Le dernier défenseur des tourbillons : Fontenelle. - article ; n°3 ; vol.7, pg 220-246
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Description

Revue d'histoire des sciences et de leurs applications - Année 1954 - Volume 7 - Numéro 3 - Pages 220-246
27 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1954
Nombre de lectures 13
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

François Grégoire
Le dernier défenseur des tourbillons : Fontenelle.
In: Revue d'histoire des sciences et de leurs applications. 1954, Tome 7 n°3. pp. 220-246.
Citer ce document / Cite this document :
Grégoire François. Le dernier défenseur des tourbillons : Fontenelle. In: Revue d'histoire des sciences et de leurs applications.
1954, Tome 7 n°3. pp. 220-246.
doi : 10.3406/rhs.1954.3438
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhs_0048-7996_1954_num_7_3_3438Le dernier défenseur des tourbillons
Fontenelle
1686-1752, ces deux dates définissent très exactement (1) la
période d'activité « publique » de Fontenelle savant — et, parallèl
ement, délimitent en abscisse, si l'on peut dire, la branche descen
dante de l'histoire du cartésianisme scientifique, la lente et pro
gressive désaffection des esprits à l'égard d'une «Weltanschauung »
qui, pour toute une génération, avait semblé définitive.
1686, c'est la grande vogue du système tourbillonnaire, tel que
l'exposent les IIIe et IVe Parties des Principes, tel que l'ont diffusé
le Traité de physique de Rohault (1671) et, à partir de- 1680, les
conférences de Régis ; le jeune Fontenelle — il a alors 28 ans,
conquiert d'un coup l'estime des spécialistes en même temps que
celle des salons par cette mise au point de l'état « actuel » de la
science astronomique que sont les Entretiens sur la pluralité des
mondes habités (2) ; étonnante réussite scientifico-littéraire, on le
sait, qui, sous le masque d'un demi-badinage avec une marquise
avide de savoir, développe cette grandiose vision cartésienne de
l'Univers selon laquelle il n'est « en grand que ce qu'une montre
est en petit » (premier Soir).
1752 : le parti newtonien conduit par Maupertuis et d'Alembert
s'est, enfin, imposé en France ; depuis plusieurs années déjà les
expéditions de Laponie et du Pérou ont confirmé, par cette expé
rience cruciale qu'était la mesure de la « figure de la Terre », la
justesse des principes de Newton ; on en est au stade de la grande
vulgarisation (les Élémens de Voltaire datent de 1738) ; et nul
n'oserait, dans les cercles « éclairés » où s'élabore Г Encyclopédie,
(1) Si l'on fait abstraction de la Communication sur une propriété du nombre 9 (« très
petite et très légère production de ma jeunesse », en a-t-il lui-même jugé) parue en 1685,
dans les Nouvelles de la République des Lettres publiée par Bayle.
(2) Les Entretiens « marquent l'apogée du cartésianisme dans la pensée française »
( Mouy, Le développement de la physique cartésienne, p. 176). DERNIER DÉFENSEUR DES TOURBILLONS : FONTENELLE 221 LE
prononcer le mot de Tourbillon. Cependant, Fontenelle, bien plus
que nonagénaire, ose braver le ridicule et le péril de compro
mettre une réputation universelle en publiant (anonymement, il est
vrai ; mais d'un anonymat aisé à percer : et les contemporains ne s'y
sont pas trompés), un Système des tourbillons qui constitue son
dernier effort, et presque héroïque, pour défendre une conception
du monde à laquelle il reste presque seul à croire (1).
Entre ces deux dates, Fontenelle s'est inlassablement attaché au
rôle de propagandiste du cartésianisme ; plus spécialement, tout au
long de ses quarante-trois années (1697-1740) de secrétariat à
l'Académie des Sciences, il a été le chef presque officiel du clan
cartésien. Chef, d'ailleurs, au sens ď « animateur » plus que de
« guide » : dans le domaine des sciences de la nature tout comme
dans celui des mathématiques — ou de. la philosophie, ou du
théâtre — se révèle la caractéristique essentielle de ce brillant
esprit d'être totalement dépourvu de génie créateur ; et tout comme
les 548 pages de ses Élémens de la géométrie de l'infini (parus
