Le milieu social et familial des forgerons du Gévaudan à la fin du Moyen Âge - article ; n°34 ; vol.17, pg 127-142
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Le milieu social et familial des forgerons du Gévaudan à la fin du Moyen Âge - article ; n°34 ; vol.17, pg 127-142

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Description

Médiévales - Année 1998 - Volume 17 - Numéro 34 - Pages 127-142
Les forgerons, souvent constitués en dynasties, se situent à l'intersection de deux couches de la société : celle des artisans, à laquelle ils appartiennent, et celle des négociants aisés. Par leurs alliances matrimoniales, ils tissent des liens avec les marchands et les officiers, sans rompre toutefois avec les autres catégories d'artisans moins favorisés. Malgré la modestie de leur condition, par rapport aux riches bourgeois des oligarchies régionales, l'honorabilité dont ils jouissent leur permet de s'associer aux pouvoirs locaux, grâce à la présence de fils placés au sein de l'Église et grâce à leur participation à l'administration des bailliages et des communautés d'habitants.
The Social and Family Environment of the Blacksmith of the Gévaudan in the late Middle Ages - Blacksmiths, often constituting dynasties, are situated at the intersection of two levels of society : that of craftsmen, to which level they belong, and that of prosperous tradesmen. By their marriage alliances they formed a network of ties with merchants and officers, without however cutting themselves off from the other, less favored, categories of craftsmen. Despite their modest condition when compared to the rich bourgeois belonging to the regional oligarchies, the respectability they enjoyed enabled them to share in the local powers, thanks mainly to the placing of their sons within the Church and to their participation in the administration of bailliages and communities of residents.
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 24
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Philippe Maurice
Le milieu social et familial des forgerons du Gévaudan à la fin du
Moyen Âge
In: Médiévales, N°34, 1998. pp. 127-142.
Résumé
Les forgerons, souvent constitués en dynasties, se situent à l'intersection de deux couches de la société : celle des artisans, à
laquelle ils appartiennent, et celle des négociants aisés. Par leurs alliances matrimoniales, ils tissent des liens avec les
marchands et les officiers, sans rompre toutefois avec les autres catégories d'artisans moins favorisés. Malgré la modestie de
leur condition, par rapport aux riches bourgeois des oligarchies régionales, l'honorabilité dont ils jouissent leur permet de
s'associer aux pouvoirs locaux, grâce à la présence de fils placés au sein de l'Église et grâce à leur participation à
l'administration des bailliages et des communautés d'habitants.
Abstract
The Social and Family Environment of the Blacksmith of the Gévaudan in the late Middle Ages - Blacksmiths, often constituting
dynasties, are situated at the intersection of two levels of society : that of craftsmen, to which level they belong, and that of
prosperous tradesmen. By their marriage alliances they formed a network of ties with merchants and officers, without however
cutting themselves off from the other, less favored, categories of craftsmen. Despite their modest condition when compared to the
rich bourgeois belonging to the regional oligarchies, the respectability they enjoyed enabled them to share in the local powers,
thanks mainly to the placing of their sons within the Church and to their participation in the administration of bailliages and
communities of residents.
Citer ce document / Cite this document :
Maurice Philippe. Le milieu social et familial des forgerons du Gévaudan à la fin du Moyen Âge. In: Médiévales, N°34, 1998. pp.
127-142.
doi : 10.3406/medi.1998.1420
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/medi_0751-2708_1998_num_17_34_1420Médiévales 34, printemps 1998, pp. 127-142
Philippe MAURICE
LE MILIEU SOCIAL ET FAMILIAL DES FORGERONS
DU GÉVAUDAN À LA FIN DU MOYEN ÂGE
Les études réalisées sur les forgerons s'attachent principalement à dépein
dre les aspects corporatifs, techniques ou économiques de leur profession. Cer
taines abordent la question sous un angle plus littéraire qu'historique ou socio
logique1. En fait, leur milieu social et familial demeure relativement mal connu
et les renseignements à ce sujet doivent être péniblement glanés dans des ouvra
ges assez variés. Cet article bénéficie de l'exploitation de plus de cent cinquante
cotes du minutier lozérien explorées à l'occasion d'une thèse de doctorat . Les
registres utilisés, rédigés par des notaires de Mende3, de Chirac4, de Vébron5,
du Malzieu6 et de Marvejols7, ont permis de constituer un fonds prosopogra-
phique rassemblant des fiches sur cent seize forgerons ayant vécu entre 1348
et 15008 ; toutefois un quart de ces hommes ne sont connus que par leur qualité
et pour avoir vendu ou acheté un bien, pour avoir délivré une quittance ou plus
simplement pour être occasionnellement intervenus comme témoins.
