Le souverain d Égypte, juge de l usage de l eau - article ; n°1 ; vol.3, pg 69-80
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Le souverain d'Égypte, juge de l'usage de l'eau - article ; n°1 ; vol.3, pg 69-80

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Description

Travaux de la Maison de l'Orient - Année 1982 - Volume 3 - Numéro 1 - Pages 69-80
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1982
Nombre de lectures 40
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Danielle Bonneau
Le souverain d'Égypte, juge de l'usage de l'eau
In: L'Homme et l'eau en Méditerranée et au Proche Orient. II. Aménagements hydrauliques, État et législation.
Séminaire de recherche 1980-1981. Lyon : Maison de l'Orient et de la Méditerranée Jean Pouilloux, 1982. pp. 69-
80. (Travaux de la Maison de l'Orient)
Citer ce document / Cite this document :
Bonneau Danielle. Le souverain d'Égypte, juge de l'usage de l'eau. In: L'Homme et l'eau en Méditerranée et au Proche Orient.
II. Aménagements hydrauliques, État et législation. Séminaire de recherche 1980-1981. Lyon : Maison de l'Orient et de la
Méditerranée Jean Pouilloux, 1982. pp. 69-80. (Travaux de la Maison de l'Orient)
http://www.persee.fr/web/ouvrages/home/prescript/article/mom_0766-0510_1982_sem_3_1_2019SOUVERAIN D'EGYPTE, JUGE DE L'USAGE DE L'EAU LE
Danielle BONNEAU
Dans la vallée du Nil, le droit de l'eau, quand on l'étudié à partir de la docu
mentation actuellement connue pour les époques grecque, romaine et byzantine,
est très particulier, géographiquement et historiquement parlant, et on ne peut
l'aborder avec une attitude d'esprit seulement rationnelle.
Pour l'historien, deux points de vue y sont possibles : l'un, rationnel, s'inté
resse à la puissance de l'homme sur la crue annuelle du Nil, tel l'homme d'Etat qui
organise l'irrigation, légifère sur tout ce qui concerne l'eau, juge les contrevenants,
etc. ; l'autre, irrationnel, consiste à comprendre qu'en Egypte, l'homme croit à la
puissance des dieux sur l'eau ; ce n'est pas seulement une foi en l'effet magique de
tel ou tel acte considéré comme apportant automatiquement son résultat, à savoir
de faire venir un bon volume d'eau du fleuve à une bonne date, mais c'est aussi
l'aspect irrationnel de la responsabilité du Pharaon : celui-ci est responsable à l'
égard des dieux, maîtres de l'eau, puisque c'est lui qui leur offre les honneurs et
hommages qu'ils souhaitent ; il est également responsable envers les hommes, puis
que c'est par son intermédiaire que sont obtenus l'agrément des dieux et la venue
de l'inondation. Cet enchevêtrement du rationnel avec l'irrationnel ou encore de
l'économique et du politique avec le mythique —on le sait mieux maintenant par
les recoupements possibles entre les récits mythiques et la préhistoire de la val
lée du Nil (1)— est lui-même préhistorique.
Il se prolonge à l'époque sur laquelle les documents papyrologiques nous ren
seignent. Qu'on me permette ici de renvoyer à deux articles dont l'un envisage
l'aspect sous lequel le Souverain d'Egypte est maître de l'eau par l'effet d'une loi
divine (2), et l'autre souligne la continuité de cette conception théocratique expri-
* s Les sigles des papyrus sont empruntés, à l'exception de ceux des recueils plus récents, à O. Montevec-
chi, La Papirologia, 1973, 407-436.
1. Le mythe d' Osiris, roi organisateur de l'agriculture, pourrait être illustré par les travaux des préhisto
riens nous renseignant sur la «jeunesse relative de la culture en Afrique» (voir dans M. Williams-H.
Faure, The Sahara and the Nile, 1980, p. 503-526 ; surtout p. 504 et 522 parag. 2).
2. - «Loi et coutume en matière d'irrigation, un exemple, le drymos (marais du Fayoum) », JESHO 25
(1982), sous presse. D. BONNEAU 70
mée par les représentations du dieu égyptien de l'inondation Hâpy sur les monu
ments de type égyptien, construits et financés par les rois et empereurs jusqu'au
Ilème siècle de notre ère (3). Cette notion de la puissance du Pharaon, puis du
Roi, puis de l'Empereur sur la crue, a duré jusqu'au IVème siècle, et c'est avec
l'étatisation du christianisme que, en Egypte, l'inondation annuelle est devenue le
fait de Dieu seul, tant pour les chrétiens (4) que pour les musulmans (5).