en 1727) ne constituent rien de plus qu'un tableau synthétique de
l'acquis de son époque en la matière, ses Éloges académiques et ses
Préfaces aux volumes annuels de l'Histoire de l'Académie se limi
tent à présenter, louer, vulgariser les mémoires de ces autres carté
siens acharnés, Mairan, Villemot, Privât de Molières..., qui, eux,
se dépensaient en hypothèses neuves, en « systèmes » ingénieux,
pour défendre le tourbillonnisme en danger et même contre-atta-
quer les thèses newtoniemies sur leur propre terrain (2).
- Là d'ailleurs n'est pas la question ; ce qui doit retenir l'attention
de l'historien, ce n'est pas tant l'aspect plus ou moins novateur de
la pensée fontenellienne que sa constance, son acharnement et
presque sa violence pendant de si longues années, pour soutenir
une cause toujours plus douteuse ; caractéristiques qui constituent
un véritable paradoxe lorsqu'on évoque, contradictoirement, la
personnalité profonde de Fontenelle tel qu'il s'est dépeint lui-
même et tel que l'ont vu ses contemporains : l'esprit souple et
ouvert (« je ne suis prévenu pour aucun système et... je ne rejetterai
(1) « Toujours fidèle à Descartes, il est demeuré ferme sur les ruines du système de
ce grand philosophe ; et resté presque seul au centre des tourbillons enfoncés de toutes
parts, il s'est laissé entraîner avec eux » (Éloge de Fontenelle à l'Académie des Inscrip-
■ tions et Belles-Lettres).
(2) Le Système des tourbillons de 1752 ne présente, lui-même, rien d'original ni de
personnel — en dépit de son titre : il constitue simplement une synthèse (un peu confuse
parfois) des commentaires « académiques » de Fontenelle. : revue d'histoire des sciences 222
aucune opinion pour être contraire à la mienne ») (1) ; le sceptique
tantôt souriant (comme lorsqu'il se divertit à troubler l'interlo
cutrice des Entreliens en soutenant à tour de rôle les points de vue
les plus opposés), tantôt métaphysicien (imaginant un « sixième
sens » qui bouleverserait toute notre science), tantôt scientifique
(« l'histoire de la philosophie apprend aux plus grands génies qu'ils
ont eu leurs pareils et que leurs pareils se sont trompés ») (2),
tantôt inquiet (« je suis effrayé de la certitude qui règne autour de
moi ») (3) ; le désabusé qui sait combien peu les hommes ont vra
iment besoin de vérité (« j'aurais la main pleine de vérités que je ne
l'ouvrirais pas pour le peuple ») (4) ; le modéré, enfin, soucieux avant
tout d'ataraxie, ennemi de la discussion, surtout agressive, convaincu
d'ailleurs que tout échange de vues est par principe stérile (5).
Ce saisissant contraste est susceptible, sans doute, de bien des
explications.
On pourrait tout d'abord (s'appuyant sur un fameux et peu
tendre tableau de La Bruyère) (6) y voir l'effet du désir de briller
en s'opposant par système aux opinions admises ; ou, de façon
encore plus simpliste, le résultat d'une déficience intellectuelle,
d'une inaptitude venue avec l'âge à comprendre les conceptions
nouvelles (7). Mais comment expliquer alors l'extraordinaire viva
cité d'esprit que jusqu'à ses derniers jours (cent témoignages en
font foi) a conservée Fontenelle, les innombrables preuves en tant
d'autres domaines de cette intelligence « voisine de la pureté idéale
de sa substance..., admirable qui comprend vite et qui
comprend tout, qu'aucune image ne déforme, qu'aucun sentiment
ne séduit » (8).
Attribuera-t-on (avec Flourens) son opposition systématique à
(1) Lettre au P. Castel, 7 avril 1728.
(2) Éloge de Leibniz.
(3) Cité par C. d'Avallon, Fontenelliana.
(4) Cité par Colombey, Histoire de la littérature française, t. II, p. 69.
(5) II louange Manfredi (Éloges) en ces termes : « Quand il avait lieu de contredire
quelqu'un, il prenait le parti de se taire plutôt que de relever les erreurs sous prétexte
d'instruire. Il est fort douteux qu'on instruise et sûr qu'on choquera. »
(6) Portrait de Cydias [Fontenelle], Caractères, chap. V.
(7) Telle serait, par exemple, la conclusion qui se dégagerait implicitement de l'étude
de L. Bloch sur la Philosophie de Newton : la pens&

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