La révolte des Tuchins : banditisme social ou sociabilité villageoise ? - article ; n°34 ; vol.17, pg 101-112
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Médiévales - Année 1998 - Volume 17 - Numéro 34 - Pages 101-112
The Revolt of the Tuchins : Social Banditism or Village Sociability ? - Traditional historiography looks upon the revolt of the Tuchins as a movement led by asocials and outcasts. Taking the opposite view, this article attempts to demonstrate that the Tuchins were on the contrary perfectly integrated into Languedocian society. From the example of Bagnols-sur-Cèze, it appears that the Tuchin movement, very active in Languedoc between 1380 and 1384, was organized around the urban as well as the rural networks of sociability since recruits came at the same time from village communities as well as from town suburbs. The revolt of the Tuchins, a reaction of self defense by individuals and communities alike fighting for survival at once against the ravages of roving bands and against fiscal levies, was doubtlessly an extreme form of sociability.
Vincent Challet, Ambassade de France à Hanoi- Vietnam, 128 bis, rue de l'Université, F-75351 Paris 07 SP La Révolte des Tuchins : banditisme social ou sociabilité villageoise ? Prenant le contre-pied de l'historiographie traditionnelle qui ne voit dans la révolte des Tuchins qu'un mouvemement d'asociaux et de marginaux, cet article tente de montrer la parfaite intégration des Tuchins à la société languedocienne. À partir de l'exemple de Bagnols-sur-Cèze, on s'aperçoit que le Tuchinat, très actif en Languedoc de 1380 à 1384, s'organise autour de réseaux de sociabilité tant urbains que ruraux puisque le recrutement se fait à la fois dans des communautés villageoises et les faubourgs des villes. Réaction de défense de la part d'individus et de communautés en lutte pour leur survie à la fois contre les ravages des routiers et les prélèvements fiscaux, la révolte des Tuchins n'est sans doute qu'une forme extrême de sociabilité.
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 39
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Vincent Challet
La révolte des Tuchins : banditisme social ou sociabilité
villageoise ?
In: Médiévales, N°34, 1998. pp. 101-112.
Abstract
The Revolt of the Tuchins : Social Banditism or Village Sociability ? - Traditional historiography looks upon the revolt of the
Tuchins as a movement led by asocials and outcasts. Taking the opposite view, this article attempts to demonstrate that the were on the contrary perfectly integrated into Languedocian society. From the example of Bagnols-sur-Cèze, it appears
that the Tuchin movement, very active in Languedoc between 1380 and 1384, was organized around the urban as well as the
rural networks of sociability since recruits came at the same time from village communities as well as from town suburbs. The
revolt of the Tuchins, a reaction of self defense by individuals and communities alike fighting for survival at once against the
ravages of roving bands and against fiscal levies, was doubtlessly an extreme form of sociability.
Résumé
Vincent Challet, Ambassade de France à Hanoi- Vietnam, 128 bis, rue de l'Université, F-75351 Paris 07 SP La Révolte des
Tuchins : banditisme social ou sociabilité villageoise ? Prenant le contre-pied de l'historiographie traditionnelle qui ne voit dans la
révolte des Tuchins qu'un mouvemement d'asociaux et de marginaux, cet article tente de montrer la parfaite intégration des
Tuchins à la société languedocienne. À partir de l'exemple de Bagnols-sur-Cèze, on s'aperçoit que le Tuchinat, très actif en
Languedoc de 1380 à 1384, s'organise autour de réseaux de sociabilité tant urbains que ruraux puisque le recrutement se fait à
la fois dans des communautés villageoises et les faubourgs des villes. Réaction de défense de la part d'individus et de
communautés en lutte pour leur survie à la fois contre les ravages des routiers et les prélèvements fiscaux, la révolte des
Tuchins n'est sans doute qu'une forme extrême de sociabilité.
Citer ce document / Cite this document :
Challet Vincent. La révolte des Tuchins : banditisme social ou sociabilité villageoise ?. In: Médiévales, N°34, 1998. pp. 101-112.
doi : 10.3406/medi.1998.1418
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/medi_0751-2708_1998_num_17_34_1418Médiévales 34, printemps 1998, pp. 101-112
Vincent CHALLET
LA REVOLTE DES TUCHINS : BANDITISME SOCIAL
OU SOCIABILITÉ VILLAGEOISE ?
La révolte des Tuchins qui agita l'Auvergne depuis au moins 1363 '
jusqu'en 13892 et le Languedoc de 1380 à 1384, souffre d'un évident déficit
historiographique, et ce déficit ne date pas d'hier. Alors que la Jacquerie d'Île-
de-France qui éclata en 1358 a trouvé un écho chez de nombreux chroniqueurs,
alors que les exploits de Guillaume l' Aloue qui, à la tête de ses paysans révoltés,
défit les Anglais en Normandie, furent recueillis par un chroniqueur bienveill
ant3, la révolte des Tuchins n'a laissé que peu de traces dans les chroniques
de la deuxième moitié du xive siècle. Le Religieux de Saint-Denis est le seul à
avoir conservé le souvenir des Tuchins qui, selon lui, apparaissent en 1384 en
Auvergne : « Des bandes nombreuses de misérables, qu'on appelait Tuchins, à
cause de leur vie désordonnée, avaient tout à coup surgi comme une nuée de
vers et s'étaient montrés sur tous les points de la contrée »4.
