Le tribut aux Mongols d après les testaments et accords des princes russes - article ; n°4 ; vol.7, pg 487-530
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Description

Cahiers du monde russe et soviétique - Année 1966 - Volume 7 - Numéro 4 - Pages 487-530
44 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1966
Nombre de lectures 14
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Michel Roublev
Le tribut aux Mongols d'après les testaments et accords des
princes russes
In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 7 N°4. Octobre-Décembre 1966. pp. 487-530.
Citer ce document / Cite this document :
Roublev Michel. Le tribut aux Mongols d'après les testaments et accords des princes russes. In: Cahiers du monde russe et
soviétique. Vol. 7 N°4. Octobre-Décembre 1966. pp. 487-530.
doi : 10.3406/cmr.1966.1681
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cmr_0008-0160_1966_num_7_4_1681ÉTUDES
LE TRIBUT AUX MONGOLS
D'APRÈS LES TESTAMENTS ET ACCORDS
DES PRINCES RUSSES1
L'influence de la conquête mongole sur la Russie a déjà fait l'objet
d'un certain nombre d'études. Toutefois, les historiens n'ont en général
prêté que peu d'attention au rôle dans la vie économique de la Russie
du tribut imposé par le Khan et prélevé avec une certaine régularité
pendant près de deux siècles. Nous nous proposons de tenter une éva
luation du montant des sommes versées aux Khans par les princes
russes, et d'examiner la répartition de la somme globale due aux
conquérants entre les diverses principautés de la Russie, ainsi que les
variations du tribut au cours des deux siècles pendant lesquels le
joug mongol pesa sur cette dernière.
Le tribut mongol fut prélevé dès la fin du xuie siècle par les princes
russes, agissant comme délégués du Khan. La somme totale versée
à la Horde est désignée dans les sources par le terme de vyhod, parfois
utilisé comme synonyme du terme plus général de dan' (tribut). La
tamga ou taxe urbaine, le jam ou prélèvement destiné à l'entretien
des courriers mongols ne furent perçus qu'irrégulièrement et l'on peut
supposer qu'ils se confondirent peu à peu avec le tribut principal
versé en bloc à la Horde, d'abord par le prince de Vladimir, puis par
celui de Moscou.
Le montant du vyhod : Estimations
Les diverses chroniques russes ne fournissent que des indications
fragmentaires sur le tribut versé aux Mongols et n'en mentionnent
pas le montant. On ne trouve pas plus d'indications dans les sources
i. Le présent article fait partie de travaux de recherche sur l'histoire médiév
ale russe, effectués sous la direction de M. le professeur Roger Portai. Nous
saisissons cette occasion pour le remercier de son aide amicale et des conseils
qu'il a bien voulu nous prodiguer. MICHEL ROUBLEV
chinoises et mongoles1. Nombre d'historiens n'en ont pas moins effectué
plusieurs tentatives pour l'évaluer. Une des dernières en date, celle
de George Vernadsky, mérite une attention particulière, tant par suite
de son ingéniosité que par l'importance de l'ouvrage dans lequel elle
se trouve et qui constitue une des rares études de l'historiographie
américaine sur la période mongole de l'histoire russe2.
L'argumentation de Vernadsky peut être résumée de la manière
suivante : en 1384, le Khan Tohtamyš impose de nouveau le tribut
à la Russie après avoir pillé Moscou et le fixe à un demi-rouble (une
poltina) par ferme (derevnja)3. Or, dans une lettre expédiée en 1409
par Edigey à Vasilij Ier, le Khan précise qu'à sa connaissance le grand
prince de Moscou prélevait pour le tribut un rouble pour deux sohi*.
Vernadsky en tire l'égalité 1 derevnja = 1 soha. Une charte octroyée
par Novgorod à Vasilij II pour la perception de « l'impôt noir » (černyj
bor) définit la soha en tant qu'unité fiscale comme étant égale à « deux
chevaux et un cheval attelé de côté »6 ; Vernadsky relève d'autre part
dans une chronique la définition suivante : « Trois obži constituent
une soha. Une obža, c'est un homme labourant avec un cheval. Et
quand un homme laboure avec trois chevaux et l'aide de deux labour
eurs, ceci est une soha »6. Le recoupement de ces deux textes conduit
Vernadsky à considérer qu'une soha constitue au xve siècle une unité
d'imposition d'au moins trois hommes. Ceci correspondrait, compte
tenu des femmes, enfants et dépendants, à un groupe d'environ vingt
personnes.
