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LA MESURE STATISTIQUE ET SES LIMITES :
l’exemple du système scolaire malgache
Marie-Christine DELEIGNE*
Les contours de ce que l’on désigne communément par secteurs
public et privé de l’enseignement dans les pays du “Sud” tendent à se
modifier au fil du temps. Ceci plus particulièrement depuis la décennie
quatre-vingt-dix où le désengagement progressif des États dans le secteur
de l’éducation, la décentralisation de la gestion des systèmes scolaires et
l’incitation à la participation de tous les acteurs dans le champ scolaire
(parents d’élèves, associations, communautés…) convergent vers une
apparente “privatisation” du secteur public, « la notion de service public
tend[ant] d’ailleurs à disparaître, tout comme celle d’instruction
publique » (Lange, 2001 : 7-8).
Pour autant, il ne s’agit pas ici de discuter de l’évolution de ce que
recouvrent ces deux secteurs de l’enseignement mais d’apporter des
éléments de réflexion quant à la mesure statistique de la proportion rela-
tive de chacun d’eux (en nombre d’élèves). Considérons alors le secteur
privé de l’enseignement, selon l’acception courante, comme ce qui n’est
pas du ressort de l’État mais reconnu par les instances étatiques comme
faisant partie du système scolaire national.
Comment évaluer, mesurer, la part relative de chaque secteur de
l’enseignement, privé et public, pour une nation donnée ? Quelles sont les
sources de données disponibles et quelles en sont les limites ? Plus parti-
culièrement, il s’agit de nous ...

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LA MESURE STATISTIQUE ET SES LIMITES :lexemple du système scolaire malgacheMarie-Christine DELEIGNE*Les contours de ce que l’on désigne communément par secteurspublic et privé de l’enseignement dans les pays du “Sud” tendent à semodifier au fil du temps. Ceci plus particulièrement depuis la décenniequatre-vingt-dix où le désengagement progressif des États dans le secteurde l’éducation, la décentralisation de la gestion des systèmes scolaires etl’incitation à la participation de tous les acteurs dans le champ scolaire(parents d’élèves, associations, communautés…) convergent vers uneapparente “privatisation” du secteur public, « la notion de service publictend[ant]d’ailleurs à disparaître, tout comme celle d’instructionpublique»(Lange, 2001 : 7-8).Pour autant, il ne s’agit pas ici de discuter de l’évolution de ce querecouvrent ces deux secteurs de l’enseignement mais d’apporter deséléments de réflexion quant à la mesure statistique de la proportion rela-tive de chacun d’eux (en nombre d’élèves). Considérons alors le secteurprivé de l’enseignement, selon l’acception courante, comme ce qui n’estpas du ressort de l’État mais reconnu par les instances étatiques commefaisant partie du système scolaire national.Comment évaluer, mesurer, la part relative de chaque secteur del’enseignement, privé et public, pour une nation donnée ? Quelles sont lessources de données disponibles et quelles en sont les limites ? Plus parti-culièrement, il s’agit de nous pencher sur les statistiques scolaires produi-tes par les États, à partir desquelles sont calculés les principauxindicateurs des systèmes scolaires et de leurs évolutions. Pour ce faire,nous appuierons principalement notre réflexion sur le cas de Madagascar1,*Sociologue-Démographe, doctorante, Paris V/CEAN/CNRS, Bordeaux.1Lapplication au cas de Madagascar ne résulte pas dune situation particulière dece pays en termes de production de statis’agit pas ici de “pointer du doigt” les services de lastatistique scolaire malgache, mais bien d’attirer l’attention sur une des sources de donnéesla plus couramment utilisée pour évaluer les proportions respectives d’élèves dans lesCahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs, n°3, 2004, pp. 171-193.
