La Mascarade des dieux à Florence en 1565 - article ; n°1 ; vol.52, pg 224-243
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Description

Mélanges d'archéologie et d'histoire - Année 1935 - Volume 52 - Numéro 1 - Pages 224-243
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1935
Nombre de lectures 107
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Jean Seznec
La Mascarade des dieux à Florence en 1565
In: Mélanges d'archéologie et d'histoire T. 52, 1935. pp. 224-243.
Citer ce document / Cite this document :
Seznec Jean. La Mascarade des dieux à Florence en 1565. In: Mélanges d'archéologie et d'histoire T. 52, 1935. pp. 224-243.
doi : 10.3406/mefr.1935.7262
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_0223-4874_1935_num_52_1_7262LA MASGARADE DES DIEUX A FLORENCE
EN 1565
L'on sait depuis longtemps1 quel intérêt présente pour l'historien
de la Renaissance l'étude des cortèges de fêtes — triomphes, mascar
ades, entrées solennelles — qui, dès la fin du xve siècle, vont se
multipliant dans les cités italiennes, comme d'ailleurs en France et
en Espagne. Nous disposons pour cette étude de relations plus ou
moins détaillées, et souvent aussi de dessins. Dans bien des cas, ils
nous révèlent une richesse d'invention et une splendeur d'exécution
surprenantes : ce sont, peut-on dire sans exagération, des aspects
nouveaux de l'art et de la pensée de la Renaissance qui se manifestent
alors à nous.
Florence, depuis Laurent le Magnifique, donnait dans ce genre
l'exemple du faste2. Mais rien, sans doute, ne surpassa l'éclat des
fêtes de 1565 — Florence, cette année-là, célébrait les noces de Franç
ois de Médicis avec l'archiduchesse Jeanne d'Autriche.
Parmi toutes les cavalcades qui parcoururent la ville à cette occa-
1 Voir Burckhardt, La civilisation de la Renaissance en Italie, II, VIII.
Voir, pour la France, l'article de R. Schneider, Le thème du Triomphe
dans les entrées solennelles en France à la (Atti del congresso
internazionale di storia dell'arte in Roma, 1922), et la thèse de Josephe
Chartron, Les entrées solennelles et triomphales à la Renaissance, 1484-
1551, Paris, Presses universitaires, 1928, et, pour l'Espagne, l'excellent
catalogue de Don Jenaro Alendo y Mira, Relaciones de Solemnidades y fies-
tas publicas de Espar ta, Madrid, 1903.
2 Voir Lasca, Trionfi, carri, mascherali o canti carnascialeschi andati
per Firenze dal tempo del Magnifico Lorenzo Vecchio di Medici fino al
1559, Firenze, 1559, et P. Gori, Firenze magnifica. Le feste fiorentine at
traverso i secoli, Firenze, 1930. LA MASCARADE DES DIEUX A FLORENCE EN 1565 225
sion, l'une des plus mémorables fut, le 21 février, un cortège myt
hologique, la Mascarade de la généalogie des dieux. De fait, nous
disposons pour la reconstituer d'une documentation exceptionnelle
ment abondante : deux relations détaillées et trois séries de dessins.
La première description du cortège est celle de Baccio Baldini, Dis-
corso sopra la Mascherata della Genealogia degV Iddei i Gentili (Fi
renze, Giunti, 1565); la seconde, qui est probablement de Cini1, est
imprimée au tome VIII des œuvres de YTasari (ed. Milanesi), p. 567-
614. Des trois séries de dessins, l'une est aux Offices, au Cabinet des
estampes : Disegni di figura, 2666-2945 2; les deux autres à la Bi
bliothèque nationale de Florence : Giulio Parigi, Disegni originali,
vol. I, et Ms. Follini Π, Ι, 1423.
Tous ces documents se complètent fort utilement pour nous ; mais
les plus précieux sont à coup sur le recueil des Offices, parce que seul
il renferme la série entière des figures de la Mascarade — et la rela
tion de Baldini, parce qu'elle explique minutieusement le sens de
chacune de ces figures; rédigée « con infinita dottrina », elle est tout
à fait providentielle pour les esprits curieux, « coloro che curiosa
mente veder cercassero come ogni minima cosa di questa mascher
ata fu con l'autorità de buoni scrittori figurata4 ».
1 Voir, dans Vasari, Opere, Milanesi, Vili, p. 423, la lettre de Vasari
à Vincenzo Borghini : « Intanto il Cino combatte coi Giunti, che non vor-
rieno aver a stampare queste mascherate, entrate e trionfi... », 20 sept.
1567.
