La mort de Charles le Chauve - article ; n°31 ; vol.15, pg 53-66
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Médiévales - Année 1996 - Volume 15 - Numéro 31 - Pages 53-66
The death of Charles the Bald - Charles the Bald died at 54 in 877. Charles' interest in the representation of royalty extended to the careful planning of his own burial and commemoration at St. Denis. In the event, Charles died in a remote spot in the French Alps. Contemporary chroniclers described the premature putrescence and unbearable stench of Charles' corpse. After a botched embalming, his followers, intent on carrying the body to St. Denis, had to bury it instead at Nantua. The Annals of St. Bertin 's wording echoed II Maccabees ix, where the rotting body of the still-living Antiochus Epiphanes signalled the tyrant's fate. Thus Hincmar, author of the Annals and longtime royal counsellor, intimated his own criticism of Charles. Yet Hincmar also described Charles' death-bed transmission of the royal insignia to his heir. Charles' own body rotted : the body of the realm lived on.
Charles le Chauve mourut en 877 à 54 ans. Son souci de donner une image favorable de la royauté l'amena à prendre ses dispositions pour ses propres funérailles et les commémorations à Saint-Denis. Mais il mourut dans les Alpes françaises. Des chroniqueurs contemporains ont décrit l'état de putrescence prématurée et l'odeur insupportable de son cadavre. Après un embaumement manqué, les hommes de Charles, résolus à porter son corps jusqu'à Saint-Denis, furent forcés de l'enterrer à Nantua. Le texte des Annales de Saint-Bertin fait écho aux Macchabées II ix, où le corps pourrissant à vif d' Antiochos Épiphane désigne le sort réservé au tyran. C'est ainsi qu'Hincmar, auteur des Annales et conseiller royal, exprime sa condamnation de la conduite de Charles. Mais Hincmar décrit aussi comment Charles sur son lit de mort transmit les insignes royaux à l'héritier. Le corps de Charles pourrissait : le royaume continuait de vivre.
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 34
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Janet L. Nelson
La mort de Charles le Chauve
In: Médiévales, N°31, 1996. pp. 53-66.
Abstract
The death of Charles the Bald - Charles the Bald died at 54 in 877. Charles' interest in the representation of royalty extended to
the careful planning of his own burial and commemoration at St. Denis. In the event, Charles died in a remote spot in the French
Alps. Contemporary chroniclers described the premature putrescence and unbearable stench of Charles' corpse. After a botched
embalming, his followers, intent on carrying the body to St. Denis, had to bury it instead at Nantua. The Annals of St. Bertin 's
wording echoed II Maccabees ix, where the rotting body of the still-living Antiochus Epiphanes signalled the tyrant's fate. Thus
Hincmar, author of the Annals and longtime royal counsellor, intimated his own criticism of Charles. Yet Hincmar also described
Charles' death-bed transmission of the royal insignia to his heir. Charles' own body rotted : the body of the realm lived on.
Résumé
Charles le Chauve mourut en 877 à 54 ans. Son souci de donner une image favorable de la royauté l'amena à prendre ses
dispositions pour ses propres funérailles et les commémorations à Saint-Denis. Mais il mourut dans les Alpes françaises. Des
chroniqueurs contemporains ont décrit l'état de putrescence prématurée et l'odeur insupportable de son cadavre. Après un
embaumement manqué, les hommes de Charles, résolus à porter son corps jusqu'à Saint-Denis, furent forcés de l'enterrer à
Nantua. Le texte des Annales de Saint-Bertin fait écho aux Macchabées II ix, où le corps pourrissant à vif d' Antiochos Épiphane
désigne le sort réservé au tyran. C'est ainsi qu'Hincmar, auteur des Annales et conseiller royal, exprime sa condamnation de la
conduite de Charles. Mais Hincmar décrit aussi comment Charles sur son lit de mort transmit les insignes royaux à l'héritier. Le
corps de Charles pourrissait : le royaume continuait de vivre.
Citer ce document / Cite this document :
L. Nelson Janet. La mort de Charles le Chauve. In: Médiévales, N°31, 1996. pp. 53-66.
doi : 10.3406/medi.1996.1367
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/medi_0751-2708_1996_num_15_31_1367Médiévales 31, automne 1996, pp. 53-66
Janet L. NELSON
LA MORT DE CHARLES LE CHAUVE
Démographie et pathologie
D'après les archéologues, l'espérance de vie au Moyen Âge était très
courte, se situant autour de 28 ans pour les hommes. Pour la royauté et
l'aristocratie, cependant, la durée de vie semble avoir été notablement plus
longue1. Charles le Chauve mourut à l'âge de 54 ans et les sources concer
nant les trois précédentes générations de Carolingiens montrent que Charles
avait effectivement toutes les chances d'atteindre ce que nous appellerions
l'âge mûr2. Pépin le Bref vécut (probablement) jusqu'à 54 ans. Charlemagne
(probablement) jusqu'à 66, mais son frère Carloman jusqu'à 20 seulement.
Pour la génération suivante, les fils de Charlemagne vécurent jusqu'à
42 ans (Pépin le Bossu), 38 ans (Charles), 33 ans (Pépin d'Italie) et 62 ans
(Louis) ; ceux qui avaient embrassé la vie religieuse jusqu'à 54 ans (Dro-
gon), plus de 40 ans (Hugues et Richbod). Un seul fils de Charlemagne
(Lothaire) est mort en bas âge et la date de décès d'un autre (Thierry) n'est
pas connue. La moyenne est de 44 ans. De toute cette descendance mâle,
seulement deux fils périrent de mort violente.