271DossierMarie-ChristineDELEIGNEles données de ce pays nous permettant de mener une analyse critique2dela méthodologie à l’origine de leur construction, du sens qu’elles recou-vrent et des enjeux qui conditionnent leur production3.Questions de méthodesLes sources de données disponiblesPlusieurs possibilités s’offrent à qui cherche à quantifier l’impor-tance relative (en nombre d’élèves) de chacun des secteurs, privé etpublic, de l’enseignement.La première possibilité est de recourir aux statistiques de chacun desorganismes, institutions ou ministères ayant une fonction d’enseignementdans le pays considéré. Cette tâche paraît difficilement réalisable et fasti-dieuse du fait de la diversification croissante des acteurs de l’offre scolairede type privé à laquelle on assiste depuis plus d’une décennie en Afrique(Lange, 1999). Elle comporte également le risque de regrouper des infor-mations recueillies selon des méthodologies différentes réduisant les possi-bilités de compilation et de comparaison des données.Les recensements ou les enquêtes par sondage, lorsqu’ils collectentsimultanément les informations relatives à la fréquentation scolaire et ausecteur d’enseignement fréquenté, permettent d’évaluer la part relativedes secteurs public et privé de l’enseignement. Cependant, concernant lesenquêtes par sondage plus particulièrement, de telles opérations decollecte n’ayant généralement pas pour objet d’étude premier la scolari-sation, se pose alors le problème de la représentativité de l’échantillon parrapport au système scolaire et, plus spécifiquement, à chaque secteurd’enseignement. Par ailleurs, force est de constater que, si la fréquentationscolaire est quasi systématiquement recueillie dans les enquêtes nationa-les par sondage ou les recensements, le type d’établissement fréquenté(public, privé) n’est que rarement demandé. À Madagascar par exemple,secteurs publics et privés de l’enseignement. Les remarques qui sont faites ici concernant lesstatistiques scolaires peuvent être appliquées à nombre de pays du “Sud” comme du “Nord”.2Lîle de Madagascar constituant notre terrain dapplication dans le cadre de recher-ches effectuées sur l’offre et la demande d’éducation, nous avons pu recueillir les taux deretour des questionnaires d’enquêtes à partir desquels sont construites les statistiquesscolaires pour l’année 1999-2000. Nous avons également pu confronter certaines desdonnées produites avec celles que nous avons recueillies dans plusieurs écoles lors d’uneenquête de terrain dans une circonscription scolaire du sud de l’île en 1999 et 2000.3Nous tenons à remercier Arsène Ravelo, démographe et responsable du service de lastatistique du Ministère de l’Éducation à Madagascar pour son aide et ses conseils.
La mesure statistique et ses limites : l’exemple du système scolaire malgacheseules les enquêtes EPM4fournissent une indication quant aux propor-tions relatives du secteur privé et du secteur public dans l’enseignement,les autres enquêtes au niveau national5se limitant aux informations rela-tives à la fréquentation scolaire et au niveau d’études des enquêtés.Les statistiques scolaires en revanche, issues des départementsministériels de planification de l’éducation, comportent bien souvent – pourne pas dire la plupart du temps – des données relatives aux secteurs publicet privé de l’enseignement. En théorie exhaustives, les données relatives àces secteurs (nombres d’élèves, d’établissements, de salles de classe,d’enseignants…) sont regroupées en un même annuaire. Produites et diffu-sées de façon régulière ou presque, annuellement en règle générale, selonune méthodologie qui évolue peu au fil du temps, elles permettent la compa-raison et la mise en perspective de l’évolution des indicateurs calculés.De ce fait, c’est à ces statistiques scolaires produites par les Étatsque l’on se réfère pour apprécier et mesurer les proportions relativesd’élèves de l’enseignement