Le nom propre dans la langue - article ; n°66 ; vol.16, pg 5-20
17 pages
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Description

Langages - Année 1982 - Volume 16 - Numéro 66 - Pages 5-20
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1982
Nombre de lectures 146
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean Molino
Le nom propre dans la langue
In: Langages, 16e année, n°66, 1982. pp. 5-20.
Citer ce document / Cite this document :
Molino Jean. Le nom propre dans la langue. In: Langages, 16e année, n°66, 1982. pp. 5-20.
doi : 10.3406/lgge.1982.1123
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1982_num_16_66_1123Jean MOLINO
Université de Fès
LE NOM PROPRE DANS LA LANGUE *
1.1. Nom propre et linguistique
Le nom propre (N.P.) a une étrange place dans le langage et dans la linguistique.
Dans le langage, il est partout et son importance apparaît partout : quantitativement
d'abord, puisqu'un dictionnaire des noms propres est aussi riche, aussi épais qu'un
dictionnaire des noms communs. Mais cette importance se manifeste dans tous les
domaines : dans la vie courante, où l'on n'agit et ne parle que par rapport à des per
sonnes désignées par des noms propres ; dans la littérature, où les noms jouent les
rôles les plus divers, depuis la surprise et l'étrangeté créée par des noms propres
étrangers jusqu'à la cristallisation de pensées, d'émotions et de souvenirs qu'il provo
quent chez Proust... Il occupe aussi une place importante dans des disciplines
comme l'anthropologie ou la logique. En revanche, jusqu'à une époque récente, le
nom propre est bien un parent pauvre de la linguistique. Certes la distinction entre
nom propre et nom commun remonte jusqu'aux origines de la grammaire occident
ale, et déjà Donat faisait réciter aux élèves : « Qualitas nominum in quo est ? Biper-
tita est : aut enim unius nomen est et propium dicitur, aut multorum et
appelativum. » (En quoi consiste la qualité du nom ? Elle est double : ou il est le
nom d'un seul et est appelé nom propre, ou il est le nom de plusieurs et il est appelé
commun.) [Donati de partibus orationis ars minor]. Et c'est le nom propre qui est le
nom authentique (tel est le sens du mot Kúrion dans l'expression Onoma Kúrion tra
duit en latin par nomen proprium), parce que c'est lui qui désigne des êtres, des
substances individuelles, Socrate ou Homère. Ainsi était défini pour de nombreux siè
cles le nom propre ; mais, une fois donnée cette définition, on ne peut dire que le
nom propre importait beaucoup au linguiste : il n'avait pratiquement plus rien à en
dire. Avec la naissance de la linguistique historique et comparative se constitue une
discipline au statut limitrophe et marginal, dans laquelle l'étude des noms propres va
vivre d'une vie indépendante, l'onomastique, qui étudie l'origine des noms propres,
noms de personnes et noms de lieux. Les « révolutions » de la linguistique moderne
n'ont guère touché les propres : il n'y a pas eu — sans doute ne pouvait- il y
avoir — d'analyse structurale ou generative des noms propres. C'est pourquoi,
aujourd'hui encore, on ne fait guère allusion aux noms propres dans les ouvrages de
linguistique, linguistique générale ou linguistique d'une langue particulière.
Et pourtant, depuis près d'un siècle, on parle beaucoup du nom propre, mais le
mouvement n'est pas venu de la linguistique, il est venu de la logique : c'est avec les
* Je remercie Danielle Leeman qui a bien voulu lire cet article et me faire part de nomb
reuses observations dont j'ai largement profité. de Frege et de Russel que le nom propre est devenu un problème logico- travaux
philosophique. Plus récemment encore, il est devenu un problème anthropologique :
citons, pour la France, la Pensée Sauvage, de Cl. Lévi-Strauss. Il est important de
rappeler rapidement cette histoire, car elle explique les difficultés d'une étude du
nom propre dans un cadre nettement défini. Chaque discipline envisage un problème
dans une perspective spécifique, et il est souvent difficile ou dangereux de transporter
sans modification les résultats d'une enquête d'un domaine à un autre, de la logique
ou de l'anthropologie à la linguistique. Le sommaire de ce numéro donne une idée de
la diversité des voies par lesquelles on peut aborder le nom propre. Mais cette divers
ité n'exclut pas, croyons-nous, la possibilité de proposer ou de rechercher une pers
pective synthétique dans laquelle chaque résultat partiel pourrait prendre sa place.
