La publicité et sa philosophie - article ; n°1 ; vol.17, pg 56-66
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Description

Communications - Année 1971 - Volume 17 - Numéro 1 - Pages 56-66
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1971
Nombre de lectures 75
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Laurent Quesnel
La publicité et sa "philosophie"
In: Communications, 17, 1971. pp. 56-66.
Citer ce document / Cite this document :
Quesnel Laurent. La publicité et sa "philosophie". In: Communications, 17, 1971. pp. 56-66.
doi : 10.3406/comm.1971.1245
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1971_num_17_1_1245Louis Quesnel
La publicité et sa « philosophie »
Les historiens et les archéologues découvriront un
jour que les annonces de notre époque constituent le
reflet quotidien le plus riche et le plus fidèle qu'une
société ait jamais donné de toute la gamme de ses acti
vités. (Marshall McLuhan, Pour comprendre les media,
1968).
Il peut paraître incongru d'attribuer à la publicité une ou des philosophie (s).
Y a-t-il une philosophie de l'industrie de la chaussure ou du commerce des
yaourts? La publicité constitue, à première vue, une activité économique auxil
iaire *, avec ses professionnels, ses écoles, ses techniques, ses entreprises, ses
productions et son marché, comme toute activité économique. „
Disons : en première lecture.
Mais nous nous proposons d'établir, en seconde lecture, que la publicité n'est
pas une activité économique comme les autres, que les publicitaires sont des
agents culturels importants, quoique souvent inconscients de leur rôle, dans les
sociétés industrielles modernes, et que la publicité pourrait bien devenir, pourvu
que l'évolution culturelle s'y prête, toute la philosophie d'un monde sans philo
sophes.
Le mal du siècle?
Or à l'instar du philosophe hégélien, le publicitaire naît existentiellement à la
philosophie comme « conscience malheureuse ».
Il ne fait pas son métier sans quelque malaise, et on relève, dans les publications
corporatives, tous les signes d'un complexe de culpabilité. Les dialectiques de la
bonne et de la mauvaise conscience s'y manifestent, alternant plaidoyers pro
domo et mea culpa, expressions antinomiques et complémentaires d'une ten
dance à l'auto-critique et à l'auto-satisfaction. Il s'agit, en somme, de justifier
la publicité et, en la justifiant, de se justifier.
En 1962, en France, paraissait une nouvelle revue : les Cahiers de la publicité
(elle disparaîtra en 1968). Significativement, le premier numéro de cette publi
cation, dont la qualité de réflexion tranchait sur la médiocrité de la presse spécial
isée, s'ouvrait sur « le procès de la publicité », suspectée de « fabrication de
1. Cf. le titre de l'ouvrage d'un dirigeant de la publicité : Leduc (Robert), La publicité
une force au service de l'entreprise, Paris, Dunod, 1966, 272 p.
56 La publicité et sa « philosophie »
l'opinion » par Jean Cazeneuve. Et, dans chaque numéro ou presque, des publi
citaires s'interrogeront sur tel ou tel aspect moral, juridique ou déontologique de
leur profession : la publicité, nouveau « supplice de Tantale » n'est-elle pas créa
trice de « faux besoins » et de « gaspillage »? (n° 2) ; « sommes nous des marchands
d'angoisse » (n° 4); « comment moraliser la publicité à la télévision »? (n° 6);
« la publicité pourrit la langue française » (Etiemble, n° 9) ; la publicité doit être
« éducative » (n° 11) ; « la publicité jugée par le public » (thème du n° 13) ; la publi
cité est-elle anti-culturelle? (n° 15); la société de consommation est-elle un
progrès? (Paul Albou, n° 17); « la publicité des loisirs : commerce ou mission? »
(n° 18); la réglementation de la (n° 20); « la publicité erotique : ali
énation ou libération? » (n° 21).