2 Ces 279 dessins forment deux volumes qui avaient été offerts au
grand-duc Cosme. Leur titre général est : « Carri trionfali delle divinità
e figure allegoriche addette ai medesimi disegnati da Giorgio Vasari e da
suoi discepoli sotto la direzione di Monsignore Vincenzo Borghini Spe-
dalingo degl' Innocenti per le magnifiche e grandiose feste fatte a Fi
renze l'anno 1565 in occasione degli sponsali del Principe D. Francesco
figlio di Cosmo de Medici, duca di Firenze e di Siena con l'arciduchessa
Giovanna d'Austria. »
3 La Biblioteca nazionale possède un très utile Tableau de -concordance
entre les deux descriptions et les trois séries de dessins, dressé par D1" Ger
trud Bing.
4 Ces expressions sont de Cini, qui les emploie du reste ironiquement.
Mélanges d'Ardi, et d'Hist. 1935. 15 LA MASCARADE DES DIEUX A FLORENCE EN 1565 226
Le texte de Baldini constitue donc le commentaire des dessins des
Offices; commentaire d'ailleurs indispensable, car les Dieux de la
Mascarade sont pour la plupart assez insolites. Qu'on en juge plu
tôt. Voici le premier char du cortège (pi. I); c'est, nous explique
Baldini (p. 8-10), celui de Démogorgon, père des Dieux, et de l'Eter
nité, sa compagne. Ils sont dans une caverne, traînée par des dra
gons. Démogorgon est un sombre vieillard, environné de nuées ;
l'Éternité est une jeune femme vêtue de vert, portant sur la tête un
basilic d'or ; à sa gauche, le Chaos et la Terre, chargée d'arbres et
de plantes. Sur le côté droit du char, voici la Nuit, vêtue de noir et
tenant dans les bras un enfant blanc et un enfant noir, tous les deux
endormis; de l'autre côté se dresse l'Ether resplendissant; de la
main droite, il élève un globe où l'on voit deux ailes de faucon, la
lune et le soleil. Un énorme serpent entoure la grotte de ses replis.
Baldini tient à nous éclaircir le sens de chaque détail, en s'ap-
puyant sur des « autorités ». C'est de Boccace que vient Démogor
gon ; c'est d'ailleurs la Genealogia Deorum de Boccace qui a fourni
à la Mascarade son titre et sa disposition d'ensemble : les dieux y dé
filent par lignées et groupés en familles; l'ordre du cortège reproduit
la succession des chapitres du livre1. La Caverne de l'Éternité a son
modèle chez Claudien, au livre II de Y Éloge de Stilicon2; l'Éternité
elle-même est figurée selon la symbolique égyptienne — voyez plu
tôt, dit Baldini, les Hiéroglyphes d'Horus3, etc..
Voir V. Borghini, Carteggio artistico inedito, publié par A. Lorenzoni, Flo
rence, 1912, p. 67, lettre de Cini, XXXVII, 11 octobre 1567.
1 Boccacio, Genealogia degli Dei libri quindici tradotti da Giuseppe Be-
tussi, Venise, 1553. Cette traduction a été réimprimée plusieurs fois au
xvie siècle. La Genealogia, composée entre 1350 environ et 1367, avait été
imprimée pour la première fois en 1494.
2 De consulatu Stiliconis. Baldini le cite à travers Boccace; et d'ail
leurs, chez Claudien, les personnages de la caverne sont différents.
3 Ori Apollinis Niliaci de sacri notis et sculpturis libri TI, Paris, Ker-
ver, 1551. L'ouvrage d'Horus, dont le manuscrit fut apporté de l'île d'An-
dros à Florence, en 1419, par Cristoforo de'Buondelmonti, a été imprimé
pour la première fois par Aide Manuce, en 1505. LA MASCARADE DES DIEUX A FLORENCE EN 1 565 227
Voilà de singulières références, et toute cette mythologie est assez
suspecte. Passe pour Claudien qui, cependant, n'est rien moins que
classique; mais le soi-disant Horus, en qui la Renaissance a vu un
exégète profond de la théologie égyptienne, n'est qu'un obscur gram
mairien d'Alexandrie1. Et, quant au Démogorgon de Boccace, qui a
si fort intrigué les mythographes et les philologues, nous commenç
ons seulement aujourd'hui à entrevoir sa douteuse origine2. Boc
cace ne l'a pas inventé, comme on l'a cru longtemps; il est né de
deux erreurs, une contamination de textes3 et une faute de copiste —
consacrées par un compilateur du ixe siècle (?), Theodontius. Mais
Theodontius lui-même avait pour source, en la circonstance, le
pseudo-Pronapides, un faussaire byzantin !
On peut se demander pourquoi l'organisateur de la Mascarade,
Mgr Vincenzo Borghini, prieur des Innocents, est allé chercher de
pareils sujets chez de pareils auteurs. Les dieux de Virgile et d'Ovide
ne lui suffisaient-ils donc pas?
La réponse est aisée : Mgr Borghini tient à faire montre d'érudi
tion. Il cherche le rare, l'étrange, le difficile; en

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