La philosophie de la matière de Galilée à Newton - article ; n°341 ; vol.92, pg 67-82
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Description

Revue d'histoire de la pharmacie - Année 2004 - Volume 92 - Numéro 341 - Pages 67-82
Nous étudions ici les conceptions de la matière que se sont faites les savants au XVIIe siècle jusqu'à Newton qui devait bouleverser et régir notre vision des rapports des corps entre eux pendant deux siècles. La notion de matière depuis Aristote est restée très philosophique mais s'est modifiée profondément au XVIIe siècle. Le questionnement, légitime mais parfois stérile, sur l'essence des corps ou de la matière devait s'accompagner progressivement d'une étude plus concrète et plus pragmatique des corps réels. Descartes restait très métaphysicien alors que Bacon vantait le pragmatisme. Gassendi promouvait les concepts d'atomes et de molécules. Mais sa notion d'atome restait philosophique et les empiristes anglais, Bacon, Boyle et Newton développaient une philosophie corpusculaire sans vrais atomes insécables. Boyle appellera « éléments » les molécules de Gassendi. Avec Newton la notion de force prend beaucoup d'ampleur mais si celle de force d'inertie est liée à la quantité de matière ou masse, celle d'attraction et de gravitation n'était pas Uée dans son esprit à une propriété essentielle de la matière.
The philosophy of matter from Galilei to Newton.
We are studying here the conceptions of matter thought out by the scientists of the XVIIth century until Newton who was to modify dramatically our view of the relations between bodies for two centuries. Since Aristote the notion of matter had remained very philosophical but it changed thoroughly in the XVIIth century. A more concrete and pragmatic investigation of real bodies began to develop along with the valid but sometimes sterile question about the essence of bodies. Descartes was still much of a metaphysician whereas Bacon praised pragmatism. Gassendi promoted the concepts of atoms and molecules, but his notion of atom remained philosophical and the English empiricists Bacon, Boyle and Newton spread out the corpuscular philosophy whithout truly indivisible atoms. Boyle named « elements » Gassendi's molecules. With Newton the notion of force gained ground but whereas Newton bound the vis inertiae to the quantity of matter or mass, he did not consider the force of attraction or gravitation as an essential property of matter.
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2004
Nombre de lectures 6
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Patrice Pinet
La philosophie de la matière de Galilée à Newton
In: Revue d'histoire de la pharmacie, 92e année, N. 341, 2004. pp. 67-82.
Citer ce document / Cite this document :
Pinet Patrice. La philosophie de la matière de Galilée à Newton. In: Revue d'histoire de la pharmacie, 92e année, N. 341, 2004.
pp. 67-82.
doi : 10.3406/pharm.2004.5598
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pharm_0035-2349_2004_num_92_341_5598Résumé
Nous étudions ici les conceptions de la matière que se sont faites les savants au XVIIe siècle jusqu'à
Newton qui devait bouleverser et régir notre vision des rapports des corps entre eux pendant deux
siècles. La notion de matière depuis Aristote est restée très philosophique mais s'est modifiée
profondément au XVIIe siècle. Le questionnement, légitime mais parfois stérile, sur l'essence des corps
ou de la matière devait s'accompagner progressivement d'une étude plus concrète et plus pragmatique
des corps réels. Descartes restait très métaphysicien alors que Bacon vantait le pragmatisme.
Gassendi promouvait les concepts d'atomes et de molécules. Mais sa notion d'atome restait
philosophique et les empiristes anglais, Bacon, Boyle et Newton développaient une philosophie
corpusculaire sans vrais atomes insécables. Boyle appellera « éléments » les molécules de Gassendi.
Avec Newton la notion de force prend beaucoup d'ampleur mais si celle de force d'inertie est liée à la
quantité de matière ou masse, celle d'attraction et de gravitation n'était pas Uée dans son esprit à une
propriété essentielle de la matière.
Abstract
The philosophy of matter from Galilei to Newton.
We are studying here the conceptions of matter thought out by the scientists of the XVIIth century until
Newton who was to modify dramatically our view of the relations between bodies for two centuries.
Since Aristote the notion of matter had remained very philosophical but it changed thoroughly in the
XVIIth century. A more concrete and pragmatic investigation of real bodies began to develop along with
the valid but sometimes sterile question about the essence of bodies. Descartes was still much of a
metaphysician whereas Bacon praised pragmatism. Gassendi promoted the concepts of atoms and
molecules, but his notion of atom remained philosophical and the English empiricists Bacon, Boyle and
Newton spread out the corpuscular philosophy whithout truly indivisible atoms. Boyle named « elements
» Gassendi's molecules. With Newton the notion of force gained ground but whereas Newton bound the
vis inertiae to the quantity of matter or mass, he did not consider the force of attraction or gravitation as
an essential property of matter.67
La philosophie de la matière
de Galilée à Newton T é
U par Patrice Pinet*
D
E
Le concept de matière est un concept limite, philosophique car non
expérimental. On peut le qualifier de supraphysique pour le différen
cier d'un concept purement métaphysique, en ce qu'il a un rapport
étroit avec la physique et nos sensations. Néanmoins, ce que nous percevons
sont des corps ou des matériaux différents mais pas la matière supposée com
mune, homogène et à l'origine des corps. Nous n'en avons l'idée que
par abstraction ; c'est pourquoi elle a pu avoir différents sens à travers les
siècles. Locke (1632-1704) fait une bonne distinction entre matière et corps,
mais qui semble reposer sur l'idée de la matière de Gassendi ou de Boyle l.