Dans la suite de notre exposé, il ne sera question que du point de vue ration
nel, dégagé des mentalités religieuses autant qu'il est possible, pour demander aux
documents papyrologiques de nous renseigner sur l'autorité du Souverain sur
l'eau, et rassembler ce que nous pouvons savoir sur la propriété de l'eau en Egypte,
la législation qui en règle la distribution et ce que nous apprennent les litiges rela
tifs à l'usage de l'eau.
Détermination de la propriété de l'eau.
La connaissance du droit de l'eau dans l'antiquité a progressé plus vite pour
la Mésopotamie que pour l'Egypte dans les dernières années (6) ·, mais elle a stagné
pour le droit de l'eau dans le monde romain (7).
Tout ce qui est sol, terre, eau, désert, sous-sol, en Egypte, appartient au Sou
verain. Nous en avons de multiples preuves à travers la documentation papyro-
logique pour l'exploitation des marais, pour les droits de pêche, pour l'utilisation
des carrières, etc. qui, appartenant au Souverain, sont concédés par lui. Or, cette
notion est un héritage du passé pharaonique comme le montrent divers textes de
donation. Retenons-en un datant des environs de 725 avant notre ère, où il s'agit
d'une donation à la déesse Neith de terrains prélevés «au bord du rivage consistant
en terres abandonnées par la crue» (8). Citons également un texte hiéroglyphique
d'époque ptolémaïque où le Souverain, alors un roi grec, Ptolémée V Epiphane,
dit au dieu Chnoum : «Je t'offre (des parts de terrains) en champs et déserts, en
fleuve et en tout lieu» (9). Les documents démotiques d'époque ptolémaïque
appellent le Nil mw Pr-C a , «l'eau du Pharaon» (10).
L'eau en Egypte appartient au Souverain, tant celle qui est recueillie dans les
citernes {hydreumata), celle qui jaillit des puits artésiens dans les oasis, encore visi
bles pour ceux d'époque romaine (11), celle de la nappe phréatique, que celle de
la crue annuelle. On peut noter comme témoignages indirects de ce lien entre le
3. «La divinité du Nil sous le Principat», dans Aufstieg und Niedergang der römischen Welt, tome 18,
sous presse.
4. Voir P. Turner 10, hymne grec du Ve s. récemment édité (1981), qui chante les louanges conjointes du
Christ et du Nil.
5. Voir SB 6458, 6-7 (19 mai 710) : la crue du Nil se produit «suivant l'ordre de Dieu». Cf. encore D.
Bonneau, La crue du Nu, p. 442.
6. Voir en particulier R. Van Laere, «Le droit hydraulique selon la législation néobabylonienne», Orien-
talia Lovaniensis Periodica 8 (1977), p. 63-74.
7. La thèse de Pierre Braun, L'acquisition de l'eau en droit romain, Paris, 1959, n'a pas étét publiée. Auss
i R. Van Laere ne peut-il que s'en référer (o.e. n. 6 ci-dessus) au manuel d'Orliac et de Malafosse, His
toire de droit privé. Les Biens, 1961, p. 101 sq.
8. Stèle Athènes, hiératique. Voir D. Meeks, «Stèles de donations», dans State and Temple Economy II
1979, p. 672 (24.1.8).
9. P. Barguet, La stèle de la Famine à Sébel, 1953, p. 29 ; en 187 av. n. è.
10. P. Adler dém. 7,13; 14 janvier 103 av. n. è. P. Adler dém. 16, 22-23 ; 20 août 95 av. n. è.
11. Ces puits artésiens, désormais taris, sont encore visibles, comme j'ai pu m'en rendre compte dans l'oa
sis de Khargeh, le 18 février 1979, en allant voir les fouilles françaises de Douch. •
SOUVERAIN DE L'EGYPTE 7 1 LE
pouvoir et le fleuve un papyrus qui contient des prédictions sur les événements du
règne des empereurs romains du Illème siècle de notre ère, parmi lesquelles se
trouvent les prévisions chiffrées des hauteurs de la crue (12).
De cette appartenance de l'eau au Roi d'Egypte, découlent deux conséquenc
es du point de vue juridique : l'une est que l'eau n'est pas, même sous la dominat
ion romaine de la vallée du Nil, ce qu'on appelle en droit romain res nullius (13) ;
d'autre part, l'eau n'est jamais appropriée en Egypte, et il n'y a pas dans ce pays
d'eau vénale (14) : ce qui y est rémunéré, ce sont les transports d'eau dont nous
avons de multiples témoignages en démotique (15) et en grec. L'eau n'est pas con
cédée. De plus l'eau est pour ainsi dire attachée juridiquement à la terre dont la
propriété eminente est au roi ; il n'y a pas de cession de l'eau séparée de la terre ;
toute terre cédée a droit 

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