La Thessalie des magiciennes - article ; n°1 ; vol.6, pg 265-275
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Description

Collection de la Maison de l'Orient méditerranéen. Série archéologique - Année 1979 - Volume 6 - Numéro 1 - Pages 265-275
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1979
Nombre de lectures 95
Langue Français

Extrait

Jacques Cazeaux
La Thessalie des magiciennes
In: La Thessalie. Actes de la Table-Ronde, 21-24 juillet 1975, Lyon. Lyon : Maison de l'Orient et de la Méditerranée
Jean Pouilloux, 1979. pp. 265-275. (Collection de la Maison de l'Orient méditerranéen. Série archéologique)
Citer ce document / Cite this document :
Cazeaux Jacques. La Thessalie des magiciennes. In: La Thessalie. Actes de la Table-Ronde, 21-24 juillet 1975, Lyon. Lyon :
Maison de l'Orient et de la Méditerranée Jean Pouilloux, 1979. pp. 265-275. (Collection de la Maison de l'Orient méditerranéen.
Série archéologique)
http://www.persee.fr/web/ouvrages/home/prescript/article/mom_0244-5689_1979_act_6_1_1436LA THESSALIE DES MAGICIENNES
Nous avons jusqu'ici pns en considération la Tbessalie, comme il
était juste, et les Thessaliens. Nous allons maintenant partir à la recherche
de la «Thessalienne», au féminin : la Thessalienne sera mon inspiratnce...
Mais c'est un personnage redoutable, puisque son nom est devenu
synonyme de «sorcière» ou de «magicienne». Dans le champ des auteurs
de littérature, où j'ai mené l'enquête, cette dame use de charmes qui font
plutôt frémir, et, comme dernier tour, nous verrons qu'elle a réussi à s'e
scamoter pour ainsi dire elle-même.
Trêve de préliminaires. Qui est-elle, cette «Thessalienne» ?
Surprenons-la chez cet Espagnol fougueux et coloré qui décrivit
une grande aventure thessalienne avec la Pharsale. Lucain dépeint au livre
6 le cadre des opérations. Plus soucieux de réalisme «historique» et moral
que de mythologie, il rencontre une occasion rêvée pour un poète : au
terme d'un certain nombre de pages descriptives mais dont le style ampoul
é ne peut qu'égarer le géographe trop précis, Lucain veut que Pompée
vienne interroger une magicienne du pays. Il suffit que le voyageur, le
poète, le soldat passe en Thessalie pour qu'on lui vante la spécialité dan
gereuse et fascinante qui fait la moitié de sa réputation. La magicienne de
Pompée s'appelle Ênctho, d'un nom bien trop mythologique et suggestif
pour être anecdotique ! La consultation nous est racontée dans tous ses
détails, et quels détails... Erictho ne se contente pas des honnêtes présages
de Delphes ou de Dodone ; elle ne s'en tient pas aux pratiques déjà sus
pectes des magies ordinaires : la sienne condense les recettes les plus
«La Thessalie», CMO 6, Arch. 2, Lyon 1979. Jacques CAZEAUX J. CAZEAUX 266
horribles qu'on prête aux Thessaliennes, et particulièrement celles d'une
nécromancie raffinée. Lucain épargne peu ses lecteurs1 .
Oui, «dira Thessalis». Mais peut-être est-elle simplement issue de
la cruelle réputation des femmes de Thessalie.
Première partie . La réputation de la Thessalie
Les détails que l'imagination de Lucain a bien voulu broder ou
ressusciter nous sont en général refusés dans les textes littéraires qui font
allusion à la magie thessalienne. En les rassemblant, on trouve seulement
que la Thessalie jouit d'une réputation globale, massive, indiscutée : elle
est le pays de la magie par excellence, au même titre qu'on la veut la patrie
des chevaux les plus renommés. Et quand Pline retrace l'histoire des pra
tiques de sorcellerie, il résume bien la situation. Il distingue l'époque où
l'Orient était seul touché par les superstitions, de l'époque nouvelle où,
par la Thessalie, le monde grec en fut atteint. Il s'étonne alors que les
sujets du vaillant Achille, les disciples de Chiron, se soient égarés à ce
point dans la magie que «'matrones thessaliennes' ait servi de surnom pour
désigner dans nos régions les magiciennes»2 . Puis il évoque une pièce de
Ménandre, aujourd'hui pratiquement perdue, La Thessalienne , qui mettait
en scène des femmes de Thessalie en train de faire descendre la lune...
Ménandre nous fait défaut, et peut-être nous aiderait-il à préciser
les activités des Thessaliennes et à tirer de leur obscurité ces magiciennes
