qui naissaient entre les Diadoques. Diodore a relevé qu’un des premiers gestes politiques de Ptolémée fut de s’emparer du trésor de Cléomène de Naucratis, pour recruter des mercenai-res et mettre sur pied une armée 25 . Quels recrutements permettaient les 8 000 talents réunis par Cléomène de Naucratis ? Deux raisonnements permettent d’atteindre à des ordres de grandeur : le premier est fondé sur le montant de
21 P. Ducrey, Guerre et guerriers dans la Grèce antique , Paris-Fribourg, 1985, p. 192-194 ; O. Picard, Guerre et économie dans l’alliance athénienne (490-322 av. J.-C.) , Paris, 2000, p. 29-31 et indications bibliographiques, p. 34. 22 E. Turner ( CAH 2 ,VII, p. 123-124) pense qu’Alexandre laissa une force d’occupation de 20 000 hommes et, d’après lui, Ptolémée conserva ce dispositif. H. W. Parke, Greek mercenaries soldiers, from the earliest times to the battle of Ipsus , Oxford, 1933, rééd. 1970, p. 126-127, estime à 3 700 les garnisaires en poste à Alexandrie. Si l’on en compte autant pour Péluse et pour Memphis, voire Thèbes, les garnisaires étaient alors au nombre de 10 000, auxquels s’ajoutent les hommes de la flotte : soit un total de près de 20 000 hommes. A. B. Bosworth, A historical Commentary on Arrian’s History of Alexander , 1. Commentary on Books I-III , Oxford-Londres, 1980, p. 275, suppose que les gar nisons furent héritées de l’occupation perse et qu’Alexandre se contenta de les placer sous le commandement de Macédoniens, et que les mercenaires ( xev-noi ) étaient des kavtoikoi installés par les Perses. 23 Arrien, Anabase , III, 5, 3-5. Arrien et Quinte-Curce ont suivi la même source, ou l’un a utilisé l’autre. Ces forces comprenaient des Macédoniens et des mercenaires (M. Launey, Recherches sur les armées hellénistiques , Paris, 1949-1950, p. 63-103 (essai statistique) et p. 301-310 ; cf. E. Foulon, « MISQOFOROI et XENOI hellénistiques », REA , 108, janvier-juin 1995, p. 211-218). 24 Diodore, XVIII, 14, 1 : « En Asie, parmi ceux qui avaient reçu les satrapies en partage, Ptolémée pr it sans combat possession de l’Égypte. Il traita les indigènes avec humanité et, une fois entré en possession de huit mille talents, il recruta des mercenaires et mit sur pied une armée. Une foule d’amis ( fivloi ) s’assembla d’ailleurs autour de lui en raison de son amabilité ( ejpieivkeia ) » (trad. P. Goukowsky, CUF, 1978). 25 Diodore, XVIII, 14, 1. La relation entre le trésor et l’armée est évidente dans le récit de Diodore. Ptolémée fidélisa ses soldats en les installant sur des kléroi : B. Bar-Kochva, The Seleucid Army , Cambridge, 1976, p. 53 ; G. T. Griffith, The Mercenaries in the Hellenistic World , Chicago, 1933, p. 170. Les attestations d’installations de clérouques sont plus tardives (cf. C. Orrieux, Zénon de Caunos, parépidémos, et le destin grec , Paris, 1985, p. 179-180). Flavius Josèphe (XII, 7) indique que Ptolémée I er prit Jérusalem et emmena des prisonniers juifs qu’il installa ( katoi-kivzw ) en Égypte. La date de cette « deductio » n’est pas sûre : est-ce après la bataille de Gaza ? est-ce lors de la première annexion de la Cœlè-Syrie en 318 ? Sous le Grand Roi, à l’exemple de ce qui se passait en Babylonie, il existait des Perses installés sur des terres en Égypte (P. Briant, Histoire de l’Empire perse, de Cyrus à Alexandre , Paris, 1996, p. 615).
