Le rôle de la bourgeoisie bretonne à la veille de la Révolution - article ; n°4 ; vol.34, pg 405-433
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Annales de Bretagne - Année 1919 - Volume 34 - Numéro 4 - Pages 405-433
29 pages

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Publié le 01 janvier 1919
Nombre de lectures 24
Langue Français
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Extrait

Henri Sée
Le rôle de la bourgeoisie bretonne à la veille de la Révolution
In: Annales de Bretagne. Tome 34, numéro 4, 1919. pp. 405-433.
Citer ce document / Cite this document :
Sée Henri. Le rôle de la bourgeoisie bretonne à la veille de la Révolution. In: Annales de Bretagne. Tome 34, numéro 4, 1919.
pp. 405-433.
doi : 10.3406/abpo.1919.1534
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_0003-391X_1919_num_34_4_1534.
HENRI SÉE
Le rôle de la bourgeoisie bretonne à la veille
de la Révolution
Dans les événements qui ont précédé la Révolution, et qui
l'ont provoquée, la bourgeoisie française a joué un rôle pré
pondérant. En effet, si les classes populaires commencent à
faire entendre leur voix, c'est bien la bourgeoisie qui a
déclanché le mouvement révolutionnaire d).
Or, c'est en Bretagne que l'action de la a été
peut-être la plus vigoureuse. Gomment cela peut-il s'expl
iquer ? Pour répondre à cette question, il faut rechercher tout
d'abord en quoi consistait cette bourgeoisie bretonne, de
quels éléments elle se composait. »
La Bretagne n'avait qu'un assez faible développement
économique. L'industrie ;y était peu importante, et encore
avait-elle presque exclusivement le caractère d'une industrie
rurale et domestique, appoint nécessaire à l'existence des
paysans qui s'y adonnaient, source de profits pour les mar
chands qui trafiquaient de ses produits <$. Toutefois, on
(1) Sur les idées et l'action de la bourgeoisie française en 1789, voy.
l'admirable exposé de Jean Jaurès, La Constituante, pp. 38-146 (Histoire
socialiste, t. I). •
(2) Ainsi, la toile, qui était la principale industrie bretonne, se fabriquait
uniquement dans les campagnes; c'était pour, les paysans une ressource
complémentaire, un appoint important. Mais les bénéfices de cej,te indust
rie allaient surtout aux marchands, aux fabricants, qui constituaient une
catégorie assez importante de la bourgeoisie, tout au moins en Basse-Bre
tagne. Voy. H. Sée, Les classes rurales en Bretagne du XV 1° siècle à la
Révolution, pp. 446 .et sqq:, et Bourdais, L'industrie et le commerce de la
toile en Bretagne (mémoire inédit, analysé dans les Annales de Bretagne,
1907, t. XXVII, pp. 246-270). 406 LE RÔLE DE LA BOURGEOISIE BRETONNE
remarquait un commerce maritime assez considérable dans
quelques ports : à Saint-Malo, à Morlaix, à Lorient, à Nantes
surtout.
C'est Nantes qui, de beaucoup, se trouve au premier rang.
Sa prospérité, au XVIIIe siècle, provient surtout du commerce
avec les Antilles; sur 200.000 tonneaux, représentant le mou
vement du port, c'est au commerce colonial qu'il faut attribuer
près de la moitié de ce chiffre (90.000 tonneaux). Les arme
ments des Antilles, et en particulier la traite des nègres,
rapportent au commerce nantais 45 millions de livres. On
compte plus de 200 armateurs, dont un certain nombre sont
très riches. Nantes est aussi devenue, dans une certaine
mesure, une ville industrielle : on y trouve des raffineries,
des fabriques de toile et de coton (notamment d'indienne),
de drap, sans compter une manufacture d'acier (D. Nantes
possède donc une classe puissante d'industriels et surtout
de commerçants®.
A Saint-Malo aussi, bien qu'au XVIIIe siècle le grand
commerce maritime y soit en décadence, la prépondérance
appartient à la classe des armateurs et à celle des capitaines
de navires, qui dominent dans le corps municipal. Quelques
familles de commerçants jouissent d'une grande autorité,
comme celle de Robert de la Mennais, qui a un grand prest
ige, mérité par de notables services rendus à la cité et au
bien public <3>. A Morlaix, les armateurs jouent encore un rôle
assez important, bien que le port soit déchu de son ancienne
splendeur.
(1) La région nantaise contenait aussi un certain nombre d'établissements