renommées. Toujours est-il que Pline prend les choses exactement sous
l'angle où nous les voyons aujourd'hui encore : car c'est d'une réputation
que les Thessaliennes bénéficient; c'est un «on dit» qui les affuble de ver
tus maléfiques. Tout le monde se souvient de l'allusion faite par Platon :
«Méfie-toi, dit Socrate à Calliclès, ne nous arrivera-t-il pas ce qui arrive,
dit-on, aux Thessaliennes qui décrochent la lune au prix de ce qu'elles ont
de plus cher...!» (Gorgias, 513a). Et, dans les Nuées, v.749, Aristophane
imagine qu'on pourrait éviter les échéances tombant à la fin du mois en
louant les services d'une Thessalienne ·. elle ferait disparaître la lune, éga
lement, de sorte que la fin du mois ne se constaterait jamais... (cf. Apollo
nius de Rhodes, scholie 4, 59).
Or, les Latins évoquaient aussi la Thessalienne. Par «latins», nous
entendons ici les auteurs de littérature. Les dires de Pline se trouvent
amplement confirmées, puisque Rome ne se contentait pas des traditions
similaires de l'Étrurie, pourtant voisine, mais éprouvait le besoin de suivre
les Athéniens en se faisant peur grâce à la «Thessalienne». Ce fait montre LA THESSALIE DES MAGICIENNES 267
déjà que nous sommes en présence d'une tradition littéraire, sans doute,
bien plus que d'une réalité. Voici quelques échantillons latins :
«...Périt, miser !...
Ego pol ilium ulciscar hodie Thessalum ueneftcium
qui peruorse perturbauit familiae mentem meae.»
...Je suis perdu !...
Mais, nom du Chien, je me vengerai aujourd'hui même de ce
philtre thessalien qui a tortueusement tourné en boule la cervelle
de ma maison !...»
?\a.ute, Amph. 1043
«portentaque thessala rides ?...»
«Te moques-tu des miracles de Thessalie ?...»
Horace, Ep. 2, 2, 209
Quae saga, quis te soluere Thessalis
magus uenenis, quis te poterit deus ?
Vix inligatum te triformi
Pegasus expediet Chimaera ?
«Quelle est la sorcière, quel est le magicien qui pourra te délivrer
en usant de philtres thessaliens ? ou quel dieu ?
Horace, Odes, 1, 27, 21 :
la gradation des recours parle d'elle-même : au-dessus des pratiques thessa-
liennes, il n'y a plus qu'une puissance divine.
La tradition continue, avec un Sénèque, dans Hercules Oetaeus
v.465s. : Déjanire espère «enchanter» son Hercule...
«Quas pontus herbas générât aut quas Thessala
sub rupe Pindus alit ubi inueniam malum
cui cedat ille ? Carmine in terras mago
descendat astris luna desertis licet...-»
Quelles sont les herbes que fait venir le Pont,
quelles sont les que nourrit le Pinde de Thessalie
et qui domineront (Hercule) ? Puisse l'incantation magique
faire que la lune abandonne les astres...»
Parmi tous les textes, il faut évidemment rappeler sans attendre
les versions de Y Ane, celle, grecque, de Lucien, comme celle d'Apulée.
L'action se déroule, du fait même de sa nature, en Thessalie. Au héros
nouvellement arrivé dans cette contrée et qui s'étonne qu'on cherche un
gardien pour un mort, le vieillard rétorque : 268 J.CAZEAUX
«Tace, respondit ille, nam oppido puer et satis peregrinus es
mentoque ignoras Thessaliae te consistere, ubi sagae mulieres
ora mortuorum demorsicant, eaque sunt Ulis artis magicae sup-
plementa ?»
«Chut ! répondit-il, voyons : ...tu es assez étranger pour ignorer
que tu te trouves dans un coin de Thessalie où les sorcières vien
nent mordre la figure des morts, qui leur donnent ainsi des outils
de magie ? ...» (Métam. ,2,21)
Ces quelques références permettent simplement de manifester la
vedette dont le nom de Thessalie jouit de façon proverbiale... Mais en fait
elles apportent bien en apparence une série de précisions sur l'art de nos
magiciennes. Nous aurions pu au passage souligner ces renseignements :
- on procède grâce à des herbes (Horace, Sénèque, Apulée...)
- le pouvoir des sorcières touche à celui des dieux. Et nous savons,
comme un trait curieux, redoutable, que les magiciennes de Thessalie pre
naient barre sur les dieux comme sur les puissances qui régissent l'atmo
sphère (par exemple, ci-dessus, la fin du texte de Sénèque). Un beau
passage d'Hippocrate prend acte de ce pouvoir et le juge, d'une manière
à la fo

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