Nous supposons que tout corps est matériel mais l'on ne peut dire aujourd'hui
que les particules ultimes des corps soient corporelles puisque déterminées de
manière quantique.
La thérapeutique comprend aujourd'hui des moyens non pharmaceutiques
(psychothérapies diverses, diététique) et les moyens de la pharmacie qui util
isent des médicaments corporels censés agir directement sur le corps du malade.
Effet placebo exclu, deux corps sont donc ici en relation, celui du médicament
et celui du malade. Il est donc intéressant de connaître l'histoire des conceptions
de la matière pour comprendre les visions qu'ont eu les savants, pharmaciens et
médecins de l'action pharmacologique.
1. Galilée (1564-1642)
Au XVIIe siècle, le concept de matière s'est beaucoup transformé. En effet,
pour la philosophie aristotélicienne, qui dominait encore au XVIe siècle, seule
la matière première est purement matière et Dieu pure forme. Dans ce dualis-
* 3 A avenue Georges-Clemenceau, 5 1 100 Reims
REVUE D'HISTOIRE DE LA PHARMACIE, LE, N° 341, l^TRTM. 2004, 67-82. REVUE D'HISTOIRE DE LA PHARMACIE 68
me fondamental, tous les corps dérivent de la combinaison de la matière pre
mière purement passive, ou des matières subséquentes, aux Idées platoni
ciennes ou aux formes aristotéliciennes. Pour les atomistes de l'Antiquité,
l'hétérogénéité des corps s'expliquait par la diversité originelle des atomes.
Il n'existe donc pas pour eux de matière initiale homogène, et leur philosophie
est davantage un atomisme qu'un matérialisme^ ou un monisme. Dès 1590,
Galilée a admis l' de Démocrite et d' Epicure 2. Selon Redondi 3, il
adopte, dans le Saggiatore (1623), une théorie corpusculaire de la lumière, de
la chaleur, et des corps, réservant le terme « atomes » (particules indivisibles)
aux seuls corpuscules de la lumière, nommant les particules de chaleur « par
ticules ignées » ou « minima ignés », et celles des corps solides ou fluides
« minima très subtils » ou « minimi quanti ». Il donnait par contre une inter
prétation ondulatoire du son. Ces particules avaient différentes figures que
Galilée ne précise pas. Il distingue dans cet ouvrage les propriétés objectives
et nécessaires de tout corps, de ses qualités subjectives qui ne dépendent que
de nous et de notre propre corps 4, distinction à laquelle s'essaieront ensuite
beaucoup de penseurs mais qui pourra être dépassée par la philosophie idéal
iste ou même positiviste. Cependant, dans son principal ouvrage Discours et
démonstrations mathématiques concernant deux sciences nouvelles (1638) 5,
Galilée donne une interprétation abstraite et mathématique de sa théorie cor
pusculaire de la matière. Les atomes sont maintenant des indivisibles dépour
vus d'étendue et de figure et sont en nombre infini dans les corps comme les
vides qui les séparent. Il les appelle « atomes sans quantité ». Ils sont devenus
des points mathématiques. Galilée suppose la matière inaltérable, toujours
semblable à elle-même 6. Cette vision abstraite et mathématique des corpus
cules sera féconde en physique mais pouvait difficilement fournir une explica
tion du fonctionnement du corps vivant et de l'action d'un remède.
2. Bacon (1561-1626)
Pour beaucoup d'historiens et philosophes des sciences, Bacon a joué un
rôle mineur dans la révolution scientifique du XVIIe siècle car il a ignoré com
plètement les aspects mathématiques de celle-ci. Pour Koyré, par exemple, la
science moderne est née au XVIIe siècle de deux courants, un courant mathé
matique platonicien, représenté par Galilée et Descartes, et un ontolo
gique atomiste dont le principal représentant est Gassendi, la synthèse fruc
tueuse étant réalisée par Newton 7. Cependant, pour la médecine, la pharmacie
et la biologie, les mathématiques ont joué un rôle secondaire, même chez
Harvey. Mendel les a utilisées de manière très féconde mais ce sont des mathé
matiques très simples. Dans les sciences du vivant, c'est le courant corpuscul
aire qui s'avéra surtout fécond. LA PHILOSOPHIE DE LA MATIÈRE 69
L'importance de Bacon n'est pas dans ses découvertes scientifiques qui sont
mineures, mais dans sa philosophie empiriste, pragmatique et prépositiviste,
dont la Société Royale, fondée principalement par Boyle en 1662, reprit le pro
jet. Cette philosophie détermina en partie la philosophie critique de Kant et
constitue à notre avis une bonne part de la mentalité occidentale d'aujourd'hui.
Dans le Novum Organum (1620), Bacon juge qu'il ne sert à rien de philosopher
sur la matière 8. Il veut substituer à l'abstraction l'induction expérimentale.
Mais, selon C. Bernard, il n'a pas compris la méthode expérimentale qui pré
cisément utilise l'abstraction et n'

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