La chronologie de la Vie de saint Fulgence de Ruspe et ses incidences sur l'histoire de l'Afrique vandale - article ; n°1 ; vol.105, pg 135-188

Yves Modéran

Description

Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité - Année 1993 - Volume 105 - Numéro 1 - Pages 135-188
africains. Les évêques ayant acquis une influence majeure sur ces ordines et leur foi les empêchant d'accepter la collaboration, les rois vandales choisirent très tôt d'éloigner ces éléments potentiellement perturbateurs.
54 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: MELANGES_DE_L-ECOLE_FRANCAISE_DE_ROME
• Publié le: 01 janvier 1993
• Nombre de lectures: 30
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 4 Mo

Extrait

Yves Modéran
La chronologie de la Vie de saint Fulgence de Ruspe et ses
incidences sur l'histoire de l'Afrique vandale
In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité T. 105, N°1. 1993. pp. 135-188.
Résumé
Yves Modérant, La chronologie de la Vie de saint Fulgence de Ruspe et ses incidences sur l'histoire de l'Afrique vandale, p. 135-
188.
La Vie de saint Fulgence de Ruspe, une des sources principales de l'histoire de l'Afrique vandale, est difficile à utiliser faute
d'indications chronologiques. En se fondant sur des datations contestables, C. Courtois a largement recouru à ce texte pour
affirmer la discontinuité de la persécution vandale et pour faire de celle-ci une simple réaction à une résistance politique
délibérée de l'Église. Reprenant minutieusement les données de la Vita, cet article en établit une chronologie précise; puis, à la
lumière de celle-ci, il montre que la persécution vandale fut continue mais essentiellement dirigée contre le corps épiscopal. Cet
acharnement contre les évêques tient à des raisons religieuses; mais il s'explique aussi par la nécessité pour les rois vandales
d'appuyer leur administration sur les ordines municipaux
(v. au verso) africains. Les évêques ayant acquis une influence majeure sur ces ordines et leur foi les empêchant d'accepter la
collaboration, les rois vandales choisirent très tôt d'éloigner ces éléments potentiellement perturbateurs.
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Modéran Yves. La chronologie de la Vie de saint Fulgence de Ruspe et ses incidences sur l'histoire de l'Afrique vandale. In:
Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité T. 105, N°1. 1993. pp. 135-188.
doi : 10.3406/mefr.1993.1797
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_0223-5102_1993_num_105_1_1797YVES MODÉRAN
LA CHRONOLOGIE DE LA VIE DE SAINT
FULGENCE DE RUSPE ET SES INCIDENCES
SUR L'HISTOIRE DE L'AFRIQUE VANDALE
ι
Le caractère exceptionnel de la Vita Fulgentii1 parmi les sources de
l'histoire de l'Afrique à l'époque vandale a depuis longtemps été remarqué.
Comme le rappelait récemment M. Simonetti2, sa singulière importance
est d'abord due au fait qu'elle est, après la Vita Augustini de Possidius, l'
unique exemple africain de la littérature biographique chrétienne, à une
époque où pourtant ce genre florissait dans le monde méditerranéen. Sa
place est d'autant plus remarquable qu'elle couvre une période chronol
ogique, les quarante dernières années de l'époque vandale, pour laquelle
les sources sont rares et souvent trop pauvres. Or la Vita Fulgentii ne nous
renseigne pas seulement sur la carrière de l'évêque Fulgence, mais aussi
«de mille manières sur la situation de l'Église d'Afrique et plus générale-
1 L'édition de référence utilisée ici est celle du P. G. G. Lapeyre, Vie de saint
Fulgence de Ruspe, avec traduction française, Paris, 1929. Cette traduction est par
fois discutable, et nous l'avons rectifiée chaque fois que cela s'avérait nécessaire, en
ne négligeant pas les interprétations de la traduction italienne donnée récemment
par A. Isola, Vita di san Fulgenzio, Rome, 1987. Cet auteur estime que «la Vita Ful
gentii attenda ancora un'edizione critica veramente rigorosa». Celle-ci devrait se
trouver dans le volume des œuvres de Ferrand de Carthage annoncé dans le Corpus
Christianorum.
Nous ne discuterons pas ici la question de savoir si Ferrand est l'auteur de la Vi
ta. Admise par le P. Lapeyre et la plupart des historiens contemporains, cette attr
ibution vient d'être remise en cause, avec de bons arguments, par A. Isola (Sulla pa
ternità della Vita Fulgentii, dans Vetera christianorum, 23, 1986, p. 63-71), qui re