Pour la génération des petits enfants de Charlemagne, les chiffres sont
de 20 ans (Bernard), 44 ans (Nithard), plus de 47 ans (Arnulf), 60 ans (Pépin),
70 ans (Louis le Germanique), 67 ans (Louis, seul religieux), 54 ans (Charl
es). La moyenne est de 50 ans. De cette génération aussi, deux périrent de
mort violente.
Mais la descendance mâle de Charles le Chauve présente un tableau
tout autre : ses fils sont morts respectivement à 33 ans (Louis), 19 ans (Charl
es), 27 ans (Carloman), 14 ans (Lothaire), 10 ans pour les deux jumeaux
(Drogon et Pépin) et moins d'un an pour deux autres enfants. La moyenne
est de 14 ans. On peut dire que deux sont morts à la suite de violences. De
ses huit fils, un seul survécut à Charles. L'espérance de vie des mâles caro-
1. À comparer avec les chiffres de G. Duby, Guerriers et Paysans, vur-xr siècles. Premier
essor de l'économie européenne, Paris, 1973 ; K. Leyser, Rule and Conflict in an Early Medieval
Society : Ottonian Saxony, Londres, 1979, p. 49-62, 92-95 ; H.W. Goetz, Leben im Mittelaîter, Darmst
adt, 1987, p. 28.
2. Pour les chiffres suivants, voir les données de K.F. Werner, « Die Nachkommen Karls des
Grossen », dans W. Braunfels dir., Karl der Grosse. Lebenswerk und Nachleben, t. 4, Diisseldorf,
1965, p. 442 sq. avec tableau généalogique, et Id., Structures politiques du monde franc (vr-xir siècles),
Londres, 1979, chap. VIL 54 J. L. NELSON
lingiens était donc très incertaine, davantage réduite par les maladies que
par les hasards militaires.
Le rythme de vie d'un roi médiéval était épuisant. En été, quand l'acti
vité militaire était intense, il fallait beaucoup voyager, le plus souvent à
cheval, entre des étapes qui étaient souvent de courte durée. Les conditions
de vie étaient Spartiates. Les meilleures techniques de menuiserie ne proté
geaient pas contre les courants d'air3. Il y avait certes des médecins, mais
leur savoir n'offrait que peu de remèdes efficaces contre la maladie. Pour
des raisons politiques, militaires et aussi religieuses, les rois carolingiens
étaient souvent obligés d'aller en Italie. Les contemporains savaient que
pour les Européens du nord les séjours prolongés en Italie présentaient des
risques, surtout en été. C'est sans doute en raison de telles inquiétudes que
les primores de Pépin le Bref se montrèrent si peu disposés à l'accompagner
quand il partit en Italie en 756 4. Si Charlemagne a choisi de commencer sa
campagne lombarde en hiver malgré le difficile passage des Alpes, c'est
peut-être qu'il craignait de voir se prolonger le siège de Pavie et redoutait
les conséquences d'un long séjour estival. En 836-837, après que Lothaire
eut été contraint de quitter l'Italie par son père, une épidémie fit périr tant
de nobles francs que la cour de Louis le Pieux fut plongée dans le deuil5.
Lothaire II mourut en Italie d'une épidémie semblable avec un grand nombre
de ses hommes en juillet- août 869 ; « il voyait les cadavres de ses hommes
s'entasser par centaines »A.
Charles le Chauve ne pouvait pas ignorer le danger lorsqu'il s'apprêta
à son tour à partir pour l'Italie à la fin de 875, bien que ce fût l'hiver (dès
le mois de mars 876 il était reparti pour la Francia). On sait qu'il a souffert
de maladie grave à quatre reprises dans sa vie : la première en été 858, la
deuxième en automne 874, et la troisième et quatrième respectivement en
juillet-août et en décembre 876. Il est possible qu'il ait contracté la malaria
pendant son séjour italien de 875-876 ; en revanche on ignore tout de sa
maladie de 874 7. 11 avait deux médecins dans son entourage ; le premier,
Jean l'Irlandais, est signalé dans les textes du début de son règne ; le second,
un Juif nommé Zédéchias, n'apparaît que vers la fin8. Il est intéressant de
noter que Charles, au début des années 850, attribuait sa guérison d'un mal
de dent aigu à l'intervention divine plutôt qu'à la médecine9.
3. Pour l'ébénisterie du ix' siècle, voir M. Maccarone et al dir., « La Cattedra lignea di S.
Pietro in Vaticano », Atti délia Pontificia Accademia Romana di Archeologia, ser. III, Memorie X,
Cité du Vatican, 1971, surtout les articles de N. Gabrielu, E. Corona et E. Holstein ; P. Rahtz, The
Saxon and Medieval Palaces at Cheddar, Oxford, 1979, (British Archaeological Reports, British Series
65), p. 99-107, 374.
4. Eginhard, Vita Karoli, ch. 6, O. Holder-Egger éd., MGH SS Rer. Germ., Hanovre, 1911,
p. 8.
5. L'Astronome, Vita Hludovici Pii, ch. 56, G. Pertz éd., MGH SS II, Berlin, 1829, p. 624.
6. Annales Bertiniani, F. Grat et al. éd, Paris, 1965 (désormais abrégé en AB), p. 156.
7. Heiric D'Auxerre, De Miraculis sancti Germani Autissiodorensis libri II, PL 124 ; AB,
p. 196-197,206,211.
8. G. Tessier éd., Recueil des Actes de Charles II le Chauve, t.l, Paris, 1944, n°75, p. 213

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