Le développement inégal de la technologie des lasers industriels en France et en Allemagne - Quelques enseignements pour la politique technologique - article ; n°1 ; vol.76, pg 91-113

Achim Wolter, Helwig Schmied, Thomas Pùtz

Description

Revue d'économie industrielle - Année 1996 - Volume 76 - Numéro 1 - Pages 91-113
Selon la théorie économique, la politique technologique d'un État doit être guidée par le respect à la fois du caractère cumulatif de technologies nouvelles et de son propre système national d'innovation. Dans cette optique, cet article compare les politiques technologiques françaises et allemandes. En particulier, la technologie du laser industriel est choisie comme étude de cas comparative pour mettre en évidence les approches différentes des deux pays. Une fois les politiques technologiques des deux pays identifiées, leurs réussites respectives sont comparées aux conclusions délivrées par la théorie. Ainsi, la réussite relativement plus importante de la technologie du laser industriel en Allemagne se révèle conforme aux conclusions théoriques car elle va de pair avec un système technologique plus « dynamique » tenant mieux compte des caractéristiques de cette technologie nouvelle. De plus, il est confirmé que les deux pays disposent de systèmes nationaux d'innovation différents et il semble que la réussite allemande dans ce cas est également due à une correspondance plus grande de la technologie du laser à un système d'innovation orienté vers la diffusion technologique.
According to economic theory, the technology policy of a country should be guided by the respect of both, the cumulative character of new technologies and the specific national innovation system. In this context, the present article compares French and German technology policies. The industrial laser technology is chosen as a comparative case study in order to highlight the different approaches in the two countries. Having identified the technology policies in the two countries, their respective successes are compared to what would be expected from theory. The relatively greater success of the industrial laser technology in Germany is in accordance with the theoretical conclusions as it goes hand in hand with a more « dynamic » technological system which is more adapted to the characteristics of this new technology. Furthermore, it is confirmed that the two countries dispose of different national innovation systems and it seems that the German success in this case is like-wise based on a better fit of the laser technology to a diffusion-oriented innovation system.
23 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: REVUE_D-ECONOMIE_INDUSTRIELLE
• Publié le: 01 janvier 1996
• Nombre de lectures: 32
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

