La scène juridique - article ; n°1 ; vol.26, pg 62-77
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Description

Communications - Année 1977 - Volume 26 - Numéro 1 - Pages 62-77
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1977
Nombre de lectures 25
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Florence Dupont
La scène juridique
In: Communications, 26, 1977. pp. 62-77.
Citer ce document / Cite this document :
Dupont Florence. La scène juridique. In: Communications, 26, 1977. pp. 62-77.
doi : 10.3406/comm.1977.1394
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1977_num_26_1_1394Florence Dupont
La scène juridique
sous affranchis privé en spectacle, Nous peine de partirons ses et d'infamie. dans droits des esclaves. ces d'une civiques Ludi Et et énigme Pourquoi? exigés sous *. la par : la République, les Pourquoi scène dieux, romaine redescendra-t-il tout on ne citoyen est voit interdite s'y qui produire dégradé, se aux sera citoyens que infâme, donné des
Pourquoi, quand, en 240 av. J,-C, les Romains demandent à Livius Andro-
nicus 2 de faire entrer d'un seul coup dans la cité romaine la tragédie et la coméd
ie, importées de l'univers de la cité grecque, ne reçoivent-elles leur naturali
sation qu'à titre privé? Pourquoi sont-elles exclues de l'espace politique? Pour
quoi d'emblée le théâtre à Rome n'est-il qu'un spectacle, et non une institution
civique, rompant ainsi avec le statut premier du théâtre grec?
Car à Athènes, « la tragédie... est une institution sociale que, par la fondation
des concours tragiques, la cité met en place à côté de ses organes politiques et
judiciaires. En instaurant sous l'autorité de l'archonte éponyme, dans le même
espace urbain et suivant les mêmes normes institutionnelles que les assemblées
ou les tribunaux populaires, un spectacle ouvert à tous les citoyens, dirigé,
joué, jugé par les représentants qualifiés de diverses tribus, la cité se fait théâ
tre 3 ».
A Rome au contraire, en même temps que les citoyens se voyaient interdire
l'accès de la scène, l'espace théâtral était systématiquement déconstruit dans
sa structuration politique. Outre la coupure sociale entre acteurs et spectateurs,
V orchestra, lieu d'évolution du chœur, de ces citoyens-amateurs, médiateurs,
représentants de la cité et commentateurs de l'action, perd sa fonction. L'orchest
ra est occupée par le public, investie par les notables qui y ont leurs bancs 4.
Les acteurs sont refoulés dans l'ancien espace des protagonistes. Et cette confu
sion entre acteurs et chœur, qui faisait partie du programme d'Aristote 5, co
nsommant la mort civile du théâtre, le constituait comme spectacle : porte ouverte
à la théorie de la mimésis. Cessant d'être en rapport de contiguïté avec la réalité
collective, la scène va établir avec elle un de ressemblance; cela pour
les Aristotéliciens et les Grecs.
1. Dig., Ill, 2.1.
2. Tite Live, VII, 2. 8.
3. J.-P. Vernant, Mythe et Tragédie en Grèce ancienne, Maspero, 1972, p. 24.
4. Vitruve, V, 6 et 8.
5. Aristote, Poétique, 1456 a 25.
62 La scène juridique
Mais la coupure à Rome n'est grosse ni de mimésis ni de métaphore, elle est
plus qu'une politique, c'est une coupure avec le réel même. La scène y
est le lieu de Tailleurs. Le théâtre à Rome n'a jamais été une institution sociale,
il n'a emprunté sa structure à aucune norme institutionnelle. Fenêtre ouverte
sur l'étrangeté. Et qui passe le mur invisible, meurt à la politique, meurt à la
cité. Pourquoi? Comment s'est constituée, cette théâtralité nouvelle, cette
étrangeté dangereuse? Comment la scène devint-elle l'autre côté du miroir?
Nous partons d'une énigme. Non pour la résoudre, non pour ajouter notre
pierre au mur philologique qui barre l'horizon. Prétendre résoudre les énigmes?
Pourquoi pas déjouer les oracles? Non, l'énigme ne parle pas, l'énigme ne ment
pas, elle fait signe. L'énigme surgit de notre ignorance et de notre prétention.