privé et public. C’est d’ailleurs à partir de cessources que sont produits les agrégats statistiques au niveau des organis-mes internationaux tel que l’Unesco (rapports mondiaux de l’éducation).C’est aussi sur la base de la lecture et de l’analyse de ces mêmes donnéesque les chercheurs, planificateurs, décideurs et bailleurs de fonds ébau-chent leurs raisonnements et leurs politiques quant à l’importance de telou tel secteur d’enseignement au niveau d’un pays ou d’une région.Les statistiques scolaires “dispensées” de précisions méthodologiques ?L’exploitation de toute statistique nécessite de connaître les condi-tions de leur production. Comme le rappelait à juste titre Richard M. Wolfen direction des planificateurs et décideurs en matière d’éducation concer-nant la lecture et l’utilisation des données de la recherche en éducation,«Les enquêtes nécessitent qu’une attention particulière soit portée à l’am-pleur de la collecte de données et à la conception et à la gestion des procé-dures de collectes (en particulier échantillonnage, instrumentation, travailde terrain, saisie de données et leur préparation) »(Wolf,1993:39). Defait, si les travaux statistiques des chercheurs en éducation nécessitent4Enquêtes prioritaires auprès des ménages réalisées par lInstitut National de laStatistique (INSTAT) en 1993/1994, 1997 et 2000, et portant plus particulièrement sur lesrevenus, les dépenses et la consommation des ménages malgaches.5Recensement Général de la Population et de lHabitat de 1993 ; EnquêtesDémographiques et de Santé de 1992 et 1997 ; Enquêtes MICS (Multiple IndicatorsCluster Survey) de 1995 et 2000.371
471DossierMarie-ChristineDELEIGNEd’être évalués, les productions statistiques des planificateurs de l’éducationne sauraient être dispensées d’une telle évaluation.Toutefois, contrairement à ce qui apparaît comme une conditionnécessaire à toute production et utilisation de statistiques issues de recen-sements ou d’enquêtes, force est de constater que les annuaires statistiquesdes ministères de l’Éducation ne sont que rarement accompagnés d’infor-mations relatives à la méthodologie de collecte employée et aux limitesafférentes aux données publiées. Il en est de même dans les rapportsmondiaux de l’éducation de l’Unesco, où les tableaux statistiques6, s’ilssont assortis de remarques relatives aux problèmes de la comparabilité desdonnées par pays et par régions et des difficultés rencontrées lors de l’éta-blissement de ces statistiques7, ne mentionnent ni ne traitent du problèmede la méthodologie de collecte et de la fiabilité des données présentées(Unesco, 1993, 2000). De même, les études les plus récentes s’appuyantsur les statistiques scolaires à Madagascar ne mentionnent pas le mode decollecte des données utilisées, ne procèdent pas à une analyse des limitesou de la fiabilité de ces données et n’en font pas cas dans leurs résultats,ne serait-ce qu’en préambule, annexe ou note de bas de page (par exemple:Mineseb, 2000 ; Rahantaniaina & Rakotomanana, 1998).Les statistiques scolaires comportent toutefois certaines limites, àl’image de toute production statistique.De la collecte à la production des statistiques scolaires :un long chemin semé d’embûchesÀ Madagascar, comme dans la plupart des pays, les statistiquesscolaires pour le premier et le deuxième cycles de l’enseignement, publicet privé, émanent essentiellement de l’enquête annuelle effectuée par laDirection de la Planification de l’Enseignement (DPE) du Ministère del’Enseignement Secondaire et de l’Éducation de Base (Mineseb). Cetteenquête consiste en l’envoi de fiches/questionnaires8aux directeurs6Dans les annexes statistiques des rapports mondiaux de léducation publiés parl’Unesco, si le tableau n° 10, qui fait référence à la part des effectifs de l’enseignementprivé par rapport à l’ensemble des effectifs scolaires selon le niveau, est assorti deremarques concernant les données, il ne fait pas cas des limites des statistiques scolaires àpartir desquelles il a été construit (Unesco, 1993 : 152-155 ; 2000 : 168-171).7Les problèmes mentionnés renvoient principalement à labsence de données pourcertains pays et à la diversité des classes d’âges concernées selon les systèmes scolaires.8Fiches SIDEL, Système dInformation De lÉtat des Lieux. Les fiches denquêtesutilisées actuellement ont été mises en places en 1990, puis révisées en 1995, suite à l’in-formatisation du système de données. Ces fiches d’enquêtes comprennent, pour chaque