L'auteur s'efforce ensuite d'établir, afin d'évaluer le montant du
tribut, le nombre total de sohi sur le territoire de la Russie du Nord-
Est. Il rappelle la division administrative de la Russie par les Mongols
en dizaines (desjatki), centaines (sotni), milliers (tysjači) et dizaines
de mille (ťmy) et postule que chacune de ces unités constituait une
entité militaire et financière devant fournir un certain nombre de recrues
et une certaine somme d'argent ; le nombre de recrues à fournir pour
l'armée serait ainsi à la base de cette division, tout comme en Mong
olie : le desjatok fournirait dix hommes, le sto cent, etc. Or, lors de
leur invasion de 1237, les Mongols exigèrent « une dîme sur tout : les
1. Cf. B. Spuler, Die Goldene Horede. Die Mongolen in Russland 1223-1502,
Leipzig, 1943.
2. G. Vernadsky, The Mongols and Russia, Yale University Press, 1953.
L'argumentation que nous reprenons se trouve éparse dans la section 8 du cha
pitre Ш, intitulée « The Mongol Administration in Russia » (pp. 214-232).
3. Ce détail est donné par de nombreuses chroniques, en particulier Polnoe
sobranie russkih letopise j (Recueil complet des chroniques russes — sigle PSRL),
vol. XXVIII, Moscou-Leningrad, 1963, pp. 85 et 248.
4. Ibid., vol. XI, Saint-Pétersbourg, 1897, p. 210.
5. Gramoty Velikogo Novgoroda i Pskova (Chartes de Novgorod et Pskov),
n° 21, Moscou, 1950, p. 39.
6. PSRL, vol. XII, 1901, p. 184. LE TRIBUT AUX MONGOLS 489
hommes, les princes et les chevaux, de tout un dixième »x. Le contin
gent de recrues exigé s'élève ainsi à 10% de la population mâle, soit
5% de la population totale. Vernadsky en déduit que le desjatok
englobe 200 personnes, le sto 2 000, le tysjač 20 000 et la ťma 200 000.
Ainsi une soha, qui constitue une unité de vingt personnes environ,
serait le dixième du desjatok, et la ťma en comprendrait 10 000. Au
taux d'un demi-rouble par soha, ceci équivaudrait à un tribut de 5 000
roubles par ťma.
Reste à établir le nombre de ťmy en Russie. La liste en est recons
tituée à partir d'une chronique lithuanienne et d'une lettre expédiée
en 1540 par Sigismond Ier de Pologne au Khan de Crimée, Sahib Giray.
Ces documents attestent un total de 29 ťmy, sans compter Novgorod
et Pskov. Vernadsky parvient donc à la conclusion que le tribut annuel
payé aux Mongols s'élevait à 145 000 roubles, Novgorod venant ajouter
encore 25 000 roubles à cette somme.
Cette longue exposition démontre à souhait à quel point les sources
dont nous disposons pour évaluer la population de la Russie sont dis
parates et peu favorables à une estimation précise. Tout raisonnement
dans le genre de celui que nous venons de retracer s'appuie nécessai
rement sur un grand nombre de postulats peu véri fiables et les conclu
sions obtenues ne peuvent qu'avoir une valeur d'hypothèse. Il n'y a
en effet nulle raison de penser que chacune des unités administratives
établies par les Mongols devait fournir un quota correspondant de
recrues. Vernadsky lui-même laisse percer un doute lorsqu'il écrit :
« Tout comme en Mongolie, le quota de soldats à fournir par le district
devait être à la base de chacune des divisions numériques »2, et il fait
même état d'un article antérieur dans lequel il concluait que le nombre
d'habitants de chaque district correspondait au nombre d'imposables,
la ťma n'en comprenant ainsi que dix mille3 ; rien ne vient toutefois
étayer la thèse qu'il décide finalement d'adopter.
Autre point faible de l'argumentation, l'égalité derevnja-soha ne
se fonde que sur un seul document. Or, il est généralement admis que
la derevnja est une agglomération de plusieurs foyers comprenant un
nombre variable de sohi certainement supérieur à une unité4. Enfin,
1. Novgorodskaja pervaja letopis' star še go i middle go izvodov (Première chro
nique de Novgorod, rédaction majeure et annexe), Moscou-Leningrad, 1950, pp. 74
et 287.
2. G. Vernadsky, op. cit., p. 216. (C'est nous qui soulignons.)
3. Ibid., n. 2S5 ; l'article en question, traitant des origines des Servi Regales
en Ruthénie, a para dans la revue Spéculum, n° zb (1951), pp. 255-264.
4. Nous avons ici en vue

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