L expression du temps sur les stèles funéraires attiques - article ; n°1 ; vol.12, pg 19-43
26 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

L'expression du temps sur les stèles funéraires attiques - article ; n°1 ; vol.12, pg 19-43

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
26 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Mètis. Anthropologie des mondes grecs anciens - Année 1997 - Volume 12 - Numéro 1 - Pages 19-43
L'expression du temps sur les stèles funéraires attiques (pp. 19-43)
Les stèles attiques de l'époque archaïque et classique ont pour finalité de perpétuer la mémoire du défunt en l'incluant dans une catégorie digne d'admiration. Pour ce faire, l'espace-temps de la représentation prend sens dans le choix des accessoires, par le mouvement, les gestes ainsi que par l'échange établi entre les personnages ou avec le passant. A l'époque archaïque, l'accent est mis sur l'acte à accomplir dans un temps d'effraction ; les monuments classiques soulignent la solidarité des générations. Dans un cas, le spectateur est témoin de l'excellence du disparu ; dans l'autre, il est inclus dans le cercle du deuil et de la compassion.
25 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 22
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Geneviève Hoffmann
L'expression du temps sur les stèles funéraires attiques
In: Mètis. Anthropologie des mondes grecs anciens. Volume 12, 1997. pp. 19-43.
Résumé
L'expression du temps sur les stèles funéraires attiques (pp. 19-43)
Les stèles attiques de l'époque archaïque et classique ont pour finalité de perpétuer la mémoire du défunt en l'incluant dans une
catégorie digne d'admiration. Pour ce faire, l'espace-temps de la représentation prend sens dans le choix des accessoires, par le
mouvement, les gestes ainsi que par l'échange établi entre les personnages ou avec le passant. A l'époque archaïque, l'accent
est mis sur l'acte à accomplir dans un temps d'effraction ; les monuments classiques soulignent la solidarité des générations.
Dans un cas, le spectateur est témoin de l'excellence du disparu ; dans l'autre, il est inclus dans le cercle du deuil et de la
compassion.
Citer ce document / Cite this document :
Hoffmann Geneviève. L'expression du temps sur les stèles funéraires attiques. In: Mètis. Anthropologie des mondes grecs
anciens. Volume 12, 1997. pp. 19-43.
doi : 10.3406/metis.1997.1060
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/metis_1105-2201_1997_num_12_1_1060L'EXPRESSION DU TEMPS SUR LES STELES FUNÉRAIRES ATTIQUES
La stèle funéraire est une pierre dressée sur la tombe du défunt pour
perpétuer sa mémoire1. Objet de soins spécifiques, elle est ointe, parfumée,
ceinte de guirlandes et de bandelettes et s'impose comme un substitut du
disparu, tout en étant une borne entre deux mondes: celui des Enfers et celui
des mortels. Alors que son revers est le plus souvent à peine dégrossi2, sa
face, sculptée et peinte, exprime l'espérance d'un refus définitif de l'oubli
pour celui dont le nom et l'apparence sont offerts à l'admiration renouvelée
des passants.
Tout comme d'autres produits de l'art funéraire, le relief est un objet de
commerce. En aucun cas, il ne s'agissait pour le sculpteur de reproduire les
traits d'un individu ou de raconter les circonstances de sa mort. Il lui suffisait
d'offrir à son public différentes catégories de monuments, même si certaines
œuvres exceptionnelles ont pu être faites sur commande. Le client allait dans
l'atelier choisir la pierre destinée à être placée sur la tombe et si la
représentation figurée se rapportait à l'âge du défunt, c'était de façon très
approximative. Toutefois, une fois choisie, l'image exposée devait paraître
unique aux yeux de la famille, dans la mesure où elle témoignait de la valeur
du disparu.
Les stèles sont toujours restées fidèles à leur vocation commémorative.
Elles ont pourtant beaucoup changé de l'époque archaïque à la fin du IVe
siècle, et sans prétendre réduire leur diversité à une évolution unique3, on
1. Les monuments funéraires sont présentés par référence au catalogue établi par
Christoph W. Clairmont, Classical Attic Tombstones, Kilchberg, 1993 (8 volumes). Ce
catalogue sera indiqué sous forme de son sigle : CAT, dans la suite de l'article. Je remercie
Christoph W. Clairmont pour ses critiques et ses suggestions. Le présent article doit
beaucoup au CAT et aux conseils de son auteur.
2. R. Garland, The Greek Way ofDeath, Duckworth, 1985, p. 109, fig. 25.
3. Il y eut une rupture dans la production des stèles attiques en raison d'une interdiction