métallurgiques. Voy. H. et G. Bourgin, L'industrie sidérurgique en France
au début de la Révolution, Paris,, 1920, pp. 229-231 (Coll. des Documents
économiques de la Révolution).
(2) Sur tout ce qui précède, voy. Marcel Treille, Le commerce de
Nantes ci la Révolution, Nantes, 1908 (thèse de doctoral en droit, Rennes*);
Dr Gukplm, Histoire de Nantes. — L'histoire économique de Nantes au
XVIIIe siècle reste encore à ('«rire. — Pour le XVIf6 siècle, voy. Gabory,
La marine et le commerce de Nantes au XVIIe cl au commencement du
XVIIIe siècle [Annales de Bretagne, t. XVII).
(3) Voy. Christian Maréchal, La famille de La Mennais sous l'Ancien
Régime et la Révolution, 1913. LA VEILLE DE LA RÉVOLUTION. 407 A
Cependant la classe industrielle et commerçante ne repré
sente qu'une faible partie de la bourgeoisie. Dans les villes, il
existe bien un grand nombre d'artisans et de petits commerç
ants, mais qui se distinguent très nettement de la haute
bourgeoisie commerciale : ils forment la masse de ce qu'on
appelle la commune.
De toutes les fractions de la bourgeoisie, la plus vivante,
c'est celle qui est constituée par les médecins et chirurgiens, et
surtout par les hommes de loi, avocats, notaires, procureurs,
juges seigneuriaux, car le nombre des justices est très consi
dérable en Bretagne, et quelques sièges de justices seigneur
iales comptent parmi les tribunaux les plus importants de
la province -1'. On peut considérer tous ces hommes de loi
comme appartenant à la même classe sociale. Mais au premier
rang figurent les avocats, surtout les avocats du Parlement de
Rennes, riches et considérés, qui, par leur situation de fortune
et leur réputation, se rangent clans la haute bourgeoisie, dont
quelques-uns sont même illustres (tels Glezen, Lanjuinais, Le
Chapelier), et que leur connaissance des affaires, non moins
que leur culture générale, va destiner à jouer un rôle de
premier ordre (2).
De cette classe bourgeoise se détache, dans toutes les villes,
une sorte de patriciat urbain, qui détient les charges munic
ipales, pour ainsi dire à titre héréditaire, et qui, aux Etats
de Bretagne, représente Tordre du Tiers. Beaucoup de ces
hommes, d'ailleurs, confinent à la noblesse, sont des anoblis.
Et l'on comprend alors l'opposition violente qui éclatera entre
cette aristocratie bourgeoise et la masse de la population
urbaine.
On s'explique aussi le rôle prépondérant de" deux villes :
de Nantes, où domine la bourgeoisie commerçante, de
Rennes, où les hommes de loi ont une situation de premier
(1) Voy. André Giffaro, Les justices seigneuriales en Bretagne, P.-iris,
1907, pp. 71 et sqq.
(2) Voy. Saulnier de la Pinelais, Le barreau du Parlement de Bretagne,
Rennes, 1896. ■
.
408 LE RÔLE DE LA BOURGEOISIE BRETONNE
plan. Notons encore que la bourgeoisie doit exercer une
grande influence dans les campagnes, où elle possèd.e souvent
d'assez importantes propriétés foncières d). — Puis, il faut
tenir compte des libertés provinciales, de l'existence des Etats
de Bretagne, qui- permet à une opinion publique de se faire
jour.
II
C'est cette prépondérance des hommes de loi qui explique
qu'à la suite des édils de mai 1788, qui étaient un coup d'état
contre les Parlements, la bourgeoisie ait suivi docilement le
mouvement d'opposition et de révolte des Parlementaires et
des nobles, dont la cause se trouvait confondue. Peut-être,
d'ailleurs, ne faudrait-il pas s'exagérer la docilité de la bourg
eoisie; son adhésion à l'opposition parlementaire n'a pas été
unanime : à Quimper, on n'a pas suivi le mouvement. C'est
à Rennes que la campagne a été la plus vigoureuse, à cause
de l'influence des avocats, et parce que la ville vivait surtout
de son Parlement (2).
Mais cette union de la noblesse et de la bourgeoisie devait
n'être qu'éphémère. On se l'explique aisément, si l'on consi
dère qu'en réalité, depuis longtemps déjà, de profonds dissen
timents séparaient le Tiers Etat et les ordres privilégiés. Aux
Etats de Bretagne, depuis près de vingt ans, des conflits
éclatent, surtout sur la question des privilèges fiscaux. Dès
1772, les villes s'adressent aux Etats pour réclamer la dimi
nution de leur capitation; on demande que la capitation de
la noblesse soi

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