La famille séparée - article ; n°1 ; vol.39, pg 5-45
42 pages
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Description

Communications - Année 1984 - Volume 39 - Numéro 1 - Pages 5-45
41 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1984
Nombre de lectures 37
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Claude Bremond
La famille séparée
In: Communications, 39, 1984. pp. 5-45.
Citer ce document / Cite this document :
Bremond Claude. La famille séparée. In: Communications, 39, 1984. pp. 5-45.
doi : 10.3406/comm.1984.1577
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1984_num_39_1_1577Claude Bremond
La famille séparée
Du type A T 938 au type A T 884.
Le conte type AT 938 est surtout connu en Occident par la légende de
Placide-Eustache 1. La convergence entre les sources hagiographiques qui, du
IXe au XIIIe siècle, ont fixé les traits canoniques de cette histoire est assez marquée
pour qu'on puisse présenter un résumé faisant l'économie de variantes
infimes.
Eustache, qui d'abord s'appelait Placidus, était un vertueux païen, général de
l'empereur Trajan. Un jour de chasse, un cerf qu'il poursuivait seul se retourne vers lui,
montrant entre ses bois l'image du Christ, et disant : « 0 Placide ! pourquoi me
persécutes-tu ? Je suis le Christ que sans le savoir tu vénères. » est baptisé par
Tévêque de Rome, ainsi que sa femme et ses deux fils, sous les noms d'Eustache, de
Théospita, d'Agapithus et de Théospitus. Au cours d'une seconde apparition, le cerf
annonce à Placide-Eustache qu'il lui faudra supporter de grandes épreuves, mais que
Dieu lui en donnera la force.
Effectivement, les malheurs commencent à pleuvoir : la famille d'Eustache (servi
teurs, servantes, bétail) est décimée ; des voleurs pillent ses biens. Il est réduit à fuir,
quasi nu, de nuit, avec sa femme et ses deux fils. Un navire à destination de l'Egypte
l'embarque. Mais le patron convoite Théospita. A l'arrivée, Eustache n'a pas un sou pour
payer la traversée. Le se dédommage en confisquant Théospita qui, Dieu aidant,
demeure intacte.
Eustache chemine à pied, portant ses deux fils. Ils arrivent au bord d'une rivière en
crue. pose l'un sur la berge et passe le second sur l'autre rive, puis il revient
chercher le premier. Quand il est au milieu du gué, il voit un lion enlever l'un des enfants
et un loup emporter l'autre. Les deux garçons seront arrachés aux bêtes sauvages et
adoptés par des paysans du voisinage.
Continuant sa route, Eustache s'engage comme ouvrier agricole chez un propriétaire
qu'il sert pendant quinze ans. Pendant ce temps, Trajan fait rechercher son ancien
général. Deux compagnons d'armes de Placide le reconnaissent et le ramènent à Rome,
où Trajan lui confie le commandement d'une armée qui fait campagne en Orient. Parmi
les conscrits se trouvent deux jeunes garçons qui deviennent les favoris du général
Placide-Eustache.
La victoire est remportée. Les deux jeunes gens sont logés dans une pauvre auberge.
Ils évoquent leurs souvenirs d'enfance et se racontent comment ils ont été séparés de leur
père au passage d'un gué. Ils découvrent ainsi qu'ils sont frères. L'hôtelière, qui a
entendu leur récit, n'est autre que Théospita, leur mère, qui a ouvert ce petit commerce
après la mort de son ravisseur. Elle soupçonne les deux garçons d'être ses fils, mais
préfère se taire. Elle demande audience au général pour être rapatriée en sa qualité de
citoyenne romaine. L'époux et l'épouse se reconnaissent. Elle demande des nouvelles de
ses fils. « Hélas, dit-il, ils ont été enlevés, l'un par un lion, l'autre par un loup. >
Théospita fait appeler les jeunes gens. La famille est réunie. Claude Bremond
L'histoire pourrait se clore sur ce happy end. Dans des textes hagiographi
ques tels que la Légende dorée ou le Speculum historiale, elle finit mieux
encore : le successeur de Trajan fait martyriser Eustache, sa femme et leurs
deux fils.