dont on ne connaît pas la date exacte, Ciceron, De Legibus, II, 23, 59; II, 26, 64. GENEVIÈVE HOFFMANN 20
relève qu'à des défunts présentés de profil, s'ajoutent des positions diverses,
de face ou de trois-quarts. Aux figures isolées du VIe siècle sont préférées,
dans la seconde moitié du IVe siècle, les scènes de groupe, comme si à
l'empreinte du défunt devait se substituer la description attentive d'une
situation familiale. Le disparu capté en marche fait place à des configu
rations complexes se prêtant aux jeux obliques de la lumière.
La représentation figurée combine un espace-temps soumis aux règles
d'un code iconologique, représentatif d'un style et d'un genre esthétique à
un moment donné. Toutefois, les personnages sculptés, qu'ils soient isolés
ou insérés dans un groupe, associent, tous, les éléments d'une gestuelle pour
paraître vivants. Or pour un Athénien, vivre, c'est être doté de la vue4 et de
mobilité. De cette croyance, on trouve une expression dans une tragédie
d'Euripide: Admète, qui croyait sa femme perdue à jamais, s'écrie en la
retrouvant:
«O femme bien aimée, ton regard et ta stature
je les possède donc, quand je désespérais de jamais te revoir»5.
Sur leurs monuments, les défunts ne posent jamais, hiératiques et figés,
pour une présentation définitive. Dans la souplesse des attitudes s'esquisse
une action, tandis que les compositions à plusieurs personnages s'animent
par des gestes retenus et l'échange des regards.
Quelle que soit l'époque du monument funéraire, il est une constante.
Traduire le temps, c'est créer un acte doté d'une puissance d'effraction, du
pouvoir de cerner et d'investir totalement la conscience ou la sensibilité du
spectateur du monument. L'acte représenté doit donner vie et sens à la
scène. Il cherche à exprimer un potentiel, à lier le passé et l'avenir, en se
conformant à une esthétique qui subordonne toujours le détail à la recherche
de l'efficacité plastique. Les mouvements des personnages, leurs gestes6,
leurs regards, traduisent l'attention portée à différentes composantes qui
constituent en quelque sorte l'alphabet d'un ordre iconographique, dont la
finalité est de peindre la vie, comme le fait parfois le langage. Parallèle
Disparaissant à la fin du VIe siècle, disparition qui contribuait à limiter la politique
somptuaire des familles aristocratiques, les stèles furent de nouveau tolérées à partir de
430 et ce jusqu'en 317/6, date à laquelle Démétrios de Phalère prit un décret les
interdisant, décret qui n'eut son plein effet qu'en 300.
4. C. Mugler, «La Lumière et la Vision dans la poésie grecque», Revue des Études
Grecques, 73, 1960, pp. 40-72.
5. Euripide, Alceste, vv. 1 133-1 134.
6. C. W. Clairmont, CAT, Introductory Volume, pp. 110-115; également G. Neumann,
Gesten und Gebarden in der Griechischen Kunst, Berlin, W. de Gruyter, 1965. L'EXPRESSION DU TEMPS SUR LES STÈLES FUNÉRAIRES ATTIQUES 2 1
qu'accrédite cette analyse d'Aristote: «les mots eux-mêmes peignent quand
ils signifient les choses en acte. Par exemple dire que l'homme vertueux est
carré, c'est faire une métaphore, car ce sont là deux choses parfaites;
seulement cela ne signifie pas l'acte, mais en pleine fleur et à l'apogée de sa
vigueur, c'est l'acte»7.
Dans un espace défini comme funéraire, le sculpteur cherche à avoir prise
sur le présent (nuri) du spectateur. A cette fin, il capte l'image du défunt dans
un moment qui lui semble le plus opportun (kairos), pour assurer sa
commémoration pour toujours (aei), conformément aux valeurs dominantes
du temps.
La Capture du Temps
Les stèles funéraires sont des œuvres bien particulières. Chacune d'elles est
une borne, un horos entre deux mondes. Dans l'espace consacré de l'enclos
familial, fichée sur un tombeau, dressée à jamais dans la lumière, la stèle
marque un seuil, un lieu de passage, mais également une limite entre le
monde d'en-haut et celui d'en-bas, pour que le mort ne porte pas ombrage
aux vivants8. Certes, les disparus sont perçus comme des êtres faibles, à ce
point dénués de consistance que «le mot daimôn ne s'applique pas aux âmes
des morts ordinaires»9. Cependant, ils ne laissent pas de susciter une certaine
crainte et leurs parents se doivent d'honorer leur tombeau par des rituels
appropriés, comme en témoigne ce fragment d'une comédie perdue
d'Aristophane: «C'est en effet pour ces raisons qu'ils (les défunts) sont
appelés bienheureux. Chacun dit: le bienheureux s'en est allé, il s'est
endormi; heureux, il n'aura plus de souci. Et nous leur offrons des
enagismata comme à des dieux, et en faisant des libat

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents