La révolution étudiante comme discours - article ; n°1 ; vol.12, pg 118-147
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Description

Communications - Année 1968 - Volume 12 - Numéro 1 - Pages 118-147
30 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1968
Nombre de lectures 24
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Georges Lanteri-Laura
Michel Tardy
La révolution étudiante comme discours
In: Communications, 12, 1968. pp. 118-147.
Citer ce document / Cite this document :
Lanteri-Laura Georges, Tardy Michel. La révolution étudiante comme discours. In: Communications, 12, 1968. pp. 118-147.
doi : 10.3406/comm.1968.1177
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1968_num_12_1_1177Georges LanterULaura et Michel Tardy
La révolution étudiante
comme discours
AVERTISSEMENT
L'Université française a fermé ses portes sans pourtant que l'oubli se soit
abattu sur les événements dont elle a été le théâtre. Si le rideau est tombé sur
ce qui fut sans doute l'acte premier d'un drame dont on devine mal encore le
dénouement, il n'a pas réduit tout le monde au silence : les commentateurs n'en
finissent pas de répéter imaginairement l'événement et de l'interpréter. Le flot
des publications grossit chaque jour, dans lequel il est malaisé de faire le départ
de la volonté de témoignage, de l'opération commerciale et de l'exploitation du
sensationnel. Sur ce point, la révolution étudiante de mai est victime d'un des
aspects de la société de consommation dont elle était en partie la contestation.
Récupérée par elle, elle est en train de se dégrader en fait-divers. Il pourrait
paraître vain, dans ces conditions, voire malsain, d'apporter une contribution
supplémentaire à cette moisissure qui prolifère sur la mémoire de l'événement.
Pourtant il nous a semblé qu'il fallait essayer de comprendre l'événement, faute
de pouvoir déjà l'expliquer. Quelque chose d'important, croyons-nous, s'est
passé, qui doit avoir un sens. C'est à la recherche partielle de ce sens que nous
sommes partis, en empruntant les voies de la description structurale. Il en résulte
que nous avons découpé artificiellement, dans le phénomène général, un secteur
particulier et que nos analyses n'ont d'autre objet que celui qui est défini par les
limites de leur pertinence.
La révolution étudiante comme discours. Si l'on excepte les défilés à travers la
ville, scandés par les slogans sans ambiguïté de la protestation et de la reven
dication et par les « hop! hop! » d'importation japonaise, les barbouillages à la
peinture rouge de quelques monuments, les déprédations de matériel relativement
circonscrites dans l'espace sinon en valeur, la timide barricade sans lendemain
de la place Kléber et enfin la défense victorieuse du Palais universitaire contre
l'unique assaut du « Comité d'action civique », la révolution étudiante de
Strasbourg fut un immense discours de plusieurs semaines. La parole a été son
lieu d'existence essentiel, les réalisations non verbales du mouvement n'étant
que des formes substitutives latérales de l'acte de parler. Et si cette existence
possède une histoire, ce sur quoi on ne saurait parier, ce fut celle de l'encha
înement temporel d'un discours. Nous avons consacré la première partie de notre
description à une étude sémiotique de la communication orale dans le Conseil étudiant.
118 révolution étudiante comme discours La
\
De cette oralité foisonnante, dont les amphithéâtres furent les témoins, réglée
par les lois techniques du « convenable » révolutionnaire (le code des usages tout
neufs) et régie par les lois sémantiques de Vinconscient sociologique (le code de
l'imaginaire collectif du groupe), il ne reste rien aujourd'hui, sinon les chemi
nements provisoirement secrets dont chaque participant fut, est encore, l'agent
et ensemble le patient, sinon ce qui, à l'heure où nous écrivons, est en train de
vivre en chacun, de mûrir, de se fixer, de se sublimer ou de se dégrader. Sinon
encore cette sorte d'épiphénomène du mouvement, la parole écrite : tracts,
communiqués, affiches, inscriptions, dont les divers « services de presse » furent
les auteurs délégués et dont la collection complète se trouve, paraît-il, à la Biblio
thèque Nationale et Universitaire. De cet ensemble de textes, nous avons extrait
• un corpus, par l'analyse duquel nous avons essayé d'esquisser la reconstitution
du système de la révolution écrite.
Faut-il souligner que nos analyses sont éminemment partielles, tant par
l'insuffisance du corpus retenu que par le caractère particulier du point de vue
adopté? Avant de les livrer telles qu'elles sont, un dernier aveu s'impose. Si le
mouvement, comme nous le disions en commençant, est en train d'être absorbé
imaginairement par la société de consommation, il risque de l'être aussi par la
société universitaire (considérer l'événement avec son regard professionnel et
ses lunettes déformantes) et par la société structuraliste (dont on nous dit que,
sans le savoir, ou en le sachant, elle emprunte ses présupposés à une idéologie
réactionnaire). En définitive, en écrivant ces textes, qu'avons-nous fait ?
I. ÉTUDE SÊMIOTIQUE
DE LA COMMUNICATION ORALE
DANS LE CONSEIL ÉTUDIANT
I. ORIGINES DE LA PROBLÉMATIQUE
Avec un recul temporel très court et en nous fondant sur un corpus de référence
à la fois incomplet et peu systématique, nous proposons de voir de manière
générale ce que l'analyse sémiotique du Conseil étudiant de Lettres, qui a siégé
durant six semaines environ, peut nous révéler sur certains aspects formels
de l'échange de l'information dans un groupe fonctionnant selon les normes de
la démocratie directe. Comme il n'existe ni compte rendu sténographique, ni
même résumé des séances, nous nous reportons aux notes que nous avons prises
lors des multiples fois où avons assisté au Conseil étudiant, et nous utilise
rons, en cas de besoin, les souvenirs d'autres témoins. D'ailleurs, comme nous ne
prétendons en faire ni une histoire, ni une chronique, nous ne nous servirons de
ces données qu'à titre d'exemples, à traiter d'une façon qui procède à la fois de
la réduction éidétique de Husserl et de la commutation de Troubetzkoy x, et cher
cherons à en dégager un certain nombre de traits essentiels, propres à la structure
1. Cf. E. Husserl, Idées directrices pour une phénoménologie, trad. P. Ricœur, Paria,
Gallimard, 1° éd. 1950, et N.-S. Troubetskoy, Éléments de phonologie, trad. J. Canti*
neau, Paris, Klincksieck, 1° éd. 1940.
119 Georges Lanteri- Laura et Michel Tardy
originale qu'y prend l'échange de l'information, valables quel que soit le contexte
anecdotique de chaque séance et révélateurs d'un certain nombre de relations
nécessaires. C'est pourquoi les insuffisances de notre corpus ne nous gêneront pas
dans la mesure où nous allons tenter, non pas de dessiner les détails d'un certain
devenir dont nous chercherions à ébaucher la chronique, mais de comprendre
certains traits de la démocratie directe comme déterminés par les lois propres à
l'origine, à l'échange et à la réception de l'information, dans cette situation
typique qui est celle du Conseil étudiant. Il se peut que, plus tard, les résultats
de nos analyses servent à un travail historique, mais nous ne cherchons à
entreprendre rien de tel pour le moment : notre but reste purement struc
tural.
Nous conduirons notre travail selon deux rubriques principales, dont la conju
gaison nous permettra de dégager l'essentiel des caractères formels en cause.
Dans un premier temps, nous analyserons selon quelles structures l'information,
dans le Conseil étudiant et les commissions qui en dérivent, est créée, se manifeste
et est reçue au cours d'échanges très spécifiques, fort différents du discours et
du dialogue, et qui nous permettront de préciser quelques relations essentielles,
conditions formelles et déterminantes du contenu de chaque séance. Dans une
seconde réflexion, nous verrons comment l'étude de la temporalité aide à conce
voir un certain nombre de modèles de ces échanges de l'information : cette étape
nous permettra de comprendre jusqu'à quel point, et à travers quelles médiations,
ces structures de l'information motivent les contenus mêmes qui

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