Elle vient soudain bloquer le discours de la connaissance. L'énigme est une
Peste. Que tout s'arrête ! Revenez en arrière, allez interroger la Mémoire ! Vous
retrouverez la Vérité oubliée, la Véritée refoulée. Seuls les esprits doctrinaires
et tyranniques veulent résoudre les énigmes et refusent d'entendre le signal
de la Peste. L'énigme nous nargue comme la Sphinge à l'entrée de Thèbes.
Quelque cadavre gît là-bas, sans doute, au. carrefour des-trois-routes. Retour
nons. Nous avions eu tort de vouloir forcer le passage, tort de croire à une théâ
tralité unique importée telle quelle de Grèce à Rome. Nous avions eu tort de
croire au Théâtre. Revenir au carrefour, c'est retrouver ce Romain au corps
immobile, figé dans une contemplation fascinée de la scène, c'est regarder quelle
répartition constituée des actes de parole dans la République romaine l'intru
sion de la parole théâtrale grecque venait bouleverser, c'est ressusciter le citoyen
romain dans son corps politique et sa puissance sacrée. -
A toute institution ses institutions linguistiques, qui structurent
paroles privées et paroles publiques. A Athènes, le théâtre est l'une d'elles. La
cité du démos avait institué dans le cercle de l'orchestra le discours sans effet,
la parole légère, bref, la poésie tragique. Elle avait créé un lieu politique où le
mythe perdait son « charme », où le récit n'avait plus, l'aveu public pas encore,
valeur d'événement. Et ce lieu, elle l'avait créé à l'image de la première inst
itution démocratique, l'Assemblée.
D'une politique, l'autre — et d'un théâtre aussi. Dans le cercle athénien,
cercle symbolique de la communauté démocratique1, la parole individuelle
peut réaliser sa métamorphose en loi : ^n une parole collective, intemporelle,
normative. Elle s'y détache de son sujet, elle se fige, définitivement anonyme,
en nomos, ou meurt. Dans ce cercle, le logos échappe à la communication, échappe
au contexte, devient le nomos, prend place dans le présent absolu de la vérité
et de l'ordre, ce que certains appellent le futur, d'autres l'écriture. A une condi
tion pourtant, que, sur les bords du cercle, les citoyens approuvent, votent et
réalisent cette métamorphose. Sinon, parole refusée, parole envolée, c'était uq
coup pour rien. Mais vraiment pour rien. Quelque impie, monstrueux qu'ait pu
être le projet, tout est effacé. La parole n'a pas touché terre. Tout le monde est
indemne : les individus, comme la cité. Parenthèse. La rotondité grecque ou
l'abolition du sujet proférateur.
Pas de rotondité romaine dans le rectangle de la Curie, les Pères signent de
leur nom les sénatus-consultes.
1. P. Vidal-Naquet, in Encyclopaedia Universalis, s.v, Grèce.
63 Florence Dupont
Alors à la question : où s'est situé le théâtre à Rome? Quel était son lieu dans
la géographie des discours et des espaces civiques? — « Nulle part » répond le
droit qui dégrade l'acteur; « nulle part » répond le sénat républicain qui interdit
la construction des théâtres. « Partout » répondront, sous l'Empire, les archi
tectes et les empereurs, les philosophes et les évêques, les historiens et les poètes.
Partout, nulle part. Car le théâtre installé dans les marges de l'institution,
en rupture avec le réel politique, fixé par aucune définition, devenait Tailleurs
d'une civilisation en mal de représentation, et le signifiant de toutes ses censures.
Donc, reprenant la perspective en sens inverse, regardons le théâtre romain
comme le lieu hors la loi frappé d'infamie. « Voilà <les termes du préteur : est
marqué d'infamie celui qui sera monté sur une scène pour jouer ou déclamer 1. »
Telle était la Loi, dans toute sa rigueur, strictement énoncée par Antistius
Labeo à l'époque de Cicéron. L'acteur • connaissait le même sort que le faux
témoin, le bigame ou lé proxénète. 'Il devenait infamis.
Ce qu'était Yinfamia n'est jamais défini chez les jurisconsultes. Ses effets
légaux varient d'un siècle à l'autre. Brièvement, on peut dire qu'ils s'inscrivent
dans l'ordre de la capitis deminutio. Non, l'infâme n'avait pas la tête coupée.
Ou plutôt si, mais le citoyen

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