L hospitalité comme relation - article ; n°1 ; vol.65, pg 143-148
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Description

Communications - Année 1997 - Volume 65 - Numéro 1 - Pages 143-148
6 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 17
Langue Français

Extrait

Mr Hervé Le Bras
L'hospitalité comme relation
In: Communications, 65, 1997. pp. 143-148.
Citer ce document / Cite this document :
Le Bras Hervé. L'hospitalité comme relation. In: Communications, 65, 1997. pp. 143-148.
doi : 10.3406/comm.1997.1995
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1997_num_65_1_1995Hervé Le Bras
L'hospitalité comme relation
Dilatation de l'espace
et contraction du temps
Les relations humaines s'établissent et se renforcent au cours du temps
et dans un espace restreint propice aux rencontres et aux actions com
munes. Les échanges que Lévi-Strauss décrit dans les structures élément
aires supposent souvent plusieurs générations, les dons qu'examinent
M. Sahlins, M. Godelier ou J. Cobi supposent une hiérarchie des rapports
de proximité. L'hospitalité apparaît comme une tentative de créer de telles
relations là où le temps manque ou bien là où les distances deviennent
considérables. Elle apprivoise des contacts éphémères pour les assimiler
aux relations instituées de longue date. Elle transforme de lointains étran
gers en voisins. Pour cela, elle se déroule selon le schéma d'une divine
surprise : divine parce qu'on prête de telles qualités à l'hôte venu de loin, car le temps de son effet est bref.
Dieux et pèlerins.
Quand Ulysse échoue chez les Phéaciens, nu, dépourvu de biens, il est
traité à l'égal d'un roi. La scène s'inscrit doublement dans l'exploration
des frontières : la Phéacie est à la frontière du monde humain où Ulysse
revient après son séjour chez les monstres que sont Gircé, le Cyclope ou
les sirènes, ainsi que P. Vidal-Naquet l'a lumineusement commenté ; et
Ulysse est à la frontière de l'aventure et de la royauté : il n'est pas sûr
qu'il récupérera son Ithaque menacée par les prétendants, ni qu'il ne sera
pas à nouveau séduit par le monde non humain. Dans de nombreux
mythes et récits, le voyageur mystérieux et poussiéreux se révèle un dieu.
C'est le cas du repas d'Emmaùs, où le Christ se fait reconnaître pour la
première fois après sa résurrection. C'est aussi l'histoire de Philemon et
Baucis. Voici ce qu'en dit P. Grimai : « Baucis était une femme phrygienne,
mariée à Philemon, un paysan très pauvre. Un jour, ils accueillirent dans
143 Hervé Le Bras
leur chaumière Zeus et Hermès qui parcouraient la Phrygie sous la forme
de deux voyageurs. Les autres habitants refusaient de recevoir les deux
étrangers. Seuls Philemon et Baucis se montrèrent hospitaliers envers eux.
Dans leur colère, les dieux envoyèrent un déluge à tout le pays, mais ils
épargnèrent la chaumière des deux vieillards. Cette chaumière fut trans
formée en un temple », et les paysans furent transformés en arbres
jumeaux. Virgile raconte une histoire analogue mais plus étrange sur la
naissance d' Orion, où se retrouvent l'eau (il naît dans un puits), la fécond
ité, la vieillesse de son père Hyrée et la visite incognito de Jupiter et
Mercure. Que penser aussi de la naissance de Jésus dans une grotte parce
que personne n'avait accordé l'hospitalité à Marie et Joseph ? Il y a donc
une association marquée entre le voyageur et le divin.
Cette relation était déviée pour les anciens voyageurs, qui étaient sou
vent des pèlerins, donc des intermédiaires avec la divinité. Ils n'étaient
pas des substituts des dieux, mais leur qualité impliquait une commun
auté avec celui qui les recevait — une « communauté imaginée », pour
reprendre l'expression de Benedict Anderson. L'anthropologue y a vu
l'amorce des nations modernes. Il a insisté sur l'importance du pèlerinage,
qui soudait l'appartenance à un groupe dont on ne connaissait pas tous
les membres. Celui qui reçoit un pèlerin éprouve un sentiment de com
munauté au second degré. Il ne participe pas au pèlerinage directement,
mais indirectement, par l'intermédiaire du pèlerin, par procuration.
L'hospitalité ne s'analyse pas alors en terme de don, puisque l'hôte n'a