connaît plutôt l'œuvre d'un clerc de l'entourage immédiat de Fulgence. Dans tous les
cas, tout le monde convient que la Vita fut écrite peu de temps après la mort de Ful
gence et par un témoin direct : la valeur historique exceptionnelle du texte n'est
donc pas remise en question.
2 M. Simonetti, Note sulla Vita Fulgentii, dans Analecta Bollandiana, 100, 1982,
p. 278, note 4.
MEFRA - 105 - 1993 - 1, p. 135-188. 136 YVES MODÉRAN
ment sur la vie africaine dans cette période3». L'auteur de ce qui reste l'o
uvrage de référence sur le royaume vandale, Christian Courtois, ne s'y était
pas trompé, et il s'appuya très largement sur ce texte pour reconstituer les
règnes de Gunthamund, de Thrasamund et d'Hildéric, et en particulier leur
politique religieuse4.
Pourtant ce document si précieux présente dès l'abord une difficulté
majeure, dont la solution a largement conditionné toutes les utilisations
qui ont pu en être faites : à part deux allusions précises, l'une à l'entrée de
Théodoric à Rome en 500, et l'autre à l'avènement d'Hildéric en 5235, la Vi
ta Fulgentii ne contient aucune indication chronologique explicite. Pour
surmonter cette difficulté, les historiens se sont donc employés depuis trois
siècles à découvrir dans le texte de la Vita des indications indirectes, per
mettant d'établir une chronologie exacte6. Plus particulièrement, ils ont
cherché à déterminer les dates de la naissance et de la mort de Fulgence, en
fonction desquelles beaucoup d'épisodes du texte pouvaient être situés. De
ces recherches sont nés trois systèmes chronologiques concurrents.
Selon le P. Lapeyre (L), dont l'édition de la Vita n'a pas été remplacée,
Fulgence serait né en 467 et mort en 5327. Le P. Delehaye (D), dans une r
ecension du livre du P. Lapeyre8, combattit immédiatement cette chronol
ogie et proposa plutôt les dates de 468 et de 533. Peu connu, l'article du
P. Delehaye fut ignoré de C. Courtois (C), qui entreprit de prouver en 1955
qu'en réalité Fulgence était né en 462 et décédé en 5279. Depuis trente ans,
ces trois systèmes sont en concurrence et divisent les spécialistes de Ful
gence et plus généralement les historiens de l'Afrique vandale. La chronol
ogie L a ainsi été reprise, pour ne citer que des exemples récents, par
3 F. Châtillon, L'Afrique oubliée de Christian Courtois et les ignotae regiones de
la Vita Fulgentii, dans Revue du Moyen Age latin, t. 11, 1955 (1965), p. 377-378.
4 C. Courtois, Les Vandales et l'Afrique, Paris, 1955, en particulier p. 275-310.
F. Châtillon dans le compte rendu très critique cité supra note 3, a relevé 110 ré
férences à la Vita Fulgentii dans ces chapitres : il note justement que ce texte consti
tue en fait, avec Victor de Vita, une des deux sources majeures de la thèse de Court
ois.
5 Vita Fulgentii, éd. Lapeyre, IX, p. 55 et XXV p. 121. Cf. infra p. 150 et p. 151.
6 Sur les premières recherches de chronologie fulgentienne, cf. l'étude du P. La
peyre, Saint Fulgence de Ruspe. Un évêque catholique africain sous la domination
vandale, Paris, 1929, p. 323-324.
7 La démonstration, très brève, figure dans le livre cité supra note 6, «appendice
1», p. 323-327.
8 H. Delehaye, compte rendu des deux livres du P. Lapeyre, dans Analecta Bol-
landiana, 52, 1934, p. 104-105.
9 C. Courtois, Les vandales et l'Afrique, p. 300 note 3. LA CHRONOLOGIE DE LA VIE DE SAINT FULGENCE DE RUSPE 137
M. Simonetti (1983), M. G. Bianco (1986) et P. Meloni10 (1988). La chronol
ogie D a recueilli l'assentiment de P. Langlois (1972) puis de A. Mandouze
dans la Prosopographie de l'Afrique chrétienne11 (1982). La chronologie C en
fin a été depuis 1955 la plus suivie et a été reprise, parmi beaucoup
d'autres, par H. J. Diesner (1964) et surtout par les deux éditeurs les plus
récents des œuvres de Fulgence, J. Fraipont (1968) et A. Isola12 (1983). La
confusion la plus grande règne donc actuellement sur ce sujet, et ceci avant
tout parce qu'aucun des trois systèmes en concurrence n'a réussi à s'impo
ser de manière réellement convaincante.
Paradoxalement en effet, la chronologie de Fulgence n'a encore jamais
fait l'objet d'une étude spécifique examinant dans toutes ses conséquences
chacune des options proposées. Le P. Lapeyre, dans sa thèse, ne consacre
ainsi que cinq pages à l'élaboration de son système, en exploitant essen
tiellement un seul indice fourni par la Vita. Le P. Delehaye se contente de
discuter en une seule page le même indice, en l'interprétant diff