La photographie et sa légende - article ; n°1 ; vol.2, pg 41-55
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Description

Communications - Année 1963 - Volume 2 - Numéro 1 - Pages 41-55
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1963
Nombre de lectures 23
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean-A. Keim
La photographie et sa légende
In: Communications, 2, 1963. pp. 41-55.
Citer ce document / Cite this document :
Keim Jean-A. La photographie et sa légende. In: Communications, 2, 1963. pp. 41-55.
doi : 10.3406/comm.1963.944
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1963_num_2_1_944Jean A. Keim
La photographie et sa légende
La photographie a envahi toute notre existence. Elle constitue une
documentation unique et un moyen de recherches sans égal ; elle a conquis
une place incontestable dans la presse ; elle illustre le livre, et jusqu'à
en devenir le contenu principal ; elle est support de publicité dans les
journaux et sur les affiches, décor sur les scènes de théâtre, et fresque
sur les murs ; elle se présente en expositions particulières et en salons
collectifs. A côté des professionnels, ceux qui découvrent les aspects
du monde comme ceux qui arrêtent les passants dans la rue, coexistent
des centaines de milliers d'amateurs, plus ou moins doués, qui conservent
aujourd'hui en épreuves dans des albums, ou en diapositives à projeter
aux amis, leurs archives familiales à côté des archives historiques et
sociales des autres groupes humains. Aussi bien a-t-on pu parler de notre
époque comme celle de la civilisation de l'image, (en ajoutant à la photo
graphie fixe la photographie animée diffusée par le cinéma et la télévision).
Cette désignation est pour le moins discutable au moment même où
l'analphabétisme, attaqué de toutes parts, diminue de jour en jour, où
la parole par la radio et le disque a pris une importance nouvelle, et où
les écrits n'ont jamais connu autant de lecteurs ; elle est certainement
trop exclusive et le mot s'est vengé ; seul, écrit, ou parlé, il demeure
encore le grand moyen de communication ; seule, la photographie ne
peut transmettre avec sûreté une information sans risque d'une erreur
d'interprétation et les mots lui sont indispensables pour lui conférer
sans contestation un véritable sens.
Universalité de la légende
Toute photo est présentée avec une légende, en prenant ce terme dans
l'acception la plus générale, les mots qui accompagnent l'image, la situent,
et qui doivent être lus pour que l'image soit interprétée sans erreur ;
(ils peuvent être aussi prononcés par une autre personne et écoutés par
celle qui regarde). Pour reprendre les expressions de Roland Barthes,
qui a posé le problème de façon précise dans le cas de la photographie
41 Jean A. Keim
de presse 1 : à une structure photographique est jointe une structure linguis
tique. Certes une photo, au sujet de laquelle aucun renseignement écrit
ou verbal n'est fourni, peut amener le spectateur à une impression dif
fuse, lui donner un sentiment de bonheur esthétique, semblable à celui
que peut produire une belle musique ou certains tableaux abstraits.
Dans ce cas il n'est pas utile d'identifier le sujet. Le grand panneau de
Brassai à la maison de l'U.N.E.S.C.O. peut être apprécié et plaire sans
savoir qu'il représente, agrandis à l'extrême, des roseaux dans une eau
dormante. Il s'agit ici d'une photo isolée ; une suite d'images dans le
temps ou dans l'espace peut par le rapprochement des clichés successifs
ou juxtaposés conduire le spectateur à une réflexion particulière, mais
parfois aussi à une conclusion erronée. Le film muet à la fin de sa carrière
était arrivé à se passer de sous-titres 2. L'expérience de Poudovkine et
de Koulechov est significative3 : le même gros plan d'Ivan Mosjoukine,
intercalé successivement devant une assiette de soupe, un cercueil avec
une femme morte, une petite fille jouant à la poupée, semble refléter
tour à tour un sentiment profond de paix, une tristesse accablante, un
bonheur calme : la même image a été interprétée différemment suivant
le contexte visuel dans lequel elle est insérée, qui l'a située à l'instar d'un
texte.