Des travaux ont, depuis une vingtaine d'années, tenté une telle synthèse : mention
nons, après Gardiner [GARDINER, 1940 et 1954] et Pulgram [PULGRAM, 1954],
S0rensen (S0RENSEN, 1963], Zabeeh (ZABEEH, 1968] et Algeo [ALGEO, 1973]. Nous
voudrions, dans cette présentation, résumer les points et les aspects d'une analyse du
nom propre qui nous semblent essentiels, dans le cadre d'une sémiologie générale, ce
qui permet d'échapper aux problèmes de limitations et de frontières entre discipli
nes ; nous ne savons pas bien en effet où s'arrête la linguistique et où commencent la
logique ou l'anthropologie.
1.2. Diversité des noms propres
Quel est d'abord l'objet de l'étude, c'est-à-dire : qu'est-ce qu'un nom propre ? Plutôt
que d'en donner une définition a priori, mieux vaut offrir une géographie du nom
propre, c'est-à-dire présenter et classer tous les candidats au rang de N.P., soit tous
les termes qui ont pu être un jour considérés comme appartenant à la catégorie ; il
s'agit donc d'une lište maximale. On distinguera [cf. ZABEEH, 1968 ; LE BlHAN,
1974] :
1. Les noms de personnes ou anthroponymes : Jean, Homère, Reagan, etc.
2. Les d'animaux : Médor. (Ceux-ci peuvent d'ailleurs ne pas être spécif
iques (un chat peut être appelé Pythagore.)
3. Les appellatifs et titres : Papa, Maman, etc.
4. Les noms de lieux : Paris, Aix-en-Provence, La Normandie, la France, etc.
5. Les de temps : midi, lundi, septembre, Pâques, la Renaissance, etc.
6. Les noms d'institutions : Renault, la C.G.T., etc.
7. Les de produits de l'activité humaine : la 5e Symphonie, Madame
Bovary, Concorde, etc.
8. Les noms de symboles mathématiques et scientifiques : pi, etc.
9. Les autres noms propres : en effet, tout peut, dans certaines circonstances et
pour un public donné, recevoir un nom propre ; je peux par exemple appeler
ma voiture Trottinette, etc. On a souvent soutenu que tout ce qui intéresse
peut ainsi recevoir un nom propre [cf. GARDINER, 1954 ; PULGRAM, 1954 ;
S0RENSEN, 1963 ; ZABEEH, 1968, ALGEO, 1973]. On peut douter qu'il s'agisse
d'une explication ou même d'une description adéquate, mais le fait est là.
De cette longue liste, dans laquelle certains candidats au statut de nom propre
sont douteux (3. et 8. en particulier), nous tirerons un certain nombre de conclus
ions. En premier lieu, le champ du nom propre est beaucoup plus vaste que ne lai
sseraient entendre la plupart des analyses : même si l'on excluait, avec de bons argu
ments, telle ou telle catégorie, on ne saurait arriver à l'unité que par un coup de
force dont l'arbitraire enlèverait toute valeur à la définition ainsi obtenue. Une théor
ie adéquate du nom propre doit tenir compte de cette multiplicité et nous verrons
plus tard que cette multiplicité est intérieure à chaque catégorie : la catégorie des anthroponymes est, elle aussi, hétérogène. En deuxième lieu, les diverses catégories
peuvent être rassemblées — à l'exclusion du 8. — autour de trois pôles qui corre
spondent exactement aux trois dimensions de la deixis : dimension de la personne-ego
(catégories 1., 2., 3.) ; dimension de l'espace-hic (catégorie 4.) ; dimension du temps-
nunc (catégorie 5.). Il faut seulement ajouter un quatrième pôle, que l'on peut appel
er le pôle de la production humaine, symbolique ou matérielle (catégories 6., 7.,
8.) ; ce pôle peut être considéré comme un prolongement du pôle de la personne. Les
noms propres se constituent ainsi parallèlement aux diverses catégories de déictiques
(ou embrayeurs) : ainsi se manifeste l'unité du champ déictique du langage auquel
appartiennent noms propres et déictiques [cf. le Zeigfeld de BUHLER, 1965].
1.3. Peut-on définir le nom propre ?
Est-il possible, au terme de cette enumeration, de donner une définition simple et
cohérente du nom propre ? Nous ne le croyons pas, précisément parce que cette liste
nous a montré l'hétérogénéité des noms propres. Si l'on essaye de poser des critères
définis qui permettent de délimiter sans ambiguïté le champ des noms propres, on
s'aperçoit rapidement que

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