La parole de l autre - article ; n°9 ; vol.4, pg 19-34
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Description

Médiévales - Année 1985 - Volume 4 - Numéro 9 - Pages 19-34
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1985
Nombre de lectures 13
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Yvonne Regis-Cazal
La parole de l'autre
In: Médiévales, N°9, 1985. pp. 19-34.
Citer ce document / Cite this document :
Regis-Cazal Yvonne. La parole de l'autre. In: Médiévales, N°9, 1985. pp. 19-34.
doi : 10.3406/medi.1985.1000
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/medi_0751-2708_1985_num_4_9_1000YVONNE REGIS-CAZAL
LA PAROLE DE L'AUTRE
Jusqu'à ce que vacillent les droits
de la langue paternelle...
R.B.
Depuis le IX* siècle et la Réforme carolingienne (1), l'Eglise doit
faire face à une situation de clivage linguistique. Le peuple chrétien,
dans la mesure où est avérée l'irréductibilité de la langue vulgaire au
latin, apparaît divisé désormais entre Htterati — ceux qui maîtrisent
le latin langue savante, langue d'Eglise — et ceux qui ne le comprennent
plus, les illitterati. S'imposent, alors, d'autant plus, la nécessité et l'u
rgence de la pastorale. Entre le culte d'une Parole révélée dans la forme
même qui l'a transmise, dans son mystère qui en confirme la sacralité
et ce devoir évangélique vers ses destinataires les plus urgents, une
distorsion s'instaure.
Sur le mode du compromis, dans un but d'efficacité, plusieurs solu
tions furent adoptées : la prédication en langue romane (2), la glose
et le commentaire — voire la traduction pure et simple — sont autant
de moyens de redoubler un texte latin devenu incompréhensible. Dans
cette entreprise la langue vulgaire demeure utilitaire, dépendante formel
lement du latin vis-à-vis duquel elle entretient un rapport de redon
dance. Il s'agit de suppléer à l'opacité du latin pour les profanes par la
multiplication des canaux d'expression. De ce point de vue, la dramati
sation de la liturgie, de l'Ecriture sainte occupe une place exemplaire.
De façon analogue au catéchisme par l'image, pour enseigner et émouv
oir, l'Eglise joint le geste à la parole. Le drame, genre essentiellement
(1) On considère traditionnellement que les recommandations du concile
de Tours de 813 marquent l'étape finale de la prise de conscience de l'oppo
sition entre latin et langues (s) vernaculaires (s). Nous en rappelons le texte
célèbre : «Et ut easdem homiïias puisque aperte transferre studeat in rusti-
catn Rontanam linguam aut Thiosticam, quo facilius cuncti possint intelligere
quae dicuntur. »
(2) M. ZINK, La prédication en langue roman» avant 1300, Paris, 1976. surimpose au texte, la mimique, la voix. Il y avait dans polyphonique,
cette convergence place pour cette voix particulière, immédiate et
efficace, celle de la langue populaire. Le bilinguisme s'introduit dans
le drame liturgique.
Pour certains, la langue romane apparaît — comme dans les autres
productions littéraires forgées en milieu ecclésiastique — asservie au
latin, dépendante sous forme de glose. Toutefois, l'ensemble de ces
drames ne peut se réduire à une simple entreprise de vulgarisation.
Tout au contraire, le mélange des langues obéit à une volonté esthé
tique particulière. L'irruption de la langue vulgaire introduit une autre
parole, celle de l'effusion lyrique qui contredit et complète le texte
narratif latin. Par là-même, le bilinguisme renoue avec des fins pédagog
iques. En effet, ces interventions suscitent un mode de participation
de l'auditoire radicalement autre, non plus intellectuel mais émotionnel
et — semble-t-il — voulu tel. La langue profane, lyrique, hétérogène au
discours dramatique, en dessine les limites, récupère et met en scène ce
qu'il exclue : l'expression littéraire et profane de la douleur personn
elle. Ce faisant, la langue vulgaire permet une identification, une
participation sur le mode de la reconnaissance. Inséré dans le drame,
le refrain roman en signale sous la forme de la citation littéraire
profane, l'extérieur. Mais cet extérieur, il le ramène dans le drame sous
la forme d'une image de la littérature profane. Ce que le bilinguisme
des drames donne à voir, c'est moins la conscience douloureuse d'un
clivage que la maîtrise réussie mais peut-être sans avenir de deux
traditions, latine, narrative et sacrée d'une part, profane, lyrique et
romane d'autre part.