Achim Wolter
Thomas Putz
Helwig Schmied
Le développement inégal de la technologie des lasers
industriels en France et en Allemagne - Quelques
enseignements pour la politique technologique
In: Revue d'économie industrielle. Vol. 76. 2e trimestre 1996. pp. 91-113.
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Wolter Achim, Putz Thomas, Schmied Helwig. Le développement inégal de la technologie des lasers industriels en France et en
Allemagne - Quelques enseignements pour la politique technologique. In: Revue d'économie industrielle. Vol. 76. 2e trimestre
1996. pp. 91-113.
doi : 10.3406/rei.1996.1626
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rei_0154-3229_1996_num_76_1_1626Résumé
Selon la théorie économique, la politique technologique d'un État doit être guidée par le respect à la fois
du caractère cumulatif de technologies nouvelles et de son propre système national d'innovation. Dans
cette optique, cet article compare les politiques technologiques françaises et allemandes. En particulier,
la technologie du laser industriel est choisie comme étude de cas comparative pour mettre en évidence
les approches différentes des deux pays. Une fois les politiques technologiques des deux pays
identifiées, leurs réussites respectives sont comparées aux conclusions délivrées par la théorie. Ainsi,
la réussite relativement plus importante de la technologie du laser industriel en Allemagne se révèle
conforme aux conclusions théoriques car elle va de pair avec un système technologique plus «
dynamique » tenant mieux compte des caractéristiques de cette technologie nouvelle. De plus, il est
confirmé que les deux pays disposent de systèmes nationaux d'innovation différents et il semble que la
réussite allemande dans ce cas est également due à une correspondance plus grande de la
technologie du laser à un système d'innovation orienté vers la diffusion technologique.
Abstract
According to economic theory, the technology policy of a country should be guided by the respect of
both, the cumulative character of new technologies and the specific national innovation system. In this
context, the present article compares French and German technology policies. The industrial laser
technology is chosen as a comparative case study in order to highlight the different approaches in the
two countries. Having identified the technology policies in the two countries, their respective successes
are compared to what would be expected from theory. The relatively greater success of the industrial
laser technology in Germany is in accordance with the theoretical conclusions as it goes hand in hand
with a more « dynamic » technological system which is more adapted to the characteristics of this new
technology. Furthermore, it is confirmed that the two countries dispose of different national innovation
systems and it seems that the German success in this case is like-wise based on a better fit of the laser
technology to a diffusion-oriented innovation system.Achim WOLTER,
Thomas PÜTZ,
et Helwig SCHMIED
ERMITE/ENSPS,
Université Louis Pasteur de Strasbourg
LE DEVELOPPEMENT INEGAL
DE LA TECHNOLOGIE DES LASERS
INDUSTRIELS EN FRANCE
ET EN ALLEMAGNE
QUELQUES ENSEIGNEMENTS
POUR LA POLITIQUE TECHNOLOGIQUE (1)
Mots clés : Politique technologique, Systèmes Nationaux d'Innovation, Diffusion de tech
nologie, Comparaison Franco-Allemande, Technologie du laser industriel
Key words : Technology policy, National System of Innovation, Diffusion of technology,
French-German Comparison, Industrial laser technology
I. — INTRODUCTION
Du point de vue économique, les années 80 ont été marquées par le déve
loppement de nombreuses technologies nouvelles et par une concurrence glo
bale sans cesse croissante entre les pays industrialisés. En Allemagne, cela a
conduit à un débat sur 1'« Allemagne, site de production » au cours des der
nières années. Dans ce débat, la baisse de l'activité innovatrice des entreprises
allemandes mettant en danger la position concurrentielle sur les marchés de
l'avenir fut un des leitmotivs. Bien souvent ces craintes ont engendré, en
Allemagne, des propositions pour le développement d'une politique indust
rielle, définie dans cet article comme promotion sélective des entreprises ou
secteurs particuliers par l'État. En Allemagne, traditionnellement, de telles
propositions rencontrent pourtant beaucoup de scepticisme, car l'on se deman-
(1) Les auteurs aimeraient remercier le Comité de lecture pour ses commentaires précieux sur
une version antérieure de cet article.
REVUE D'ÉCONOMIE INDUSTRIELLE — n° 76, 2e trimestre 1996 9 1 de de quelle façon l'État connaîtrait-il mieux les besoins des marchés que les
entreprises privées.
Par contre la France dispose d'une longue tradition en politique industrielle.
Depuis l'expression « modernisation ou décadence » du plan Monnet après la
deuxième guerre mondiale, la France a poursuivi un processus de rattrapage
largement dirigé par l'État, qui en a fait aujourd'hui la quatrième puissance
économique mondiale. Cependant, en France aussi, une discussion existe, à
savoir si ce processus a connu un tel succès à cause de ou en dépit de la poli
tique industrielle nationale (2). Particulièrement depuis les années 60, la
France a suivi une politique industrielle concentrée sur les secteurs « high
tech » dans le cadre des « grands projets », comme le Concorde, le TGV, le
nucléaire ou l'informatique (3). Bien que ces programmes aient été des succès
scientifiques et techniques, ils n'ont pas toujours été suivis d'un succès com
mercial et les « trente glorieuses », le miracle économique pendant les années
1950 à 1980, ont été plutôt fondées sur d'autres secteurs industriels, comme
l'automobile et la chimie.
Indépendamment de ces débats actuels en France et en Allemagne, il existe
donc une approche fondamentalement différente dans les deux pays au niveau
de la politique industrielle et plus particulièrement au niveau de la politique
technologique (4). Cette dernière est définie dans cet article comme soutien de
l'État au développement et à l'application des technologies nouvelles. Du
point de vue théorique, un tel soutien nécessite une explication, à savoir pour
quoi l'État devrait prendre des mesures d'aide aux entreprises, alors que
celles-ci savent mieux prévoir le succès commercial d'une technologie nouv
elle. L'explication (néo)classique d'un tel engagement public est la théorie de
1'« échec de marché ». Celle-ci ne justifie l'engagement que si le fonc
tionnement du marché est imparfait (5). Une telle approche ne s'applique
pourtant guère aux marchés de technologie car elle adopte une perspective trop
« myope » (6). Comme le constatent Sharp/Pavitt (1993, p. 130), une tech
nologie nouvelle est un bien très particulier qui englobe un ensemble de comp
étences, d'équipement et d'organisation. De plus, les technologies nouvelles
sont souvent multi-dimensionnelles, incodifiables et cumulatives, ce qui signi
fie que leur maîtrise suit un processus d'« apprentissage du passé » (learning
by doing). Par conséquent, il est difficile, voire impossible, de mesurer la
valeur d'une technologie indépendamment de son propriétaire et de son envi-
(2) Voir, par exemple, Pavitt (1976/77, p. 344), qui pose cette question.
(3) Voir Cohen (1992).
(4) Pour une description de la politique technologique en France et en Allemagne depuis 1945
voir Neumann/Uterwedde (1986).
(5) Pour une discussion plus approfondie voir Stoneman/Diederen (1994, pp. 920-921) ou
Sharp/Pavitt (1993, pp. 131-132).
(6) Voir par exemple Stoneman/Diederen (1994, pp. 925-926) ou Metcalfe (1994, p. 932).
92 REVUE D'ÉCONOMIE INDUSTRIELLE — n° 76, 2e trimestre 1996 ronnement (7), ce qui représente une difficulté pour sa commercialisation.
Comme une perspective statique ne permet pas à l'État de remédier à de telles
imperfections du marché, il paraît alors avantageux d' adopter, au niveau de la
politique technologique, une vue plus « dynamique », qui prend en compte les
caractéristiques citées de technologies nouvelles. Dans le domaine écono
mique, une telle approche est surtout soutenue par la théorie évolutionniste (8).
Dans ce contexte, Pavitt/Patel (1988, p. 51 et 1990, p. 11) proposent une
classification des systèmes nationaux technologiques selon leur horizon tem
poraire. En effet, une politique technologique est considérée comme «