La religion et l éducation de la société française - article ; n°1 ; vol.34, pg 37-48
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Description

Histoire de l'éducation - Année 1987 - Volume 34 - Numéro 1 - Pages 37-48
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1987
Nombre de lectures 20
Langue Français

Extrait

Maurice Crubellier
La religion et l'éducation de la société française
In: Histoire de l'éducation, N. 34, 1987. pp. 37-48.
Citer ce document / Cite this document :
Crubellier Maurice. La religion et l'éducation de la société française. In: Histoire de l'éducation, N. 34, 1987. pp. 37-48.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hedu_0221-6280_1987_num_34_1_1493LA RELIGION ET L 'EDUCA TION
DELA SOCIÉTÉ FRANÇAISE
par Maurice CRUBELLIER
Les auteurs de VHistoire religieuse de la France contemporaine,
Gérard Cholvy et Yves-Marie Hilaire (1), nous disent, d'entrée de
jeu, ce qu'ils ont voulu faire : « une histoire religieuse et non des
fidèles d'une Église », qui prenne en compte toutes ces « dimensions
de la vie religieuse : croyances, pratiques, connaissances, conduites,
orthodoxes ou non, foi connue comme foi vécue, incroyance ou
façon de croire autrement » (p. 6). Ambitieux dessein dont la réali
sation est aujourd'hui devenue possible grâce aux nombreuses
recherches poursuivies dans les dernières décennies ; les bibliogra
phies des deux volumes déjà parus (t. I: 1800-1880; t. H: 1880-
1930), abondantes encore que très sélectives, occupent au total plus
de quarante pages. Cependant, plus que l'intention synthétique de
l'ouvrage, me paraît devoir être souligné le renouvellement de
perspective auquel il invite le lecteur, le dépassement des schémas
trop simplistes auxquels une historiographie traditionnelle nous
avait accoutumés. On songe à la boutade de Lucien Febvre:
« Appliquons la bonne méthode : compliquons ce qui paraît trop
simple ». La vérité des hommes n'est jamais simple, ni celle des
(1) Histoire religieuse de la France contemporaine, Toulouse, Privât; tome 1,
1985, 352 p. ; tome 2, 1986, 457 p. Pour le tome 2, les deux principaux auteurs se
sont adjoints trois spécialistes : Rémi Fabre, pour le protestantisme ; Danielle Del-
maire, pour le judaïsme ; Jacques Prévotat, l'Action française.
Histoire de l'éducation - n° 34, mai 1987
Service d'histoire de l'éducation I.N.R.P. 29, rue d'Ulm - 75005 Paris Maurice CRUBELLIER 38
croyants, ni non plus celle des incroyants. Voici, pris parmi beau
coup d'autres, quatre exemples des schémas que nos auteurs enten
dent liquider : telle région est ainsi, telle région autrement ; ou « la
déchristianisation ouvrière » (un thème qui excède le chapitre qui
Dorte ce titre) ; bourgeoisie croyante ou incroyante, au service d'une
Église ou s'appliquant à en plier l'enseignement à son ; ou
même le cabaret « bête noire du curé » (on pouvait déjà se reporter à
tout ce qu'a écrit Pierre Pierrard sur les cabarets de la région du
Nord). Pour dire les choses comme aiment à les dire Cholvy et
Hilaire, au-delà du prescrit il faut toujours découvrir le vécu ; au-
delà de la doctrine, des rites et des sacrements, de la morale... il y a la
pratique, les convictions et les usages plus ou moins superstitieux,
encore entachés de paganisme, les gestes habituels, inconscients
dans une large mesure. À bien analyser l'évolution chronologique
de ce prescrit et de ce vécu, on distingue en outre une pluralité de
rythmes : rythme national et rythmes locaux, variables selon les
catégories sociales, sensibles aux innovations et soumis à la pesan
teur des héritages du passé. En très gros, la période étudiée paraît
dominée, pour les diverses confessions, par un mouvement général
de réveil, de reprise de la vie religieuse, après la crise révolutionn
aire, mouvement que menace de compromettre, de 1881 à 1905,
l'entreprise de laïcisation, celle de l'école, puis celle de l'État. Mais il
est possible de distinguer, selon les groupes et les lieux, des mouve
ments subordonnés, concordants ou discordants. « On n'oubliera