La mesure statistique et ses limites : l’exemple du système scolaire malgached’établissements scolaires, qui sont chargés de les remplir avec pour datede référence le 31 octobre de l’année scolaire en cours. À l’autre bout dela chaîne, les annuaires statistiques, édités annuellement, reproduisent unepartie de ces données sous forme agrégée : nombres d’élèves, de redou-blants, de classes, d’établissements, d’enseignants et autres personnels,distribution des élèves selon leur sexe, les secteurs privé et public étantdistingués.Ces fiches d’enquêtes effectuent un long parcours avant d’être agré-gées par le Mineseb dans ces annuaires. Une fois les questionnaires remplispar les chefs d’établissements, ils sont acheminés aux directions descirconscriptions scolaires (Cisco), viales chefs de zone d’animation péda-gogique (ZAP) pour les établissements publics et privés. Centralisées auniveau des Cisco, les données sont recopiées manuellement, synthétisées,puis transmises aux directions régionales du Ministère de l’Éducation(Direseb). À ce stade, les données sont désormais informatisées et compi-lées en annuaires statistiques régionaux, puis transmises au Ministère oùelles sont agrégées au niveau national, ajustées si besoin est, puis publiées.Au final, les données parviennent au Ministère courant mars, soitplus de quatre mois après la date de référence. La durée de ce parcours tientprincipalement à la multiplicité des intermédiaires, au manque de moyensde locomotion entre les différents points du parcours, à des infrastructuresroutières en mauvais état, d’autant plus que la période de collecte s’effec-tue durant la saison des pluies, rendant certaines zones plus inaccessiblesqu’elles ne le sont déjà le reste de l’année. Cette multiplicité des intermé-diaires dans le parcours des questionnaires et leur difficile acheminementjusqu’aux directions régionales puis au Ministère pose le problème de lafiabilité des données ainsi recueillies. Les questionnaires étant auto-admi-nistrés et certains établissements si enclavés qu’ils ne sont quasimentjamais inspectés, les informations qu’ils contiennent peuvent ne pas reflé-ter la réalité. Les chefs d’établissement remplissent-ils correctement cesquestionnaires ? Les données sont-elles bien retranscrites au niveau de laCisco? La compilation et la confection des annuaires effectuées par lesDireseb n’entraînent-elles pas de nouvelles omissions ou erreurs de saisie?Les questionnaires remplis sont-ils acheminés intégralement jusqu’à laCisco? Enfin, la collecte des données est-elle effectuée en totalité ?Ce dernier point est d’importance car, si les statistiques scolairessont censées être exhaustives, elles s’apparentent parfois d’avantage à uneenquête dont l’échantillon ne serait pas représentatif de l’ensemble, commeétablissement, son numéro d’identification, sa localisation, le type et le nombre d’infras-tructures, le nombre de classes, d’enseignants, d’élèves et quelques informations relativesà la contribution financière des parents.571