Certains spécialistes veulent séparer la photographie de la légende
pour l'étudier séparément. Une telle tentative est valable en soi et peut
conduire à des conclusions intéressantes. Mais la personne, à qui est pré
sentée l'image, ne peut pas ne pas apercevoir, ni ne pas lire les mots
inscrits à l'entour. Elle est attirée suivant la position et la grandeur
relative des éléments, d'abord par les caractères ou d'abord par l'image,
revenant des uns à l'autre ou réciproquement, à moins que la photo ne soit
regardée tandis qu'un texte est prononcé. Telle est la situation, quelle que
soit l'opinion sur l'utilité de la légende. Si l'on veut tenter de comprendre
comment fonctionne la communication, il n'est pas possible de demeurer
dans la théorie ; il faut partir de ce qui existe en fait : un hybride, photo
plus légende.
Rôle de la légende
« Une photogaphie vaut mille mots. » Cette sentence souvent répétée
pourrait apparaître une évidence au premier abord. Il est certain que
même plus de mille mots ne peuvent décrire et épuiser un contenu qui n'est
pas réductible à une structure linguistique. Les mots, lus ou écoutés,
doivent normalement être compris dans un certain laps de temps. La
1. « Le Message photographique », Communications, n° 1, 1962.
2. Le film sonore avec l'Ile nue de Kaneto Chinto et On a perdu une bombe de Gopo
a renoncé aux paroles pour réduire l'accompagnement à de la musique et des bruits.
3. Film Technique, V. I. Pudovkin, Londres, 1929.
42 La photographie et sa légende
photographie, beaucoup plus complexe, se regarde d'un coup d'oeil et
serait le moyen de communication idéal. Mais qui peut être sûr de voir,
et moins encore de comprendre le cliché reproduit sans avoir au préalable
d'autres renseignements que ceux fournis par la reproduction ?
Certes l'image a une « fonction significatrice * » et Littré nous apprend
qu'un signe est « l'indice d'une chose présente, passée ou à venir ». Pour
retrouver l'élément primordial il est indispensable de savoir comment
interpréter l'indice. On parle communément de « lire » une photo ; mais
comment la déchiffrer ? Sans revenir sur le cas des tribus africaines, où
les indigènes qui n'ont jamais vu de telles images ne se reconnaissent
pas sur la photographie donnant d'eux une représentation particulière ;
la réalité vue apparaît sous une nouvelle forme. Des auteurs considèrent
qu'un langage photographique existe et se définit avec certaines cons
tantes ; il semble difficile dans les innombrables clichés aux contextes
si divers de les fixer à travers les aspects les plus différents de ce monde.
Si on appelle « langage photographique » un certain nombre de formes-
clés typées à l'exemple des gestes de mime, ce nouveau vocabulaire est
extrêmement restreint et sa valeur en aucune façon comparable à celle
du langage, alors que l'image mise en valeur, s'avère d'une richesse de
contenu extraordinaire.
Dans son livre Paris imprévu 2 Louis Chéronnet s'est livré au jeu subt
il de choisir de lieux connus des photos dépaysantes. Le lecteur doit
chercher à la fin du livre la légende qui l'étonnera. Au lieu du « De qui
est-ce ? » littéraire, le « Qu'est-ce que cela représente ? » photographique.
La communication transmise par un cliché sans légende demeure vague
et imprécise ; l'information ou le message sera reçu avec difficulté et- les
erreurs d'interprétations considérables. La photographie n'est pas créée
ex nihilo ; elle utilise des éléments pré-existants qui ont par eux-mêmes
une valeur et une importance. Elle présente un aspect réduit du monde,
et celui qui la regarde ne peut s'y reconnaître sans éléments de repérage
lui permettant de s'orienter au lieu de laisser vagabonder son esprit.
On ne peut reconnaître ce qui n'est pas connu ; partir d'un élément qu'on
ignore ne permet pas de retrouver le chemin. « La signification repré
sentative ne peut être comprise si les objets ou les événements montrés
par l'artiste n'appartiennent pas à l'expérience humaine générale de <

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