Le monnayage de la Legio III Cyrenaica frappé à Bostra sous Antonin le Pieux - article ; n°160 ; vol.6, pg 155-173

Dominique Hollard

Description

Revue numismatique - Année 2004 - Volume 6 - Numéro 160 - Pages 155-173
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: REVUE_NUMISMATIQUE
• Publié le: 01 janvier 2004
• Nombre de lectures: 14
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Dominique Hollard
Le monnayage de la Legio III Cyrenaica frappé à Bostra sous
Antonin le Pieux
In: Revue numismatique, 6e série - Tome 160, année 2004 pp. 155-173.
Citer ce document / Cite this document :
Hollard Dominique. Le monnayage de la Legio III Cyrenaica frappé à Bostra sous Antonin le Pieux. In: Revue numismatique, 6e
série - Tome 160, année 2004 pp. 155-173.
doi : 10.3406/numi.2004.2556
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/numi_0484-8942_2004_num_6_160_2556Hollard* Dominique
Le monnayage de la Legio III Cyrenaica frappé
à Bostra sous Antonin le Pieux
(PL XII)
Résumé. — La création de la province romaine d'Arabie, en 106 de notre ère, éleva la cité
nabatéenne de Bosra au rang de capitale provinciale, sous le nom de Bostra. Cette étude exami
ne en premier lieu la réalité du monnayage « provincial » d'argent et de bronze localisé par cer
tains auteurs à Bostra. Il apparaît que ces séries doivent être en réalité attribuées à Rome,
Antioche et peut-être Cyrène. En revanche, c'est bien à Bostra que fut produit un monnayage de
bronze à légendes latines (sesterces, dupondii et as), frappé entre 140 et 144 au nom de la IIP
légion Cyrénaïque. Ces monnaies, qui mentionnent la légion au génitif, correspondent à une
émission spécifique de l'autorité militaire destinée à fournir aux soldats le numéraire dont ils
avaient besoin. Cette série se distingue nettement, par son iconographie, des frappes municipales
de Bostra. Elle est, à ce jour, la seule explicitement signée par une unité militaire romaine, mais
pourrait constituer l'indice d'une pratique répandue dans les zones nouvellement conquises par
l'Empire.
Summary. — The creation in AD 106 of the Roman province of Arabia raised the Nabatean
city of Bosra to the rank of provincial capital. This paper examines the so-called « provincial »
coinage of silver and brass attributed by some scholars to Bostra. It appears that these coins were
in fact struck in Rome, Antioch and perhaps also Cyrene, though the coinage with Latin legends
struck from 140 to 144 in the name of the legio III Cyrenaica was indeed minted in Bostra. This
coinage, with the legend in the genitive, was a special issue intended to supply soldiers with
necessary currency. Its iconography is very different from that of the civic coinage of Bostra,
being the only one underwritten by a Roman military unit. This would have been fairly common,
however, in areas newly integrated into the Empire.
L'annexion du royaume des Nabatéens ' par le légat consulaire de Syrie A.
Cornelius Palma Frontonianus, puis la création le 22 mars 106 de la province
*Cabinet des Médailles, Bibliothèque nationale de France, 58, rue de Richelieu 75002 Paris.
1 Les raisons et surtout la nature de l'intervention romaine - prise de contrôle pacifique ou
conquête par la force - qui aboutit à l'annexion du territoire nabatéen sont difficiles à préciser.
La présentation très postérieure des faits par Ammien Marcellin (XIV, 8, 13) tendrait à accrédit
er l'idée d'une résistance ou, à tout le moins, d'une agitation des populations concernées :
« c'est l'empereur Trajan qui soumit à nos lois cette région, lui donna la nom de province et la
dota d'un gouverneur, après avoir plus d'une fois brisé l'orgueil de ses habitants (tumor incola-
rum) ». Toutefois, la légende monétaire Arab(ia) adquis(ita) (RIC II, nM 244-5, 465-8, 610-5) en
lieu et place ď Arabia capta, infirme le caractère martial de cette prise de possession, de même
que l'absence du titre ďArabicus dans la titulature impériale. Sur cette question, G.W. Bower-
sock, Roman Arabia, Harvard / Cambridge / Londres, 1983, p. 79-83 ; M. Sartre, Bostra, des
origines à l'Islam, Paris, 1985 (= SARTRE/5ay/ra), p. 63-72.
RN2004,p. 155-173 Dominique Hollard 156
impériale prétorienne d'Arabie, élevèrent la cité de Bosra, déjà importante sous