716DossierMarie-ChristineDELEIGNELéon Gani l’a montré dans le cas d’Haïti. Les ajustements des donnéesétant réalisés sur la base du répertoire national9, les chiffres ne renvoientqu’une image partielle, tronquée et biaisée de la réalité : « il s’ensuit lasurestimation du nombre des élèves inscrits et la large sous-estimation desredoublements et des abandons particulièrement fréquents dans les écolesrurales»(Gani, 1993 : 206). Ainsi, les données statistiques peuvent-ellesne pas rendre compte de la répartition réelle des élèves selon le secteurd’enseignement, public ou privé.Les limites du sens des statistiques scolaires10Si la méthodologie déployée pour recueillir les statistiques scolairesest source d’erreurs et/ou d’omissions, le sens de ces données pour évaluerles proportions relatives des élèves de l’enseignement privé et de l’ensei-gnement public comporte également des limites.Inscription et fréquentation scolaireLes statistiques scolaires rendent compte du nombre d’individusinscrits dans un établissement scolaire en début d’année et non de lafréquentation scolaire. En outre, recueillies en principe en début d’annéescolaire, elles ne peuvent tenir compte des abandons ou des changementsd’établissements en cours d’année.Si les statistiques scolaires relatives aux nombres d’enfants inscritsdans les établissements apparaissent beaucoup plus fiables qu’elles nel’étaient par le passé11, elles conservent toutefois une part d’opacité quantà la fréquentation scolaire réelle.9Si, dans la plupart des cas, les services de statistique scolaire procèdent à un ajuste-ment des données, dans d’autres pays comme au Lesotho, par exemple, des agents dudépartement de la planification parcourent le pays en juillet-août pour collecter les donnéesmanquantes auprès des écoles concernées (Mturi, 2001).10Si les statistiques scolaires sont dune faible portée analytique pour létude de lascolarisation et de ses facteurs (Pilon, 1993), nous n’abordons ici que le sens restreint quel’on peut leur attribuer dans le cadre d’une estimation du poids relatif d’élèves dans chacundes secteurs de l’enseignement, public et privé.11Si on remonte à la période précoloniale à Madagascar par exemple, la compétitionconfessionnelle entre protestants et catholiques dans la course au nombre de fidèles etd’élèves a donné lieu à la production de statistiques significativement biaisées, l’inscrip-tion des élèves sur les listes des écoles confessionnelles ne correspondant pas à l’assiduitéréelle des enfants. Qui plus est, l’inscription dans un établissement scolaire permettantd’échapper à l’enrôlement militaire, inscrire son enfant à l’école relevait davantage d’une
La mesure statistique et ses limites : l’exemple du système scolaire malgacheCes remarques n’empêchent cependant pas l’exploitation de cesdonnées pour évaluer les proportions relatives d’élèves dans l’enseigne-ment public et privé pour un pays donné ; elles supposent toutefois deposer, en préalable à l’analyse, l’hypothèse que les différences entre lenombre d’inscrits et la fréquentation réelle sont équivalentes d’un secteurde l’enseignement à l’autre. Autrement dit, les abandons scolaires encours d’année seraient de même importance dans le secteur privé et dansle secteur public. On peut cependant avancer qu’ils sont d’autant plusfaibles que les coûts d’écolage sont élevés, et plus particulièrement endébut d’année. Or, les frais de scolarisation étant plus élevés dans lesecteur privé que dans le secteur public12, les abandons en cours d’annéesont très certainement moins fréquents dans le premier de ces deuxsecteurs13. Si l’on accepte cette hypothèse, l’analyse des données parsecteur d’enseignement apparaît alors biaisée.Le caractère diversifié de la catégorie “enseignement privé”Les annuaires statistiques issus des directions de la planification del’éducation contiennent des données relatives aux secteurs privé et publicde l’enseignement, mais la distinction entre les différentes écoles de typeprivé n’est que rarement effectuée : on ignore si l’enseignement est confes-sionnel ou non, et plus encore l’obédience religieuse des établissements.Les statistiques scolaires publiées apparaissent donc là encore limitées euégard à la diversité des organismes privés délivrant un enseignementreconnu par l’État14.