L'usage de la langue vulgaire
Les drames liturgiques sont les héritiers de ces amplifications ver
bales d'un passage de l'Ecriture que l'on nomme des tropes (3). Ils
apparaissent au IV* siècle, s'épanouissent sous la Réforme carolingienne.
Sous forme d'introduction, d'interpolation ou de conclusion, ils se
greffent sur le rituel liturgique existant, en utilisent la théâtralité. Des
rites uniquement gestuels comme la Depositio, déposition du corps
du Christ et l'Elevatio, le dimanche de Pâques sont complétés par
(3) Sur l'origine des drames liturgiques se reporter à l'article de
H.F. MULLER, « Prehistory of the medieval drama : the antecedents of the
Tropes and the conditions of their apparition», in Z.R.Ph., XLIV, p. 544-75,
1975T
(4) Tous ces textes sont recensés par K. YOUNG, The drama of . the
medieval church, tome 1 pour les origines, tome 2 pour le texte des drames. la Visitatio sepulchri où est amplifié, dramatisé, le dialogue de
l'Evangile entre les femmes et l'ange du tombeau, entre Madeleine et
le Christ (4). La constitution du corpus dramatique, très bien représenté
à partir du XI* siècle, se fait donc sur le mode de l'interpolation. La
transition est aisée entre la dramatisation d'un passage narratif et la
farciture d'un texte latin, lui aussi préexistant, à l'aide de gloses
romanes. C'est ainsi qu'à partir du XI* siècle, à côté des drames
latins, apparaissent les drames bilingues. Ils sont peu nombreux. Le
plus ancien est un remaniement bilingue d'une dramatisation de la
parabole des Vierges sages et des Vierges folles, le Sponsus. Il date
du XI* siècle. Ensuite, au XII* siècle, on trouve une farciture romane
des répons de la Septuagésime, suivie d'une dramatisation sous forme
de glose du sermon attribué à Augustin : « Vos, inquam, convenio, o
Judaei... », plus connu sous le nom de Procession des prophètes, l'e
nsemble porte le titre de Ordo repraesentationis Adae ou Jeu d'Adam.
Proches de ce dernier par bien des aspects, viennent ensuite un frag
ment de jeu, La sainte Résurrection ainsi qu'une Visitatio sepulchri
provenant du monastère féminin d'Origny-Sainte-Benoîte. Deux drames
bilingues, une Résurrection de Lazare et un Miracle de saint Nicolas
dont l'auteur nous est connu sous le nom d'Hilaire, complètent l'e
nsemble (5). Six drames, donc, qui utilisent diversement le mélange des
langues. Un corpus malgré tout dont le petit nombre interroge.
De ce groupe de textes, les historiens du théâtre n'ont souvent
examiné que le plus célèbre, le Jeu d'Adam, en ont étendu les caracté
ristiques aux autres œuvres bilingues en ce qui concerne plus particu
lièrement le rôle et la fonction de la langue vulgaire. Or, dans ce
drame, la langue profane est à la fois complètement subordonnée aux
répons latins qui précèdent chacune de ses interventions et totalement
émancipée aussi dans la mesure où elle assure, seule, le discours dramat
ique. Le jeu est une dramatisation du Liber responsalis de Grégoire
le Grand, plus précisément de la liturgie du dimanche de la Septuagés
ime. De ce texte latin sont extraits sept répons dont six apparaissent
dans la première partie du drame — Adam et Eve au Paradis puis
chassés — tandis qu'un seul concerne le meurtre d'Abel. Ces répons
entretiennent un rapport autoritaire avec le texte roman. En effet,
rien n'est dit par la langue vulgaire qui ne l'ait été par le chœur, en
latin. Considérons les premières répliques du Jeu entre Adam et Dieu,
elles traduisent le texte liturgique qui les encadre :
(5) L.P. THOMAS, Le Sponsus, Paris, 1951.
Textes P. littéraires AEBISCHER, français, Le Genève, mystère 1964. d'Adam {Ordo repraesentacionis Ade\
J.G. WRIGHT, La résurrection du Sauveur, C.F.M.A., Paris, 1974.
JJ. CHAMPOLLION-FIGEAC, Hilarii versus et ludi, 1838. 22
Formavit igitur Dominus hominem de limo terrae et inspiravit in
faciem ejus spiraculum vitae et factus est homo in animam
viventem » (6). Quo finito dicat :
Figura : Adam!
Adam : Sire!
Figura: Fourme te ai
De limo terre.
Bien le sait Adam:
De même à la fin de la scè

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