L islam à domicile - article ; n°1 ; vol.65, pg 77-89
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Description

Communications - Année 1997 - Volume 65 - Numéro 1 - Pages 77-89
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 51
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Mme Jocelyne Cesari
L'islam à domicile
In: Communications, 65, 1997. pp. 77-89.
Citer ce document / Cite this document :
Cesari Jocelyne. L'islam à domicile. In: Communications, 65, 1997. pp. 77-89.
doi : 10.3406/comm.1997.1989
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1997_num_65_1_1989Jocelyne Cesari
L'islam à domicile
La découverte que l'islam est dorénavant « deuxième religion de
France » apparaît comme la grande surprise, mêlée de crainte, de ces
deux dernières décennies. Les réticences, avouées ou implicites, sont liées
au fait que ces immigrés qui surgissent de l'anonymat et de l'indifférence
sont pour certains installés en France depuis plusieurs décennies, une
grande majorité d'entre eux provenant des sociétés de l'ancien empire
colonial. Immigrés et, qui plus est, anciens colonisés : voilà qui va peser
lourdement sur la perception française et expliquer en partie les difficultés
à reconnaître l'islam à égalité avec les autres religions présentes dans
l'Hexagone. Il faut en effet se rappeler que la migration maghrébine a,
plus que toute autre, longtemps été considérée comme une migration de
travail provisoire n'ayant pas vocation à devenir une migration de peu
plement, tant par les gouvernants des États d'origine, qui venaient de
conquérir leur indépendance de haute lutte, que par ceux de la société
française. Cet accord tacite entrait d'ailleurs en conjonction avec le projet
migratoire des intéressés eux-mêmes, envisagé comme une mobilité limi
tée en vue d'une accumulation de capital devant être réinvesti dans le
pays d'origine. L'échec de ce projet, devenu patent à la fin des années 70
avec la recomposition et l'agrandissement des familles dans l'Hexagone,
a conduit ces migrants à une modification de leurs rapports à la société
française, marquée par une visibilité plus grande de l'appartenance isl
amique, mais aussi des nouvelles générations, nées ou scolarisées en
France. Ainsi, la multiplication des salles de prière, le phénomène
« beur », les émeutes urbaines, les attentats racistes sont autant d'événe
ments qui vont introduire la question de l'islam au cœur du débat poli
tique français.
Or l'incompréhension est complète. La grande majorité des Français
découvre avec stupeur que l'islam, dans l'Hexagone, compte plus de
quatre millions d'adeptes, dont près de la moitié sont français. Les vieilles
77 Jocelyne Cesari
peurs resurgissent. Depuis les croisades jusqu'à la guerre d'Algérie, toutes
les péripéties historiques sont sollicitées pour nourrir la vision de musul
mans fanatiques, violents et barbares, qui désormais campent dans nos
banlieues. De surcroît, l'arrivée de l'islam dans le paysage religieux fran
çais se produit au moment où il surgit sur la scène internationale et devient
un élément de mobilisation des masses dans le monde arabo-islamique.
C'est donc à l'aune de la révolution islamique en Iran ou de la lutte du
Front islamique du salut en Algérie que va être analysé l'islam de France.
Ce plaquage de la situation internationale sur la condition des musulmans
de France va contribuer à nourrir le syndrome du complot et de la manip
ulation. Il présente par ailleurs l'inconvénient de simplifier et de politiser
la condition musulmane, alors que celle-ci est très diversifiée, voire
contradictoire, dans ses expressions. Mais, surtout, il tend à aggraver le
malentendu croissant entre musulmans et non-musulmans dans la société
française. Les premiers ont souvent l'impression d'être mis en accusation
et suspectés parce que musulmans, et les seconds se conduisent comme
s'ils étaient envahis et mis en danger par l'islam, qui serait aux antipodes
de la culture française1.