À notre connaissance et pour les années récentes, seuls les enquêtesEPM et un rapport de la Banque Mondiale publié en 2001 (dont les donnéesstratégie d’évitement et n’induisait pas une véritable fréquentation de l’école (Raison-Jourde, 1991).12Les frais dinscription dans un établissement public primaire à Madagascar, minimesjusqu’àlors, ont été supprimés à la rentrée scolaire 2002-2003.13Cette supposition mériterait cependant dêtre affinée compte tenu de la variabilité ducoût des écolages dans le secteur privé, un secteur très hétérogène14Les principales organisations ou institutions privées qui délivrent actuellement unenseignement reconnu par l’État sont la Direction Nationale des Écoles Catholiques(DINEC), la Direction Nationale des Écoles des Églises de Jésus-Christ à Madagascar(FJKM), la Direction Nationale des Écoles des Églises Luthériennes de Madagascar(FLM), la Direction des Écoles des Adventistes, la Direction Nationale des ÉcolesAnglicanes, l’Église de Réveil de Madagascar (FFSM), la Délégation Nationale del’Enseignement Libre de Madagascar (DNELM) et la Direction Nationale des ÉcolesPrivées de Madagascar (DNEPM)..771
718DossierMarie-ChristineDELEIGNErelatives au secteur privé ont été en grande partie obtenues auprès desreprésentants des différentes institutions scolaires de ce type) font état dedonnées plus détaillées concernant ce secteur15.Au-delà des questions méthodologiques et du sens que l’on peutattribuer aux statistiques scolaires, la qualité et la régularité de leurproduction sont également liées aux enjeux qu’elles représentent.Les enjeux liés au nombre d’élèves et à la statistique scolaireSi les objectifs premiers affichés par les directions de planification del’éducation dans l’élaboration d’annuaires statistiques scolaires consistentprincipalement dans la meilleure gestion du système et dans la prévision desbesoins à venir en matière d’éducation, des enjeux politiques et financiers àtous les niveaux de la chaîne du système de collecte sont contenus dans laproduction de ces statistiques, de sorte qu’ils peuvent significativementinfluer sur la qualité, la fiabilité et la régularité des données publiées.Effectifs d’élèves, progrès de l’école et allocation budgétaireL’attribution de crédits ou d’allocations aux établissements par leMinistère est bien souvent proportionnelle aux effectifs scolaires, notam-ment dans le cas des écoles privées subventionnées par l’État ou “souscontrat”. De ce fait, on peut émettre quelques interrogations quant au bonremplissage des fiches d’enquête : par exemple, les données qui y figurentreflètent-elles la réalité ? Comme le soulignait déjà Alain Morice en 1977,la population scolarisée dans certains établissements n’a t-elle pas été sures-timée afin d’obtenir des crédits plus importants ? (Morice, 1977 : 46).Par ailleurs, certains bailleurs de fonds, OING ou ONG, dans leursactions visant à augmenter la scolarisation par l’amélioration de l’offreéducative (tant de façon quantitative que qualitative), ont tendance à15Ainsi, daprès lenquête EPM de 1993-1994, les proportions délèves scolarisés dansle privé s’élevaient à 23 % au niveau primaire (20 % dans un établissement de type confes-sionnel et 3 % de type non confessionnel), et à 42 % au niveau secondaire, premier etsecond cycles confondus (29 % dans un établissement confessionnel et 13 % dans unétablissement non confessionnel) (INSTAT, 1996 : 15-16). L’enseignement confessionnelapparaît par ailleurs majoritairement d’obédience religieuse catholique (les deux tiers desétablissements privés primaires sont de confession catholique, la moitié dans le secondairepremier cycle et le tiers dans le secondaire second cycle) (Banque Mondiale, 2001 : 13).Les rapports des enquêtes ultérieures (1997 et 2000) ne distinguent pas les niveauxprimaire, secondaire et supérieur mais donnent la part des effectifs scolaires dans le secteurprivé pour l’ensemble de la population scolaire.