Ma démarche consiste à confirmer, ou infirmer, un sentiment progress
ivement né au fil de l'exploration des archives : à la fin du Moyen Âge, les
forgerons, loin d'être de petits artisans, appartiendraient à un milieu favorisant
leur ascension sociale9. Après avoir analysé leur fortune foncière et l'aisance
1. G. Antonetti, « Recherches sur la propriété et l'exploitation des hauts fourneaux dans le
Châtillonnais », Annales de Bourgogne, 1971 ; P.J. Hesse, La mine et les mineurs en France de 1300
à 1550, Nancy, 1968 ; M. Leroy, La représentation mythique du forgeron dans les croyances, les
mythes, les contes et les légendes d'Europe occidentale, Paris, 1981 ; R. de Lespinasse, Les métiers
et corporations de la ville de Paris. Orfèvrerie, sculpture, mercerie, ouvriers en métaux, bâtiment et
ameublement, Paris, 1892, tome II ; J. Schneider, Le fer à travers les âges, Nancy, 1956 ; C. Verna,
Les mines et les forges des Cisterciens en Champagne méridionale et en Bourgogne du Nord (xir-
xv siècle), Paris, 1995.
2. Ph. Maurice, La famille en Gévaudan au xv siècle, d'après les sources notariales
(1380-1483), Tours, thèse de doctorat, 1995, à paraître aux Presses Universitaires de la Sorbonne. Le
Gévaudan correspond à peu près au département de la Lozère.
3. Capitale du domaine de l'évêque-comte de Gévaudan, sise en plein cœur du pays (cf. carte
ci-dessous).
4. Seconde ville du domaine royal du Gévaudan, sise au centre-est du pays.
5. Ville des Cévennes, dans le sud du Gévaudan.
6.située au nord de notre région, sur les limites de l'Auvergne.
7. Capitale du domaine royal, limitrophe de Chirac.
8. J'ai volontairement exclu vingt-deux fiches concernant les autres artisans de la métallurgie,
serruriers, charrons, sonnaillers, chaudronniers, potiers d'étain, orfèvres et argentiers.
9. En Lyonnais, Guy de Valous a découvert trois familles de forgerons ou de ferratiers qui se 128 Ph. MAURICE
dont ils bénéficiaient afin de déterminer à quel milieu ils se rattachaient, nous
verrons que la concomitance du maintien de la tradition, à l'origine de la fon
dation des dynasties, et de l'ouverture de cette profession à des garçons issus
d'autres secteurs conditionnait les alliances matrimoniales et familiales avec milieux sociaux. Il restera alors à établir le rôle tenu par ces person
nages dans la société environnante.
L'implantation et la fortune des forgerons
En acceptant l'hypothèse que les patronymes dont l'étymologie se rattache
à un nom de métier, ou à un état social, révèlent le statut réel d'un ancêtre
éponyme, il apparaît que l'importance du forgeron à l'époque où les noms de
familles se sont fixés était essentielle. En effet, au xve siècle, « Fabri » est le
second patronyme le plus porté en Gévaudan, après « Martin » 10. Si des « Mart
in » ont été repérés dans vingt-trois paroisses du pays, les « Fabri » apparaissent
dans vingt et une11. Cela ne signifie aucunement qu'il y eut plus de forgerons
que de paysans, mais cela implique que les premiers furent assez nombreux
pour imposer une telle empreinte et que leur rôle fut assez important pour
marquer une distinction notable digne de les désigner durablement.
À la fin du Moyen Âge, l'implantation de l'artisanat est principalement
urbaine, bien que quelques professionnels habitent dans les campagnes. Georges
Duby remarque que les forgerons et les cordonniers sont les « premiers artisans
que l'on aperçoit dans les petits bourgs ruraux »12. En Gévaudan, si nous ren
controns occasionnellement des tailleurs dans les campagnes, un forgeron sur
dix est rural. Cela implique que le plus fort contingent de leur corporation est
citadin13, même s'ils sont les artisans les plus nombreux dans les campagnes14.
Il ne semble pas nécessaire de dresser une statistique des implantations
dans chaque ville dans la mesure où Mende est surreprésentée15. En revanche,
il est plus utile de signaler que les forgerons ruraux ne s'établissent pas forcé
ment au chef-lieu de la paroisse. Certains préfèrent un manse, comme Pierre
Çhabbert qui réside à Crueyze plutôt qu'à Saint-Sauveur-de-Peyre en 135916.
À plusieurs reprises, il est vrai, la raison de ce choix est aisément perceptible :
distinguèrent avec suffisamment de réussite pour s'intégrer à la bourgeoisie de cette cité au Moyen
Âge (Le patriciat lyonnais aux xnr et xiv siècles, Paris, 1973, p. 50, 341, 347, 375).
10. Ph. Maurice, La famille en Gévaudan au xv siècle, op. cit., p. 646.
11. Le Gévaudan comporte alors cent quatre-vingt-quatorze paroisses.
12. G. Duby, L'économie rurale et la vie des campagnes dans l'Occident médiéval, 1962, Paris,
rééd. 1977, p. 264-265.
13. Ce très fort écart entre le nombre de forgerons relevés dans les villes et celui des forgerons
qui vivent dans les campagnes ne peut résulter de nos sources la mesure où de très nombreux
ruraux font enregistrer leurs actes à Mende. S'il est impossible de dresser une statistique pour l'ensem
ble des actes consultés, il apparaît que 56 % des 992 testaments conservés émanent de citadins, alors
que 38 % seulement des fiancés ayant passé un des 1 154

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