Le patrimoine, architectures et espaces, pratiques et comportements : les souks et les khans d Alep - article ; n°1 ; vol.73, pg 189-205
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Le patrimoine, architectures et espaces, pratiques et comportements : les souks et les khans d'Alep - article ; n°1 ; vol.73, pg 189-205

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Revue du monde musulman et de la Méditerranée - Année 1994 - Volume 73 - Numéro 1 - Pages 189-205
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1994
Nombre de lectures 27
Langue Français
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Extrait

Jean-Claude David
Le patrimoine, architectures et espaces, pratiques et
comportements : les souks et les khans d'Alep
In: Revue du monde musulman et de la Méditerranée, N°73-74, 1994. pp. 189-205.
Citer ce document / Cite this document :
David Jean-Claude. Le patrimoine, architectures et espaces, pratiques et comportements : les souks et les khans d'Alep. In:
Revue du monde musulman et de la Méditerranée, N°73-74, 1994. pp. 189-205.
doi : 10.3406/remmm.1994.1676
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remmm_0997-1327_1994_num_73_1_1676David* Jean-Claude
Le patrimoine, architectures et espaces,
pratiques et comportements
Les souks et les khans d'Alep
« L'idée de patrimoine est [. . .] une idée de la société et de la pensée moderne
en Occident, qui dissocie la contemplation de l'œuvre de sa possession et de son
usage » (Pinson 1991 : 1) ; «... le patrimoine comme une catégorie de l'existant
dépassant l'usage présent » (Chastel 1985 : 267). Ces deux définitions partielles
sont un bon point de départ pour la réflexion sur l'existence et la nature du patr
imoine architectural dans les villes de Syrie.
Les concepts de patrimoine et de monument historique, dans leur acception
et leur pratique actuelles, ont été définis et mis en oeuvre dans l'Occident du
XIXe et du XXe siècle, pendant l'ère industrielle, mais leurs racines remontent sans
doute à des perceptions et des pratiques beaucoup plus anciennes. Ils ont été
transposés un peu partout dans le monde, adoptés plus ou moins volontiers,
dans la théorie et dans la pratique.
Une part importante des quartiers anciens des villes de Syrie est classée monu
ment historique et fait partie du patrimoine, au sens moderne et occidental. Une
caractéristique essentielle de ces villes est l'adéquation persistante entre des espaces
hérités, souvent classés monuments historiques, et des pratiques héritées, qui
évoluent l'un et l'autre, et s'adaptent progressivement, sans rupture profonde. Il
* Géographe, Groupe de recherches et d'études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient, CNRS/Université
Lyon 2.
REMMM 73-74, 1994/3-4 190 1 Jean-Claude David
n'y a pas alors de distanciation, peu ou pas de dépassement de l'usage présent, peu
ou pas de contemplation ; la contemplation étant généralement l'apanage de
membres d'associations culturelles, représentatifs d'une intelligentsia qui manif
este ainsi une certaine occidentalisation.
Les différences de conception et de perception du patrimoine suivant les
contextes culturels peuvent être analysées comme des retards dans une évolu
tion, ou comme fondamentales et permanentes liées par exemple à des particul
arités de rapport au temps, à certaines conceptions du rapport au spirituel et au
religieux. . . Il importe donc de savoir s'il y a procès de patrimonialisation, passé
ou en cours. Si tel est le cas, pour qui ces quartiers, ces monuments, ces souks et
ces mosquées sont-ils un patrimoine ? Sinon, ces espaces, ces monuments, peu
vent-ils être quand même un pour la population et quel sens donner
alors au terme patrimoine, sens différent de celui que nous entendons habituel
lement ou que lui donnent les spécialistes ?
En d'autres termes, le patrimoine existe-t-il, et comment, lorsqu'il n'est pas perçu
comme tel par ceux qui y vivent dans la banalité du quotidien ? Qu'est-ce qui est
patrimoine ou est perçu comme tel entre l'objet matériel, les pratiques et les
usages de la société ?
Il s'agit d'étudier d'une part la mise en place du cadre législatif et administratif,
de définition et de protection du patrimoine national, en-Syrie et le contexte de
cette mise en place dans une évolution historique ; d'autre part d'analyser pra
tiques, comportements et perceptions des différents acteurs en présence, dans leurs
