L immigration bretonne dans le royaume de France du XIe au début du XIVe siècle - article ; n°2 ; vol.81, pg 301-343
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L'immigration bretonne dans le royaume de France du XIe au début du XIVe siècle - article ; n°2 ; vol.81, pg 301-343

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Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest - Année 1974 - Volume 81 - Numéro 2 - Pages 301-343
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Publié le 01 janvier 1974
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Langue Français
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André Chédeville
L'immigration bretonne dans le royaume de France du XIe au
début du XIVe siècle
In: Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest. Tome 81, numéro 2, 1974. pp. 301-343.
Citer ce document / Cite this document :
Chédeville André. L'immigration bretonne dans le royaume de France du XIe au début du XIVe siècle. In: Annales de Bretagne
et des pays de l'Ouest. Tome 81, numéro 2, 1974. pp. 301-343.
doi : 10.3406/abpo.1974.2726
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_0399-0826_1974_num_81_2_2726L'immigration bretonne
dans le royaume de France
du XIe au début du XIVe siècle
par André CHÉDEVILLE
L'histoire de la population médiévale est encore mal
connue et, en raison de la carence de la documentation quant
itative, on a pu, à propos du Moyen Age, parler de « pré
histoire » de la démographie. On sait seulement — et encore
d'après des témoignages indirects — qu'après un Haut Moyen
Age au bilan incertain, la population s'accrut de la fin du
Xe au début du xive siècle avant de connaître une chute
brutale dont les effets ne furent enrayés qu'à la fin du
XVe siècle. A ces aléas, il convient d'opposer un phénomène
constant : celui du brassage et de la mobilité de la population.
Illustré du IIIe au vie, puis aux ixe et Xe siècles par les vagues
successives des grandes invasions, ce mouvement se maintient
du xi° au xme siècle, soutenu par le renouveau de l'économie ;
il persiste aux xivc et xvc siècles pour compenser les ravages
des guerres et surtout des épidémies. La Bretagne, en dépit
de son originalité ethnique et plus encore de sa situation
excentrique, a largement participé à ce courant. Quelques
études ont déjà porté sur les époques les plus reculées : les
unes fondées sur des textes à l'interprétation controversée, les
autres accordant une trop grande confiance à la toponymie,
il est rare qu'elles emportent la conviction (1). Pour les XIVe
(1) On retiendra toutefois J. Soyer, « Les Bretons de Blois au vf siè
cle », dans Mém. Soc. sciences et lettres du Loir-et-Cher, t. XVI, 1902,
p. 268-271, et G. Souillet, « Les Brette et Bretteville de Normandie sont-ils
des établissements bretons ? », dans Annales de Bretagne, t. LXII, 1955,
p. 408-412. l'immigration bretonne en France (xr-xivc siècles) 302
et XVe siècles, on a évoqué le rôle de ceux qui vinrent grossir
les rangs des armées ou remettre les terroirs en valeur (2),
mais ce travail est à peine ébauché et, cette fois, l'ampleur
de la documentation interdit actuellement toute tentative de
synthèse.
La présente étude a pour ambition de retrouver les carac
tères de l'immigration bretonne en France entre le début
du xi° siècle — marqué à la fois par un monde plus actif
et par une documentation plus riche — et les premières
décennies du xive siècle, avant que la crise générale ne modifie
profondément les données du problème.
Avant de tirer les leçons de cette longue enquête et pour
que le lecteur sache la part d'insuffisances et d'incertitudes
qu'elle contient, il est nécessaire d'exposer les méthodes de
recherches qui ont été employées.
Tout d'abord, il a paru imprudent d'utiliser la toponymie
de façon systématique. Certes, on admet traditionnellement
qu'un certain nombre de noms de lieux évoquent des colonies
de Bretons dont l'origine peut remonter à l'époque gallo-
romaine. Ce serait le cas des Berthenonville, Bretenoux,
Brétignolles ou Bretteville que l'on relève dans la France
entière, du Doubs aux Landes en passant par la Côte-d'Or
et le Lot. En revanche, les noms de type Bretenière, La Bre-
tonnière, La Bretonnerie seraient plus récents et pourraient
venir du nom de personne moderne Breton (3). Les problèmes
de datation sont certes délicats : sur les 59 toponymes de ce
genre que comporte le Dictionnaire topographique de la Sarthe,
d'E. Vallée et R. Latouche, l'un des plus complets de cette
série, un seul est attesté avant 1300. Mais il y a plus grave :
il n'est pas certain que ces noms, du moins ceux qui sont
antérieurs au xve siècle, soient en rapport avec une quelconque
colonisation bretonne. M. Roblin, qui poursuit avec talent
une remise en cause de la toponymie traditionnelle (4),
(2) Notamment Ch. Higounet, « Mouvements de population dans le
Midi de la France », dans Annales E.S.C., t. VIII, 1953, p. 1-24, p. 20-24;
G. Fourquin, Les campagnes de la région parisienne à la fin du Moyen
Age, Paris, 1964, p. 422-428 ; Ph. Contamine, Guerre, Etat et Société à la
fin du Moyen Age, Paris, 1972, passim.