aucune chance de venir un jour frapper à la porte du pèlerin qui, par
définition, habite plus loin que lui du lieu de pèlerinage. L'hospitalité est
ici la reconnaissance de l'appartenance. Au lieu d'un geste d'altérité, elle
se referme sur le groupe, qu'elle permet de définir par une relation tran
scendant la distance.
Brièveté des temps.
Dans tous les cas précédents, l'hospitalité se joue presque instantané
ment. Qu'il s'agisse d'une marque d'appartenance à la même commun
auté que le pèlerin, de prudence ou d'une conduite d'ex
amen pour lever l'indétermination sur l'identité d'un voyageur, on héberge
pour une nuit, on nourrit pour un repas. En ce sens, il est injustifié de
parler d'hospitalité à propos des populations immigrées. En parlant
d'hospitalité de longue durée, on se laisse prendre au piège des mots, qui
ont tenté de réduire le séjour des immigrés à un court séjour avant le
retour au pays d'origine. Certes, les sont désignés en Allemagne
par le terme Gastarbeiter, qui peut se traduire par « hôte-travailleur »,
144 comme relation L'hospitalité
où Gast a le même sens que dans Gasthaus ou Gasthof, « restaurant ».
En maintenant le statut d'hôte, on veut maintenir le caractère provisoire
de l'hôte. Plutôt que de temps, je crois - réflexe de démographe — qu'il
faut simplement parler de durée. Avec le temps écoulé, l'hospitalité
change rapidement de signification. L'inspection est vite terminée, la
révélation du mystère ne tarde pas, l'ostentation perd tout effet par sa
répétition. L'hospitalité change aussi de cadre avec la durée. Elle sort de
l'espace privé pour entrer dans des dispositifs et des réglementations
publics. n'est qu'une étape. Elle peut traduire une disposi
tion constante des êtres, mais elle s'adresse toujours à de nouveaux par
tenaires temporaires. Rite de passage, ou d'initiation des liens sociaux,
elle spécialise aussi les espaces qui en permettent le déroulement, seuils
et lieux mal qualifiés, car elle a besoin d'ambiguïté pour développer ses
effets surprenants.
Miniaturisation de l'hospitalité
dans les villes.
La différence entre l'hospitalité des villes et celle des champs permet
de mieux saisir la contraction du temps. En effet, les rencontres avec des
inconnus constituent la règle en ville, et l'exception à la campagne. A la
campagne, vous fixez votre conduite par rapport à des observateurs qui
vous connaissent depuis très longtemps et que vous continuerez à croiser
pendant très longtemps ; en ville, on est confronté en permanence à des
inconnus dans des situations de grande proximité physique. La même
remarque vaut pour les lieux : un paysage rural garde une morphologie
simple sur des kilomètres - ce qui a permis à Vidal de La Blache d'écrire
son beau tableau géographique ; en ville, au contraire, la est
beaucoup plus complexe : maisons, immeubles, administrations de diffé
rents types, lieux de culte, parcs, avenues, ponts, etc., se succèdent rapi
dement. Tandis que l'habitant des campagnes devra effectuer un assez
long déplacement pour se retrouver dans un monde qu'il ne connaît plus
(inhospitalier?), l'homme des villes se retrouve en quelques secondes
dans l'inconnu au milieu d'inconnus. Dès lors, l'hospitalité se miniaturise.
Elle consiste non plus à trouver un gîte et un couvert avant de gagner
une nouvelle destination le jour suivant, mais à passer sans encombre
d'inconnus en inconnus en quelques minutes. Les gestes de politesse, les
remarques de banalisation « goffmanienne » prennent alors le pas sur
l'hospitalité qu'on pourrait appeler « lourde ». Miniaturisée, allégée, travaille dès lors dans le signe minimal, dans Varie povera
du regard un instant fixé lors d'un croisement, du sourire esquissé, de
145 Hervé Le Bras
l'excuse courtoise, du passage forcé. Lorsque la vitesse augmente encore
avec la conduite automobile, ces comportements minimaux disparaissent,
ne laissant subsister que l'agressivité nue d'individus entièrement étran
gers les uns aux autres, incapables de nouer d'autre contact que dans le
fracas de la collision.
Dans ces conditions, les conduites d'hospitalité se rapprochent de la
politesse, et même de l'

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