Khan al-Gumruk, bureaux et entrepôts de grossistes — tissus au RdC ;
structures métalliques légères installées par les commerçants à la place des anciennes constructions
en bois et tôle ondulée (photo : J.-C. David). Les souks et les khans d'Alep 1 191
différents rôles possibles dans un contexte spatial et architectural urbain affecté
du label "patrimoine", les khans et les souks de la Mdiné d'Mep, par exemple, et
finalement de voir s'il y a une quelconque convergence entre les deux niveaux.
Le cadre législatif et administratif du patrimoine
et des monuments historiques en Syrie
Jusqu'à la période du Mandat français, après la première guerre mondiale, la
Syrie est régie par les lois ottomanes. La capitale de l'Empire, Istanbul, est le
siège d'une administration qui fut centralisée et forte et qui au cours du XIXe
siècle œuvre à la reconstruction et à la modernisation de ses pouvoirs.
Une loi ottomane met en place pour la gestion et la conservation des antiquit
és un cadre théoriquement très centralisé, qui confie la responsabilité du service
des Antiquités, pour tout l'Empire, à une direction générale des Musées impériaux.
Il est vraisemblable que cette loi n'est pas mise en pratique partout au même
rythme et de la même façon. Dans les provinces, ce service est confié aux direc
teurs de l'Instruction publique, qui sont aussi responsables des musées locaux. La
loi considère tous les monuments et objets historiques (de tous le peuples qui ont
existé sur le territoire de l'Empire, y compris aux périodes islamiques), comme pro
priété de l'Empire. Un certain nombre de règles de protection sont édictées, pour
empêcher leur destruction ou leur dégradation.
Très rapidement après la Première Guerre mondiale, et le démembrement de
l'Empire, les français prennent en main la surveillance et la gestion des antiquit
és et monuments historiques en Syrie et au Liban, avec notamment un décret
de 1919 qui transfère d'abord la responsabilité des antiquités à l'autorité militaire
française. Un nouveau règlement est mis en place progressivement qui semble, au
moins dans une première période, concerner plus les monuments antérieurs à l'I
slam que le patrimoine des époques islamiques et qui exclut en tous cas une bonne
partie des monuments ottomans.
L'Institut français fondé à Damas en 1922, et installé dans un ancien palais
du XVIIIe siècle, va jouer un rôle pratique et symbolique important dans le déve
loppement de la protection et de l'étude du patrimoine syrien arabe et la construc
tion de l'orientalisme français moderne (R. Avez, 1993). D'abord Institut franç
ais d'Archéologie et d'Art Musulman, puis Institut français de Damas en 1930, il
devient Institut français d'Études Arabes de Damas en 1947. Outre la recherche,
l'Institut s'occupe de la reconstitution et de la transmission des savoirs des arti
sans et artistes traditionnels "abâtardis" et en voie de disparition. Il participe à
des opérations de restauration (Grande Mosquée de Damas, citadelles d'Alep et
de Damas). Il donne des avis pour les problèmes d'urbanisme en quartiers
anciens : dans un rapport de 1925, il donne des conseils pour la construction
de nouveaux bâtiments (mosquées, immeubles, hôtel à Alep, square, jardin
public), dans un style qui doit s'harmoniser avec le caractère propre aux villes
syriennes. Les plans dressés par les administrations sont examinés par l'Institut. 192 1 Jean-Claude David
Une autre institution, plus proprement arabe et syrienne, se développe aussi
à cette époque à Damas, X Académie Arabe, société savante fondée en 1919, ayant
pour fonction la conservation, le développement et l'étude de la langue arabe, ainsi
que les recherches erudites sur les monuments et vestiges anciens de Syrie. Dans
son local de la madrasa Adiliyya, du XIIIe siècle, se développe le Musée national
syrien, qui fait d'abord concurrence aux collections de l'Institut français, puis
devient officiellement le lieu de dépôt et d'exposition des antiquités, avec la
volonté du Mandat français d'accorder plus d'importance aux institutions syriennes
à partir de 1925. L'Académie Arabe jouera aussi un rôle très important dans la
modernisation de la langue arabe et dans les recherches littéraires, ce qui est peut-
être significatif d'une certaine notion du patrimoine, plus attachée à la langue et
à

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