La manipulation de l information scientifique en URSS - article ; n°3 ; vol.34, pg 415-429
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Description

Cahiers du monde russe et soviétique - Année 1993 - Volume 34 - Numéro 3 - Pages 415-429
Pascal Marchand, The manipulation of scientific information in USSR (based on the instance of river development).
Research on ex-USSR was made difficult because of the nature of available scientific information. Statistical yearbooks — sources of primary data — were rare. It was therefore often necessary to turn to second hand figures, collected in articles and other printed material which consisted either (in most cases) of a unique source or of several ones.
Whatever the case, such data were to be used cautiously: they represented a formal reality which had little to do with the real one. This distancing process ranges from passive devices (impossibility of checking data, shortness of series...) to active devices (delusion, flexible series, fake correlations...) that are means of deception.
The widespread use of such methods can be ascribed to the general purpose of the system; however, the human factor and lobbying scientists have their part as well. This is the way how sector-based ministries brainwashed the leadership of the country, presenting them only with formal realities.
Pascal Marchand, La manipulation de l'information scientifique en URSS (à partir de l'exemple de l'aménagement fluvial).
La recherche sur l'ех-URSS était rendue difficile par la nature de l'information scientifique dont on pouvait disposer. Les annuaires statistiques, sources de données brutes, étaient rares. On devait donc souvent recourir à des chiffres « de seconde main », glanés dans les articles et ouvrages. Selon le cas, on avait alors affaire, soit à une source unique, cas le plus fréquent, soit à plusieurs sources.
Dans tous les cas, ces données devaient être utilisées avec précaution : elles représentaient une réalité « formelle » ayant un rapport plus ou moins lointain avec la réalité « réelle ». Parmi les techniques permettant cette distanciation, on peut distinguer des procédés « passifs » (impossibilité de vérification, brièveté des séries...), inhérents aux méthodes employées, et des procédés « actifs » (leurres, séries élastiques, fausses corrélations...), qui sont des procédés de trucage.
La systématisation de ces méthodes s'explique certes par la volonté du régime mais il faut également faire la part du jeu de l'homme dans le système et de la « lobbyisation » de la science. Les ministères sectoriels arrivaient par là à « intoxiquer » la direction du pays en ne lui présentant que des réalités « formelles ».
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1993
Nombre de lectures 7
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Pascal Marchand
La manipulation de l'information scientifique en URSS
In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 34 N°3. Juillet-Septembre 1993. pp. 415-429.
Citer ce document / Cite this document :
Marchand Pascal. La manipulation de l'information scientifique en URSS. In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 34
N°3. Juillet-Septembre 1993. pp. 415-429.
doi : 10.3406/cmr.1993.2362
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cmr_0008-0160_1993_num_34_3_2362Abstract
Pascal Marchand, The manipulation of scientific information in USSR (based on the instance of river
development).
Research on ex-USSR was made difficult because of the nature of available scientific information.
Statistical yearbooks — sources of primary data — were rare. It was therefore often necessary to turn to
"second hand" figures, collected in articles and other printed material which consisted either (in most
cases) of a unique source or of several ones.
Whatever the case, such data were to be used cautiously: they represented a "formal" reality which had
little to do with the "real" one. This distancing process ranges from "passive" devices (impossibility of
checking data, shortness of series...) to "active" devices (delusion, flexible series, fake correlations...)
that are means of deception.
The widespread use of such methods can be ascribed to the general purpose of the system; however,
the human factor and lobbying scientists have their part as well. This is the way how sector-based
ministries brainwashed the leadership of the country, presenting them only with "formal" realities.
Résumé
Pascal Marchand, La manipulation de l'information scientifique en URSS (à partir de l'exemple de
l'aménagement fluvial).
La recherche sur l'ех-URSS était rendue difficile par la nature de l'information scientifique dont on
pouvait disposer. Les annuaires statistiques, sources de données brutes, étaient rares. On devait donc
souvent recourir à des chiffres « de seconde main », glanés dans les articles et ouvrages. Selon le cas,
on avait alors affaire, soit à une source unique, cas le plus fréquent, soit à plusieurs sources.
Dans tous les cas, ces données devaient être utilisées avec précaution : elles représentaient une réalité
« formelle » ayant un rapport plus ou moins lointain avec la réalité « réelle ». Parmi les techniques
permettant cette distanciation, on peut distinguer des procédés « passifs » (impossibilité de vérification,
brièveté des séries...), inhérents aux méthodes employées, et des procédés « actifs » (leurres, séries
élastiques, fausses corrélations...), qui sont des procédés de trucage.