pas que l'évolution des mentalités appartient au temps de l'histoire
et que, pesanteurs pédagogiques aidant, l'on est romantique à
Rodez, quand triomphe le positivisme dans les cénacles initiés de
Paris » (p. 197).
Il m'a semblé qu'une clé donne un bon accès au cur de cette
histoire religieuse (j'espère ne pas trahir la pensée des auteurs);
cette clé est l'éducation si on veut bien l'entendre au sens le plus
large, non pas seulement de communication d'un message ou d'in-
culcation de valeurs, mais d'imprégnation de tout l'être. Incultura-
tion serait sans doute préférable si le mot était plus familier. L'exi
gence première de toute religion révélée, c'est de s'enraciner dans un
donné culturel, c'est-à-dire, tout à la fois, d'essayer de le modeler
tout en acceptant d'être modelée par lui. Pour que le message des
Églises soit entendu, il faut qu'il soit adapté, traduit en quelque
sorte dans le langage d'une société et d'une époque ; pour qu'il reste
fidèle à ses origines, il faut aussi qu'il soit sans cesse rapporté,
confronté à sa source transcendante, purifié. C'est cela l'enseigne
ment des Églises, leur rôle d'éducatrices. C'est cela l'histoire rel
igieuse, une perpétuelle entreprise d'engagement et de dégagement.
Ainsi doit s'effacer le caractère paradoxal d'une critique que je
place sous le signe de l'éducation de la société française à propos religion et l'éducation de la société 39 La
d'un livre qui n'accorde qu'assez peu de place, en réalité, à l'uvre
scolaire stricto sensu des Églises. Certes, l'éducation religieuse peut
se faire à l'école ; elle se fait aussi de nombreuses autres manières.
La laïcisation a été une occasion de le découvrir pour certains qui ne
s'en avisaient pas.
Le tome premier qui étudie un temps relativement lent, qui décrit
un mouvement relativement simple, permet d'entrer à fond dans la
problématique des auteurs. Il est axé sur l'idée de renouveau. Après
la tourmente révolutionnaire et un premier essai de sécularisation
de la vie nationale, les Églises devaient, chacune dans son secteur,
réparer les dégâts, reprendre en mains leurs fidèles, réveiller et
nourrir la foi, la fortifier, même, en vue de nouveaux assauts
toujours à redouter. Le nud de leur entreprise se trouve dans le
domaine culturel. La sécularisation, qui procédait des Lumières,
c'est-à-dire de la culture des élites, avait été, sous l'Empire, cau
tionnée par les notables, diffusée par l'Université et dans les rangs
de l'armée. Mais le « voltairianisme », bon pour l'élite, semblait
l'être moins pour la masse de la nation. De Fontanes à Guizot, lès
maîtres de l'Université ont tenu le même langage : « il n'est qu'un
sûr moyen de régler les sentiments et les murs ; c'est de les mettre
sous l'empire de la religion », déclarait le premier ; et le second, bien
que protestant : « le catholicisme est la plus sainte école de respect
qu'ait jamais vue le monde» (cités pp. 21 et 35); Mais comment
s'appuyer sur une religion qu'on rejette, ou dont on méprise les
formes populaires alors que celles-ci sont restées étonnamment
vivaces? Et n'oublions pas que les responsables des Églises eux-
mêmes avaient méconnu et parfois combattu au siècle précédent la
piété populaire qu'ils envisageaient à présent d'utiliser comme base
de la restauration religieuse. Comment les aiderait-elle à faire face à
l'esprit du temps, à la tendance laïcisatrice ? Comment, au fond,
faire passer le message judéo-chrétien d'une culture dans une autre
culture ?
Il est certain que les responsables en question, dans le catholi
cisme en particulier, ont joué le passé contre l'avenir. C'est « au
moment où la civilisation paysanne connaît un apogée [...] qu'en
ces années 1840-1880 se produit comme une volonté d'infléchir la
sensibilité religieuse, de rapprocher ce que l'Église prescrit de ce que
le peuple vit sans renoncer pour autant à peser sur ce vécu » (p. 153).
Le recrutement d'un nouveau clergé, nombreux mais d'origine plus
modeste, favorisait ce retour.

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