(3) A. Dauzat et Ch. Rostaing, Dictionnaire étymologique des noms
de lieux de France, Paris, 1963.
(4) Voir par exemple « De Saumaise à Sermaise : établissements
sarmates ou terrains saumâtres ? » dans Mélanges M. Renard, Bruxelles,
1969, t. II, p. 664-674. bretonne en France (xr-xiv* l'immigration siècles) 303
estime que ces noms doivent plutôt leur origine à un radical
bart- ou bert-, sans doute celtique, mais qui est passé dans
le lexique gallo-romain et qui a donné des formes comme
bertainière attestée dans le sens de marais ou barte qui
désigne des taillis marécageux. Ainsi, à Paris, la rue Sainte-
Croix-de-la-Bretonnerie est située dans le quartier du Marais,
Bretenoux (Lot) à l'entrée de la plaine alluviale où la Cère
rejoint le Lot et Brétignolles-sur-Mer (Vendée) près de marais
asséchés tardivement. Ce serait donc par une sorte de calem
bour que l'on aurait donné à certains toponymes une allure
« bretonne ». En voilà au moins un exemple flagrant : la
forêt des Bertranges — où l'on retrouve précisément le radical
bert- — , près de La Charité-sur-Loire, est appelée Britannia
dans des documents du xne siècle (5).
Les noms et les surnoms des individus forment donc la
matière première de cette étude. Mais, à part le Chartrain
dont les archives ont fait l'objet d'un dépouillement systé
matique, seules ont été utilisées les sources imprimées. C'est
dire qu'il reste encore beaucoup à découvrir, même si nous
avons relevé la présence d'émigrants bretons ou présumés
tels dans plus de cent vingt cartulaires, recueils d'actes,
recensements ou chroniques. Cette documentation, globalement,
est d'une ampleur à peu près constante entre 1060 et 1300,
époque à laquelle les documents imprimés deviennent plus
rares ; toutefois, d'une région à l'autre, il y a des différences
sensibles : en particulier, on ne retrouve pas dans la région
parisienne une précocité comparable à celle de l'Anjou. Pour
ces trois siècles, on peut diviser la documentation en deux
périodes de part et d'autre de 1200. Avant cette date, l'usage
général de la preuve testimoniale nous vaut, à la fin de
chaque acte ou notice, des listes plus ou moins fournies de
témoins dont le recrutement correspond à des critères sociaux
précis : il s'agit d'individus qui, de près ou de loin, gravitent
dans l'entourage des grands. Après 1200, cette source se tarit
mais elle est relayée par la multiplication des actes de pra
tique courante qui fournissent le nom des parties et par
l'apparition de listes de censitaires, de taillables ou de jurés
dont l'aire sociale de recrutement est beaucoup plus large
encore que là, comme dans le cas précédent, les déshér
ités n'y figurent qu'exceptionnellement.
(5) R. de Lespinasse, Car t. de La Charité-sur-Loire, nos 49 (1121) et 25
(vers 1155). l'immigration bretonne en France (xie-xive siècles) 304
Où qu'ils soient, les immigrants bretons se révèlent à nous
de trois façons distinctes :
— Les uns portent des noms typiquement celtiques, suivis
dans la proportion de 25 % du cognomen ou surnom Brito.
Ils apparaissent très tôt, culminent vers 1100 pour décliner
rapidement ensuite et devenir rares dès 1130. Parmi les noms
de ce genre, les plus courants sont, dans l'ordre : Rivallonus
(Rivaldus, Rualo, Ruil, Ruallanus, Ruvellonus), Guihenoc
(Guieno, Guithenoc, Guiniocus, Vuihenoius, Wihenocus), Guiho-
mardus (Guiumar, Guihomarus, Wihumardus), Karadocus,
Graalendus ou, plus raremen

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