La systématisation de ces méthodes s'explique certes par la volonté du régime mais il faut également
faire la part du jeu de l'homme dans le système et de la « lobbyisation » de la science. Les ministères
sectoriels arrivaient par là à « intoxiquer » la direction du pays en ne lui présentant que des réalités «
formelles ».TEMOIGNAGE
PASCAL MARCHAND
LA MANIPULATION DE L'INFORMATION
SCIENTIFIQUE EN URSS
(à partir de l'exemple de l'aménagement fluvial)
« En Russie, le secret préside à tout :
secret administratif, polititique, social ;
discrétion utile et inutile, silence superflu
pour assurer le nécessaire ; telles sont les
inévitables conséquences du caractère pri
mitif de ces hommes, corroboré par l'i
nfluence de leur gouvernement. Tout voya
geur est un indiscret ; il faut le plus
poliment du monde garder à vue l'étran
ger, toujours trop curieux, de peur qu'il ne
voie les choses telles qu'elle sont. »
Marquis de Custine, La Russie en 1839.
En 1986, le projet de détournement des fleuves du nord, qui avait mobilisé pen
dant trois décennies plusieurs dizaines d'institutions scientifiques, voyait son sort
réglé en quelques mois, à l'issue d'un court débat public. Lors de cette polémique, les
grands instituts se sont souvent empêtrés dans leurs explications.
Dix années de recherche et la rédaction d'une thèse d'État sur les conséquences
de l'aménagement de la Volga sur l'environnement nous ont donné l'occasion de véri
fier combien la science soviétique s'était, dans ce domaine, égarée. Certes, de nom
breux documents sur ce sujet nous sont restés inconnus, puisque chaque bibliothèque
comporte un « fonds fermé » (zakrytyj fond) de données inaccessibles au public, en
plus d'éléments confidentiels restant dans les instituts de recherche.
Nous avons cependant trouvé et utilisé quantité de données chiffrées dans les
innombrables articles et ouvrages scientifiques librement accessibles. C'est leur uti
lisation qui réserve des surprises : l'absence de concurrence y semble planifiée et les
données sont souvent orientées de façon à être rendues inutilisables, par des
Cahiers du Monde russe et soviétique, XXXIV (3), juillet-septembre 1993, pp. 415-430. 1 6 PASCAL MARCHAND 4
techniques dont il est possible de tenter une typologie. La systématisation de ces pra
tiques pose un certain nombre de questions mais fournit également des éléments de
réponse pour comprendre l'apparente impuissance des dirigeants à réformer le
régime.
I. L'ORGANISATION DE L'ABSENCE DE CONCURRENCE
L'absence de concurrence est le résultat de l'application du principe de la plani
fication à la recherche. L'activité des chercheurs des universités, de l'Académie des
sciences, des instituts spécialisés qui existent au sein de la plupart des quelques
dizaines de ministères sectoriels (rebaptisés trusts en 1991-1992), était intégrée dans
un plan général de recherche.
A. L'unicité des sources, le cas le plus fréquent
Les chercheurs n'étaient pas libres du choix de leurs travaux. Nous avons même
pu constater que leur accès aux statistiques brutes n'était pas libre non plus. Lorsque
nous avons rencontré S.L. Vendrov, l'un des plus éminents hydrologues soviétiques, profité de l'occasion pour lui demander de compléter nos chroniques de
débits sur la Volga, fleuve sur lequel il avait beaucoup travaillé. Sa réponse fut qu'il
n'était pas en mesure de le faire car il n'avait connaissance des annuaires hydrolo
giques qu'en fonction du travail qui lui était assigné, et qu'il avait achevé ses
recherches sur la Volga. Ce fait s'est vérifié par la suite auprès d'autres géographes
soviétiques.
Le domaine de l'hydrologie constitue pourtant un terrain d'étude privilégié, dans
la mesure où il existe des annuaires statistiques. Leur accès n'est pas aisé, mais on
arrive finalement à obtenir les données recherchées.
Dans la plupart des domaines, il n'existe pas d'annuaires statistiques. On est alors
contraint de travailler à partir de données de « seconde main », glanées dans les dif
férents ouvrages et articles scientifiques. On constate alors qu'en raison de la plani
fication de la recherche, dans un domaine donné, on ne trouve le plus souvent qu'une
seule source « émettrice », éventuellement reprise par d'autres. Nous avons été
confronté à une telle situation pour plusieurs aspects de l'influence des réservoirs
volgiens sur l'environnement.
C'est le cas pour l'étude du phytoplancton. Une campagne de mesures a été
menée par les Soviétiques au cours de l'été 1972 tout au long de la Volga. C'est la
seule « image instantanée » jamais réalisée en une saison donnée. Or, pour la plupart
des réservoirs volgiens, c'est encore la seule référence disponible à ce jour. En 1985,
V.I. Romanenko1 est encore obligé de s'y référer alors qu'il signale des mesures ulté
rieures, très localisées il est vrai, qui obligent à s'interroger sur la représentativité de
la valeur de « référence » obtenue en 1972.
Nous pourrions multiplier les exemples de situations de ce type. Dans le domaine
de la végétation aquatique, les seules données disponibles encore aujourd'hui sont
celles qui ont été obtenues par Ekzercev entre 1957 et 1974. Les seules données sur
la balance sédimentaire des réservoirs de Haute Volga ont été établies par Ziminova
etKurdinen 19

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