les derniers rois nabatéens2, au rang de capitale provinciale3, sous le nom - plus
euphonique en grec et en latin - de Bostra. Le choix de Bostra au détriment de
Pétra4, trop isolée et dont le commerce déclinait, fut motivé par la situation de
la cité, placée au centre de la plaine fertile du Hauran méridional et insérée
dans un important réseau de voies de communication5. Le chef-lieu de la nou
velle province reçut l'épithète de Nova Traiana (Nécc Tpaiccvfi Bóaxpa), et vit
son rôle croître rapidement avec la construction, de 111 à 114, de la grande
route stratégique et commerciale (via nova Traiana) reliant Bostra à Aelana sur
le golfe d'Akaba6.
La présence impériale dans la nouvelle capitale fut rapidement concrétisée
par l'arrivée d'un gouverneur7 succédant à Cornelius Palma Frontonianus, pre
mier maître de fait de l'Arabie romaine 8, et par le cantonnement d'une légion.
Un débat riche et complexe a eu lieu ces dernières décennies autour de l'identité
des troupes qui avaient assuré la prise de possession du nouveau territoire et de
celle de l'unité chargée de la sécurité de la province 9. Si certains auteurs ont
défendu la présence, en premier lieu, de la Legio VI Ferrata de Judée (la Legio
III Cyrenaica n'arrivant que dans un second temps), d'autres - avec des argu
ments fort pertinents - ont plaidé pour la présence, dès la période initiale, de la
IIIe légion, qui aurait ainsi joué un rôle central dans la prise de contrôle du royau
me nabatéen 10. Quoi qu'il en soit, la /// Cyrenaica, jusqu'alors cantonnée à Nico-
polis, près d'Alexandrie en Egypte ", dont des éléments stationnent à Pétra dès
2 Sur l'ascension de Bostra durant la période finale du royaume nabatéen : S artre/ 'Bostra,
p. 56-62.
3 Concernant le statut de capitale accordée à Bostra dès 106, l'argument principal est l'exis
tence d'une « ère de Bostra » commençant le 22 mars 106 : SARTRE/5os/ra, p. 63-64, 75-76.
4 Sur le choix de comme capitale, voir A.H.M. Jones, Cities of the Eastern Roman
Empire, 2e éd., Oxford, 1971, p. 290-292 ; A. Kindler, The Coinage of Bostra, Warminster,
1983 (= Kindled 'Bostra), p. 12.
5 Sur la géographie et le climat du Hauran : Sartre/ Bostra, p. 37-42.
6 B. Isaac, The Limits of Empire : The Roman Army in the East, Oxford, 1990, p. 123-127
et carte ; Kindler/ Bostra, p. 7 ; Sartre/ Bostra, p. 73.
7 С Claudius Severus, dont la présence à Bostra est attestée au plus tôt en 107, et au plus
tard en 115 : G.W. Bowersock, op. cit. en n. 1, p. 161 (Prosopographia Imperii Romani2, C
1023).
8 KmDLER/Bostra, p. 7 ; sur le gouvernorat syrien de A. Cornelius Palma Frontonianus, voir
E. D4BROWA, The governors of Roman Syria from Augustus to Septimius Severus, Bonn, 1998, p.
81-83.
9 Sur cette discussion, voir en dernier lieu P. Freeman, The Annexation of Arabia and Imper
ial Grand Strategy, dans D.L. Kennedy (éd.), The Roman Army in the East, 1996 (suppl. 18 au
Journal of Roman Archeology), p. 95-102 ; P.-L. Gatier, La Legio III Cyrenaica et l'Arabie, dans
Les légions de Rome sous le Haut-Empire, I, Lyon, 2000, p. 341-344.
10 Sartre/ Bostra, p. 64, note 12, p. 97.
1 1 Sur la légion IIIe Cyrénaique, voir E. Ritterling, art. legio, RE, XII, col. 1506-1517 ; M.P
Speidel, The Roman Army in Arabia, ANRWW8, 1977, p. 691-697 ; KiNDLER/Яо^га, p. 87-92.
Sur la création de cette légion et sa composition ethnique, voir H. A. Sanders, The Origin of the
RN2004,p. 155-173 Le monnayage de la Legio III Cyrenaica frappé à Bostra 157
107 12, allait rapidement devenir l'unité permanente attachée à la nouvelle capital
e provinciale. Apportant à la ville un développement, une population et des
cultes nouveaux, la IIIe Cyrénaïque va désormais confondre son histoire avec
celle de la Bostra impériale. Ptolémée 13 assimile d'ailleurs la cité à l'unité mili
taire qu'elle accueille, dont le camp, d'une superficie d'environ quinze hectares,
a été récemment localisé au nord de la ville 14.
Les frappes monétaires de Bostra
a) La question du monnayage provincial d'Arabie
Bostra s'est vu gratifiée il y a quelques années, par certains savants, d'un
monnayage d'argent, puis de bronze que d'autres travaux ont cependant
conduit à lui retirer en grande partie. En 1975, William Metcalf, étudiant le de Césarée de Cappadoce à partir du trésor de Tell Kalak 15, a en
effet