Echapper à ce malentendu suppose de considérer l'islam français avec
sa spécificité et son rythme, façonnés tout autant par les rapports de force
et le contexte de la société française que par les soubresauts de l'actualité
internationale. A cet égard, il est possible de distinguer trois étapes dans
l'histoire non achevée de l'islam français : le passage à un islam public
initié par les « primo-migrants » ; des rivalités politiques autour des mos
quées ; l'émergence de nouveaux lieux de l'islam bâtis par une partie des
nouvelles générations.
L'islam « tranquille »
et communautarisé des pères.
Les promoteurs de la visibilité et de la demande d'islam ont été en
règle générale des individus mariés, pères de famille, installés depuis au
moins dix ans dans la société française, correspondant donc au profil du
« primo-migrant ». Les recherches montrent à cet égard que si, dans
l'islam « transplanté », les primo-migrants n'ont jamais véritablement
abandonné les pratiques individuelles comme les prières, l'aumône
(zakât) ou le pèlerinage (haj), désormais ils affichent dans l'espace com
mun la dimension collective du culte par la multiplication des salles de
prière, des boucheries halal ou la demande de carrés musulmans dans
les cimetières. Cela consacre une évolution dans leurs rapports à l'env
ironnement. En effet, jusqu'au début de la décennie 70, aucun signe
78 L'islam à domicile
cultuel n'apparaissait dans les espaces urbains : la dimension collective
de l'islam était refoulée dans l'espace intime des demeures, des foyers,
des hôtels garnis ou des arrière-boutiques. Cette attitude de repli s'expli
que par le fait que, pour la majorité d'entre eux, la société d'accueil n'était
pas envisagée comme un lieu d'enracinement mais comme un lieu de
passage, ce qui permettait aussi de faire quelques entorses au respect des
prescriptions rituelles.
Mais avec la recomposition des familles sur le territoire français, qui
s'accompagne de la naissance d'enfants ou de leur scolarisation en France,
il n'est plus possible pour le croyant de vivre dans l'irrégularité par rap
port à la loi divine, même si l'idée de retour n'est pas abandonnée. Ce
changement d'attitude va se traduire au début de la décennie 80 par une
croissance exponentielle des salles de prière dans l'ensemble des lieux de
résidence. A ce jour, on estime à près de deux mille les associations
islamiques déclarées gérant des lieux de culte, la quasi-totalité relevant
du régime associatif loi de 1901. Cette émergence de l'islam dans les
banlieues sera interprétée par les pouvoirs publics comme le signe d'une
non-adaptation, alors qu'elle est au contraire l'indice d'une acceptation
de l'environnement. Elle va d'ailleurs contraindre les fidèles à entrer en
négociation avec les responsables des sociétés HLM et du pouvoir munic
ipal, et à créer des associations loi de 1901 afin d'apparaître comme des
interlocuteurs face aux pouvoirs publics, ce passage à la structure asso
ciative ayant été favorisé par la loi du 9 octobre 1981 qui a fait entrer
les associations créées par les étrangers dans le régime général des asso
ciations loi de 1901. Il convient de souligner que cette création d'asso
ciations demeure dans la plupart des cas formelle, les lieux islamiques
étant gérés à partir du réseau de relations personnelles. Ils fonctionnent
davantage comme des lieux communautaires : le régime juridique n'est
qu'un outil pour acquérir une reconnaissance auprès des institutions, et
la plupart de ces associations, qui portent explicitement le qualificatif
« islamique » dans leur intitulé, ont été souvent impulsées par les déci
deurs et opérateurs publics souhaitant négocier avec un collectif. L'orga
nisation de l'islam a donc débuté hors du cadre de la loi de 1905, destinée
à la gestion des activités religieuses, et a contribué d'emblée à rendre
inopérante la distinction entre le cultuel et le culturel dans la gestion de
l'islam — et ce d'autant plus que le régime associatif loi de 1901 a permis
à certaines associations islamiques d'

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