La mesure statistique et ses limites : l’exemple du système scolaire malgacheprivilégier dans leurs programmes les circonscriptions scolaires ou lesécoles les moins bien loties, les régions où les progrès en termes de scola-risation apparaissent les plus faibles… De la même manière, la poursuitede ces actions peut dépendre des progrès de l’école ciblée en termes defréquentation scolaire, de redoublements et/ou d’abandons scolaires. Cetenjeu financier et/ou matériel peut être à la source de “manipulations”statistiques visant à répondre favorablement aux critères de sélection desécoles et permettant la continuité des projets engagés.Prenons à titre d’exemple une école primaire publique d’une circons-cription scolaire du sud de l’île (circonscription ciblée par l’Unicef dans lecadre de son plan d’action pour le renforcement de la scolarisation dans leprimaire16) dans laquelle nous avons enquêté. Le taux d’accroissemententre1997-1998 et 1998-1999 de l’effectif d’élèves de cette école varie de15 % à 48 % selon qu’il s’agit des données du registre des élèves del’école ou des statistiques scolaires inscrites à la direction de la Cisco17, letaux d’accroissement le plus fort – donc le plus avantageux par rapportaux objectifs fixés dans le cadre du programme de coopération avecl’Unicef –, étant celui qui ressort des données recueillies auprès de laCisco. Il semble donc bien ici que les chiffres “officiels” relatifs aunombre d’élèves dans cette école aient été “arrangés”, laissant apparaîtreune progression de la scolarisation beaucoup plus forte qu’elle ne l’a étéen réalité. Cet exemple, s’il ne peut être généralisé à l’ensemble des écolesde l’île, n’est pourtant pas isolé, la confrontation des registres des écoleset des statistiques scolaires de la Cisco nous ayant fourni sensiblement lemême résultat dans d’autres cas.Politique scolaire et reconnaissance“officielle”des établissements scolairesProduites par les États, les statistiques scolaires sont le reflet despolitiques éducatives nationales. Les données scolaires relatives au secteurprivé de l’enseignement renvoient en partie à la politique adoptée vis-à-vis16Lequel prévoit des dotations aux écoles en matériels, fournitures et mobiliers sco-laires, ainsi que des formations pour les enseignants des écoles participant au programme.Les dotations dépendaient en particulier de l’adhésion des communautés au programme“Dina-Sekoly” (contrat/partenariat établi entre les communautés, les bailleurs et l’État àpropos de l’école) et des progrès réalisés en matière d’augmentation des effectifs d’élèves(Deleigne, 2001 : 133-153).17On comptait par exemple 144 élèves inscrits au début de lannée 1997-1998 daprèsles données du registre des élèves, contre seulement 115 élèves inscrits d’après les statis-tiques scolaires recueillies auprès de la direction de la circonscription scolaire pour la mêmeannée, soit un cinquième des élèves réellement inscrits non reportés dans les statistiques.197
108DossierMarie-ChristineDELEIGNEde l’enseignement privé et à la plus ou moins grande volonté de l’État d’in-tégrer ce secteur dans la politique nationale d’éducation. La mesure dusecteur privé de l’enseignement est ainsi soumise aux enjeux liés à la ques-tion scolaire, à partir desquels se confrontent l’État et les autres institutionsd’enseignement.Dans le cas de Madagascar, le fort développement de la scolarisa-tion avant la période coloniale (1896-1960), impulsé par les missionsprotestantes, puis catholiques, a rapidement représenté un obstacle à lareconnaissance de la puissance coloniale française ; l’implantation del’école laïque en langue française devenant alors un des objectifs et desmoyens de la domination coloniale. Dans cette course à la scolarisation età la limitation de l’influence des établissements scolaires confessionnels,d’origine anglo-saxonne qui plus est, la statistique scolaire a été manipuléepar les autorités coloniales. La thèse de l’historien Chapus sur l’enseigne-ment à Madagascar et les travaux d’Allier (Chapus, 1930 ; Allier, 1904,cités par Koerner, 1999: 155-156) mettent ainsi en évidence la falsifica-tion des statistiques de l’enseignement à la fin de la gouvernance duGénéral Galliéni (1896-1905), tant dans les effectifs d’élèves des diffé-rents secteurs d’enseignement, que dans le nombre d’écoles ou demaîtres18, «tout cela pour faire croire à une avance foudroyante de l’en-seignement public, capable prochainement de rivaliser avec