Qu'ils plaident coupables ou non-coupables, les publicitaires se cherchent des
juges qui soient justes, et ne trouvent que des accusateurs. Du côté des intellec
tuels, de Toynbee à Marcuse et de Valéry à Sauvy, en passant par Galbraith,
Etiemble, Henri Lefebvre, Serge Tchakhotine, Vance Packard et Jacques Ellul,
philosophes, sociologues, économistes, historiens, moralistes, professeurs et jour
nalistes dénoncent à l'envi la publicité, machine-à-décerveler ubuesque, entre
prise d'abêtissement et d'abrutissement des masses.
La contestation n'est pas seulement européenne. David Ogilvy, publicitaire
anglo-saxon, se demande1 courageusement : «Faut-il proscrire la publicité?»
— « La publicité fait-elle monter les prix? » — « La publicité favorise -t-elle les
monopoles? » — « La publicité corrompt-elle les journalistes? » — « La publicité
peut-elle faire acheter au consommateur un produit de qualité inférieure? » —
« La publicité est-elle un tissu de mensonges? » — -«La publicité incite-t-elle les
gens à acheter des produits dont ils n'ont nul besoin? » — « La publicité est-elle
vulgaire et ennuyeuse? »...
Il serait certainement imprudent de prétendre que la publicité est, toujours et
partout, exempte de ces inconvénients. Mais les attitudes des intellectuels à
l'égard de la publicité, considérée comme une institution typiquement capital
iste et américaine, ne sont sans doute pas sans corrélation avec les opinions
politiques. Et peut-être y a-t-il, chez certains d'entre eux, une frustration jalouse
en présence d'un heureux concurrent. Comme le note Mason Griff 2, « La publicité
s'apparente à l'École et l'Église par l'importance de son influence sociale. »
Alors que l'École et l'Église perdent leur influence, comment ne pas jalouser la
publicité?
La « publiphobie » systématique a un avantage : elle caractérise le phénomène
publicitaire par une essence morale. Au tribunal de l'Histoire et de l'Humanisme,
la publicité se voit condamnée comme perverse, immorale et irréligieuse. A la
question : qu'est-ce que la publicité? — on "répondra, en termes chrétiens,
« c'est le mal » et, en termes marxistes, « c'est une aliénation », Réponses qui,
évidemment, ont le grand mérite de résoudre le problème avant d'avoir à le poser.
Mais il y a, notamment en vertu de l'entreprise et de l'emprise publicitaires,
une « morale des objets 8 ». Contrairement aux dénégations des techniciens et
technocrates de la publicité, celle-ci est autre chose qu'une technique ou un art
1. In Les confessions de David Ogilvy, Paris, Hachette, 1964, 184 p.
2. In « La publicité, institution centrale de la société de masse », Diogène (68) 1969,
p. 128-156.
3. Cf. Baudrillard (Jean), La morale des objets, Communications, 13, 1969, p. 128-
146.
57 Louis Quesnel
de la persuasion lucrative. Constatation simple mais qui pose les deux problèmes
fondamentaux et, à proprement parler, philosophiques, des fonctions réelles
de la publicité et de son axiologie implicite.
Conceptions, fonctions, structures.
A la question : qu'est-ce que la publicité? — on répond, ici et là, par des théo
ries aussi partielles que diverses. Citons les plus courantes :
— la publicité est un système de communication, qui met en relation des pro
ducteurs et des consommateurs à travers des distributeurs et des mass-media1;
— la publicité est une activité intellectuelle qui groupe des « créatifs » littéraires
et artistiques pour la production de messages dans la presse, à la radio, à la télé
vision ;
— la publicité est un univers de signes et une technique de la signification,
qui relève d'une sémiologie et d'une rhétorique 2 ;
— la fait partie des « industries culturelles » qui distribuent une culture
de masse, de basse qualité3;
— la publicité est une « arme » du marketing, au service des stratégies commerc
iales offensives de l'entreprise dans la « guerre » économique pour la « conquête »
des marchés 4;
— la publicité est une forme capitaliste de propagande et d'exploitation des
consommateurs, au service des grandes compagnies, pour la réalisation du profit
maximum 6 ;
— la publicité est une institution de la « société bureaucratique de consommation
dirigée ». La publicité ne parle que le langage idéologique de la marchandise et de
l'aliénation par la quotidienneté6.

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