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P HILIPPE R ODRIGUEZ
la solde annuelle ; le second sur une comparaison avec un récit similaire. D’après les sources réunies par M. Launey et reprises par les historiens posté-rieurs, un mercenaire touche environ 450 drachmes par an 26 . Durant une année complète, les 8 000 talents auraient permis l’entretien de près de 90 000 soldats. Par ailleurs, un recrutement de mercenaires est relaté par Diodore 27 . En 315, Antigone le Borgne envoya Aristodémos de Milet dans le Péloponnèse avec 1 000 talents. Cette somme lui permit de recruter 8 000 soldats, soit un montant de 750 drachmes par homme. Si l’on applique ce rap-port aux 8 000 talents de Ptolémée, le calcul aboutit à 64 000 recrues — 8 000 soldats pour 1 000 talents, donc huit fois plus pour 8 000 talents. Ainsi Ptolém cité breimpéoertaavnatit-diellmeserccaepnaairessefitnlaenscrieèvreesnupsoduerlenÉrgôyleprtesluurilpienrstmainrtenutndnaoumg--menter ses effectifs au cours des années suivantes 28 . La générosité de Ptolémée avtetiaÀruaitmeatîtlréaeedddéeepltoeÉurgirleylePtdolA 9 é.lemxéaenddreevaeitnsajeoveultieeràunAeleflxoatnted.riLeapflrootttéegdeeait3l0etrnièorue-s pte 2 l arm laissée par Alexandre en 331/0 était pour le moins obsolète et insuffisante. La reconstitution de la flotte égyptienne revint à Ptolémée qui fit construire, sur un rythme accéléré, les mêmes types de navires que ceux des autres puissances du bassin méditerranéen, c’est-à-dire trières, tétrères et bientôt pentères 30 . Pour ce que nous pouvons déceler de sa personnalité au travers de ses déci-sions politiques, Ptolémée n’était pas homme à dilapider le trésor que Cléomène de Naucratis s’était attaché à rassembler. Cependant, il est impos-sible de savoir à quels revenus correspondent ces 8 000 talents. S’ils correspon-daient à des revenus annuels, alors la puissance financière de Ptolémée était impressionnante. Quoi qu’il en soit, très tôt dans le règne de Ptolémée 31 , une
26 Cf. le traité entre Eumène I er et ses mercenaires : OGIS , I, 266. Cf. M. Launey, Recherches sur les armées hellénistiques , cit. supra , p. 39 et 738-746, part. p. 741-742. Cf. IG , IX, 1/2, 34 = SVA , III, 480 ; Syll. 3 , II, 581. Cf. F. de Callataÿ, Histoire des guerres mithridatiques vues par les mon-naies , Louvain-la-Neuve, 1997. La base de rémunération est de neuf oboles par jour sur dix mois. Le service particulier du roi lagide impliquait sans doute un service de douze mois, afin de fidéliser les mercenaires installés en Égypte, à cette époque, loin des marchés mercenaires et des autres employeurs potentiels ; cf. Diodore, XVIII, 14, 2 : Ptolémée « envoya d’autre part des émissaires à Antipatros et conclut avec lui un accord de coopération, car il savait parfaitement que Perdiccas tenterait de lui enlever la satrapie d’Égypte ». Par cet accord, il est vraisemblable que Ptolémée s’ouvrait la possibilité de recruter des soldats directement en Macédoine ; or Ptolémée tenait, comme les autres patrons, à enrôler de préférence des Macédoniens. 2278 PDsieouddoore-,AXriIstXo,60, É 1 ; J. Seibert, Unte 3 r s e u t c h 3 u 9 n . gen... , cit. supra , p. 141. te, conomique , II, 2, 3 29 Diodore, XVIII, 26, 8 et 28, 5. 30 D’après Diodore (XVI, 47, 6), Nectanébo II en lutte contre les Perses, en 343, rassembla : « un nombre incroyable de bateaux fluviaux aptes aux combats sur le fleuve » ( ploivwn potamivwn pro;"ta;"kata;tonNei`lonmavca"kai;ejmploka;"eujqevtwna[mistonplh`qo" ) ; contre Perdiccas, la flotte ptolémaïque semble encore se limiter aux bâtiments que l’on utilisait sur le Nil et Ptolémée résista en 306 à l’invasion d’Antigone en utilisant des embarcations de même type que celles de Nectanébo (Diodore, XX, 76, 3). 31 F. Chamoux, « Le roi Magas », Revue historique , 216, 1956, p. 18-34, et É.Will, « Ophellas, Ptolémée, Cassandre et la chronologie », REA , 66, 1966, p. 320-333, placent la conquête en
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