l’instructiondes missions»(Koerner, 1999 : 156).Si la production et la diffusion de statistiques scolaires dépendentde la volonté de l’institution qui en a la charge de faire état des établisse-ments du secteur de l’enseignement avec qui elle se trouve en “concur-rence”, à l’opposé la production de statistiques scolaires surl’enseignement privé peut aussi révéler l’attitude des institutions ou orga-nismes œuvrant dans ce domaine à l’égard de l’État lui-même. Durant lapériode de la révolution socialiste à Madagascar par exemple, de 1972-1975à 1987-1988, la politique éducative s’est orientée vers la démocratisation del’enseignement, cherchant à développer l’accès à l’école publique gratuiteet, par là, à limiter l’importance du secteur privé dans la formation « desmilitants de la construction du socialisme »(Ratsiraka, 1975 : 78). Cettepériode est caractérisée par une production des statistiques scolaires très18Confrontant les données publiées par le Général Galliéni dans son ouvrage Neuf ansà Madagascar, paru en 1908, aux calculs des services de l’enseignement, aux budgets dela Colonie et aux diverses sources statistiques des missions, Chapus démontre la suresti-mation des effectifs d’élèves et du nombre de maîtres relevant de l’enseignement public(ou officiel) et, à l’inverse, la sous-estimation des élèves de l’enseignement privé. Les tra-vaux de Raoul Allier portent quant à eux principalement sur les données relatives à la mis-sion protestante française (MPF) largement sous-estimées dans les statistiques officielles.
La mesure statistique et ses limites : l’exemple du système scolaire malgacheirrégulière, plus encore concernant le secteur privé de l’enseignement : ilexiste bien quelques données statistiques pour le secteur public pour cettepériode (non publiées par le ministère mais recueillies lors de missionsd’évaluation du système éducatif, telle celle de l’Unesco en 1985), maistrès peu pour le secteur privé, en particulier pour le secondaire, niveaupour lequel aucune statistique n’était disponible de 1976 à 1987-198819.Au-delà de la faiblesse des moyens techniques et financiers accordés auxopérations statistiques durant cette période, l’absence de données relativesau secteur privé peut, selon nous, tout autant résulter d’une volonté del’État de ne pas faire mention de ce secteur d’enseignement, que d’une“résistance” des institutions privées à fournir leurs propres statistiques auministère de l’Éducation nationale.La mesure du nombre d’élèves selon le secteur d’enseignement estainsi soumise à une double contrainte : non seulement la volonté de l’Étatde reconnaître l’enseignement privé, de lui accorder une place dans lesystème scolaire et de diffuser les chiffres de son importance relative parrapport au secteur public, mais également la volonté du secteur privé defournir des renseignements le concernant à l’organe étatique chargé derecueillir et de centraliser ces mêmes données. Ces deux contraintes sontd’autant plus fortes que les secteurs privé et public de l’enseignement sepositionnent en concurrents et non en partenaires dans l’éducation et laformation de la population.Bailleurs de fonds et amélioration de l’appareil statistique nationalLa qualité et la régularité des statistiques scolaires souffrent égale-ment beaucoup du contexte économique et des crises sociopolitiques queconnaissent les États. Comme le soulignent Ravelosoa et Roubaud à proposdes données macro-économiques à Madagascar, « (…)les chiffres officielssont largement sujets à caution compte tenu de la dégradation constante del’appareil statistique national.À l’instar de plusieurs pays d’Afrique sub-saharienne, la crise économique s’est traduite par une chute prononcée desressources publiques, engendrant la déchéance des instituts de statistiquesqui n’ont jamais été considérés comme prioritaires» (Ravelosoa &Roubaud, 1996 : 11). Les statistiques scolaires, comme l’ensemble desdonnées statistiques dans le pays, ont connu une période creuse, dans lesannées soixante-quinze, comme en témoignent plusieurs démographes ouanalystes du secteur scolaire (Andrianarivelo & Randretsa, 1985 : 47).19« En ce qui concerne l’enseignement secondaire (…) les seuls renseignements obtenus se réfè-rent au nombre d’écoles et à la capacité d’accueil maximale déclarée par ces écoles dans leurdemande de subvention au MINESEB »(Unesco, 1986, volume II, appendice I : 1).181
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