Paroles sans aménité qui témoignent de l'impuissance du moine de Saint-
Denis à appréhender et à comprendre la naissance du Tuchinat. Longue révolte
à laquelle manquait sans doute fracas de grandes batailles5, longue révolte où
nul prince ne pouvait se couvrir de gloire en écrasant ses sujets, le Tuchinat
n'a guère retenu l'attention de chroniqueurs presqu' entièrement tournés vers le
nord du royaume. Et l'image du Tuchinat qui s'imposa de façon durable fut
celle de bandes de paysans prenant le maquis, se réfugiant dans la « touche »6, de « Comanches du xive siècle »7, celle de « bandes d'asociaux affamés
et sans autre programme que de survivre aux dépens de l'ordre établi »8.
Le terme de Tuchin lui-même prend assez rapidement une connotation
1. Mention d'une bande de Tuchins à Vieille-Brioude ; AN, JJ 98, n° 138, f 42.
2. Présence de cinq Tuchins à Miremont ; AN, JJ 133, n° 293, f 155 v°.
3. Chronique Normande du xiv siècle, A. et E. Molinier éd., Paris, 1882, p. 127-132.
4. Religieux de Saint-Denis, Chronique de Charles VI, L. F. Bellaguet éd., Paris, 1862, 1. 1,
p. 307 : Sane multitudo maxima abjectissimorum virorum, qui ob inconditos mores Tuchini dicebantur,
ubique in Mis partibus, velut inquieti vermes, inopinate eruperant. On consultera avec profit la réim
pression de cette édition (Paris, 1994) et tout particulièrement l'introduction de B. Guenée.
5. Le récit de la bataille que rapporte le Religieux de Saint-Denis et que le duc Jean de Berry
aurait livrée aux Tuchins est selon les propres termes de M. Boudet « une vraie fable ». Cf. la réfutation
de la participation de Jean de Berry à la répression du Tuchinat dans M. Boudet, La Jacquerie des
Tuchins, Paris, 1895, p. 82-85.
6. C'est de ce terme qui signifie landes, broussaille que dérive le mot de Tuchin. L'expression
Touchin se rencontre d'ailleurs plus fréquemment dans les textes que Tuchin.
7. M. Boudet, op. cit., p. 5.
8. M. Mollat et P. Wolff, Les Révolutions populaires en Europe aux xir et xv siècles, Paris,
1970, p. 185. 102 V.CHALLET
péjorative et devient une insulte suffisamment grave pour justifier un meurtre :
dès juin 1384, un habitant de Nîmes, Jean Benat, « considérant que autant valoit
dire touchin comme rebelle et traitre »9, n'hésite pas à poignarder celui qui l'a
appelé ainsi. Treize années plus tard, en 1397, un habitant d'Arpaillargues, Jean
Picart, qui avait participé au Tuchinat en 1382-1383, paya lui aussi de sa vie
le fait d'avoir appelé une noble dame du pays « ribaude et touchine »'°. Et le
terme de Tuchin resta longtemps chargé d'opprobre puisqu'un auteur du
xvip siècle a pu noter que « encore aujourd'hui nos Provençaux appellent les
valets de cartes Tuchins en hay ne de cette race de voleurs et canaille de gens » n.
Faut-il pour autant nous résoudre à considérer les Tuchins comme des brigands
et des marginaux 12 ?
Une marginalité : quelle marginalité ?
Certes, l'étymologie même du mot Tuchin semble ancrer le mouvement
dans une marginalité géographique et repousser les révoltés au-delà des limites
de l'espace humanisé - cet espace que le pouvoir a tout intérêt à contrôler parce
qu'il est le lieu où peut s'exercer la pression fiscale -, les contraindre à se
réfugier dans des terres désertées par tous, dans cette « touche » dont les révoltés
tirent leur nom. Moyen pour eux d'échapper aux exigences de l'impôt, moyen
pour le pouvoir de les nier. Mais les Tuchins, lorsqu'ils nous sont connus, ont
un domicile fixe13. Lorsque les nobles de la sénéchaussée de Beaucaire et de
Nîmes décident, pendant l'été et l'automne de 1383, d'en finir avec les Tuchins,
ce n'est ni dans les bois, ni dans les montagnes qu'ils vont les chercher : il leur
suffit pour cela de brûler leurs maisons , chose impensable si les Tuchins
avaient été des individus sans « feu ». Et les révoltés possèdent un « feu » à la
fois dans le sens matériel et dans le sens fiscal du mot. Jean de Corneillan,
écuyer coupable d'avoir participé à la rébellion, obtient la grâce royale en met
tant en avant « quil contribua et paia sa porcion de ladite composicion avec les
habitans des lieux de Puisurguyer et de Cessenon » 15.
La marginalité des révoltés est-elle alors sociale ? Mais être marginal dans
la société médiévale implique un déracinement, un éloignement par rapport à
la terre dont on est issu et une rupture vis-à-vis du réseau de sociabilité attaché
à cette terre. Or, à l'opposé de ce on voit l'un des chefs du
Tuchinat de Bagnols-sur-Cèze 16, Bernard Régis, célébrer son mariage dans
9. AN, JJ137, n° 107 cité par A. Thomas, « Dans les jardins d'Arpaillargues, en 1397 : dernier
écho de la Touchinerie du Bas Languedoc », Annales du Midi, 1914, p. 232-241.
10. Cité par A. Thomas, loc. cit.
11. C. de Nostredame, Histoire et chronique de Provence, Lyon, 1614, p. 411.

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