Parallèlement à l'utilisation hagiographique, le thème du conte AT 938
alimente, entre le XIIe et le XVe siècle, une riche littérature profane. On peut citer,
dans l'ordre chronologique :
— au XIIe siècle, le Roman de Guillaume d'Angleterre, attribué à Chrétien de
Troyes 2 ;
— au XIIIe siècle, Die Gute Frau, une romance souabe qui traduit un original
français intitulé la Bone Dame 3
— au XIVe siècle, El Cavallero ; VEscoufle Cifar 5, 4, roman espagnol français ; Wilhelm von
Wenden 6, romance allemande ; Sir Ysumbras 7, ballade anglaise ;
— au XVe siècle, Der Graf von Savoien 8, romance allemande ; une version
des Gesta Romanorum en langue anglaise (qui remplace la version latine
« orthodoxe » des Gesta du XIIIe siècle 9) ; Pierre de Provence et la Belle
Maguelonne 10, roman français ; Otinello et Giulia u, roman italien ; Imberios
et Margarone n, grec.
Cela pour l'Occident chrétien, car ces dernières œuvres sont apparentées à
diverses histoires des Mille et Une Nuits, dont Camaralzaman 13, et d'autres
œuvres orientales difficiles à dater.
Bien qu'apparentée à celle de Placide-Eustache, la thématique de ces récits
ne lui est pas réductible. Un résumé du plus ancien, Guillaume d'Angleterre,
donnera une idée plus juste de la variété des motifs susceptibles d'être intégrés
au développement de l'intrigue :
Guillaume, roi pieux et charitable, est marié à Gratienne. La reine reste sept ans
stérile, puis est enfin enceinte. Une nuit, une voix enjoint à Guillaume de tout quitter et
de partir. Il part, accompagné de son épouse. Tous deux se réfugient dans une grotte au
bord de la mer. Gratienne accouche de jumeaux, que Guillaume enveloppe dans les pans
de son manteau royal mis en pièces. L'accouchée, affamée, est sur le point de dévorer ses
nouveau-nés. Guillaume offre de lui tailler un quartier de viande dans sa cuisse, puis,
apercevant des marchands qui accostent, va leur mendier un peu de nourriture. Les
marchands remarquent la beauté de la jeune femme, l'embarquent, brutalisent
Guillaume, et lui jettent en partant une bourse d'or. resté sur le rivage, veut passer un bras de mer. Il va porter un des jumeaux
dans une barque, revient chercher l'autre, et arrive au moment où un loup enlève
l'enfant. Il poursuit longtemps la bête, mais finit par tomber épuisé. L'enfant sera
arraché au loup par des forains qui le nommeront Lovel, puis trouveront son frère dans
la barque, le recueilleront et le nommeront Marin. Guillaume, reprenant connaissance,
voit la bourse pendue à une branche, tend la main pour la prendre. A ce moment, un
aigle fond du ciel et emporte la bourse. Guillaume rencontre d'autres marchands, qui le
rossent et l'emmènent en captivité en Ecosse, à Galloway. Il y devient le majordome d'un
bourgeois aisé.
De son côté, la reine a été conduite à Sorline. Un chevalier du nom de Gleolaïs la
recueille et la confie à sa femme. Celle-ci venant à mourir, il offre à Gratienne de
l'épouser. La jeune femme se défend en s'accusant d'avoir beaucoup péché. Comme il
insiste, elle accepte le mariage, mais sous condition qu'ils n'auront pas de commerce
charnel avant un an.
Les jumeaux grandissent chez leurs parents adoptifs, Foucher et Goncelins, mais
leurs aspirations aristocratiques ne s'accordent pas avec l'humeur terre à terre des deux
vilains. Souvent rossés, ils finissent par partir en claquant la porte. Errant à l'aventure, La famille séparée
ils tuent un daim, sont arrêtés et conduits devant le roi de Caithness. Mais celui-ci, sur le
vu de leur bonne mine, les gracie et en fait ses pages.
Pendant ce temps, Guillaume commerce pour le compte de son maître. Envoyé à la
foire de Bristol, il remarque un jeune homme qui porte un cor d'ivoire lui ayant
appartenu, et l'achète. Sur le point d'être reconnu comme l'ancien roi, il n'a que le temps
de reprendre la mer. Une tempête s'élève. Le navire est contraint à chercher refuge dans
un port où l'on évite ordinairement de relâcher, à cause de droits de douane exorbitants.
Une femme voilée se présente, visite la cargaison, remarque le cor d'ivoire, et finit par
exiger, pour tous droits, la bague que Guillaume porte au doigt. Bien malgré lui,
Guillaume doit céder son anneau de mariage.
La femme voilée invite Guillaume à dîner. A table, il soupçonne que cette dame
pourrait être Gra tienne, et il raconte un songe où il a vu un cerf à quinze cors. A la
stupéfaction de l'assistance, la dame lui tombe dans les bras 14. Le lendemain, la dame

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