Légendes ou histoire de la thérapeutique alcoolique (suite) - article ; n°188 ; vol.54, pg 49-55
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Description

Revue d'histoire de la pharmacie - Année 1966 - Volume 54 - Numéro 188 - Pages 49-55
7 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1966
Nombre de lectures 17
Langue Français

Extrait

Suzanne Colnort-Bodet
Légendes ou histoire de la thérapeutique alcoolique (suite)
In: Revue d'histoire de la pharmacie, 54e année, N. 188, 1966. pp. 49-55.
Citer ce document / Cite this document :
Colnort-Bodet Suzanne. Légendes ou histoire de la thérapeutique alcoolique (suite). In: Revue d'histoire de la pharmacie, 54e
année, N. 188, 1966. pp. 49-55.
doi : 10.3406/pharm.1966.6845
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pharm_0035-2349_1966_num_54_188_6845Légendes ou histoire
de la
THÉRAPEUTIQUE ALCOOLIQUE
(suite)
HI
Arnaud de Villeneuve
Autre est le cas du célèbre Arnaud de Villeneuve, campé par une
légende poétique, mais très vraisemblablement fausse, en parfait
alchimiste détenteur de mystérieux pouvoirs et de délicieux remèd
es, voué à la recherche du grand uvre et de l'élixir de longue vie
et, pourtant, préparateur d'une eau-de-vie plus accessible ; médecin
du pape, diplomate, voyageur, et aussi homo sylvester, practicus rus-
ticanus ; c effronté charlatan » et encore habitué des textes arabes
et habile connaisseur des vertus des simples.
Se faisant plus sévère depuis quelques années, la critique his
torique montre, peu à peu, que sous le nom d'Arnaud se cachent au
moins deux personnages (31)1 Le fabricant de remèdes qui nous
intéresse ici n'a point inventé l'alcool, il s'est contenté de perfection-
(31) Paniagua (J.A.). Vida de A. de Villanova, in Archivos iberoamericanos de
hist, de la med., III, 1951, p. 3-83. REVUE D'HISTOIRE DE LA PHARMACIE 50
ner des recettes, et surtout de les exposer sous une forme didac
tique (32).
D'abord, il convient de se placer sous la protection divine. Ensuite,
de choisir soigneusement le récipient, « ut vas sit de bono ligneo ».
La première technique consiste à cuire dans le vin ou dans
l'eau alcoolisée un mélange d'herbes appropriées, puis à laisser
bouillir et consumer, jusqu'à ce que le volume initial soit réduit d'un
tiers. Le résidu, écumér sera filtré à travers une fine étoffe. On peut
aussi concasser des herbes, dans un petit sac de fil, puis plonger
le tout dans du vin blanc. La macération se transforme ensuite
en décoction, comme dans le premier procédé. Enfin, la distillation
comprend non seulement le procédé connu de nos jours sous
ce nom, mais aussi la concentration par métal rougi et la
distillation par le soleil, spécialement utilisée déjà dans les pays
méditerranéens.
Et voici quelques-unes des fameuses liqueurs-médicaments qu'on
peut ainsi obtenir : le vinum mirabile pro melancholicis, à base de
buglosse, de séné, de roses rouges ; le vinum cordiale, à base de
bourrache et de mélisse ; l'alcoolat ou vin de romarin, l'ancêtre de
l'eau de la reine de Hongrie, aqua ardens seu vitae », onguent
de beauté et élixir de jeunesse ; le vinum extinctionis auri, qui pro
longe la vie, lui aussi, « ut difficile sit credere ».
On peut pressentir, d'après les deux dernières recettes, comment
Arnaud le dispensateur de remèdes tend, si l'on peut dire, la corde
pour se pendre, ou plutôt pour se lier avec Arnaud ralchimiste. Ici,
ce ne sont plus les notions de irvuijwt et d'esprit qui sont directement
en cause ; c'est la non moins équivoque notion d'eau-de-vie : elle
permettra, au XIVe siècle, la diffusion de traités apocryphes qui,
se couvrant du nom du médecin, lui prêteront leur quête du fameux
élixir de vie et, en attendant, de fortune. Mystification si bien
réussie que c'est seulement en 1959 (33), par exemple, qu'on a pu
prouver que Semita sémite, centon de Flos florum, consacré à la
recherche de la pierre philosophale, était postérieur à Arnaud.
(32) Arnaud de Villeneuve. Incipit tractatus de vinis..., Paris, 1314, p. 2-12.
(33) Payen (Jacques). « Flos florum * et c Semita sémite... *, in Rev. d'hist. des
se., XII, 1959, 4, p. 289-300. OU HISTOIRE DE LA THÉRAPEUTIQUE ALCOOLIQUE 51 LÉGENDES
Les traités alchimiques que nous dérobons à Arnaud et le
même travail pourrait être entrepris à propos de Lulle, de Roque-
taillade, qui le premier préconisa des teintures métalliques (34), et
de bien d'autres ne concernent-ils donc en aucune manière le
thérapeute? Si, mais d'une espèce bien particulière. Les domaines
théorique et pratique que nous avons décelés chez les Arabes se
séparent ici. Pour l'alchimiste le travail des mains et la poursuite
de la Pierre ne seront qu'une étape vers la recherche purement spi
rituelle ; la quintessence obtenue au terme, non de la distillation,
mais de l'ascèse spirituelle, « notre esprit », « notre eau-de-vie »,
est l'authentique extrait non des vertus des plantes, mais des vertus
célestes. -
?
IV
Jean Brouaut
La fabrication des médicaments à base d'alcool va prendre, à la
fin du XVP siècle, une forme particulièrement systématique chez
un mystérieux personnage que les historiens de la pharmacie et de
la chimie ont généralement oublié : le médecin protestant Jean
Brouaut (1540 env. - 1603 ou 1604), disciple normand de Para
celse et de son traducteur Gérard Dorn. La clarté et la rationali
sation de doctrines, restées ailleurs confuses, devraient peut-être
suffire à sauver de l'oubli son Traité de l'eau-de-vie (35). Mais
l'enseignement à tirer de son uvre nous paraît d'une autre portée.
Brouaut n'est pas original : Paracelse (36) et bon nombre d'autres
auteurs traitent désormais abondamment des bienfaits de la théra
peutique alcoolique. Il peut même, par les synthèses qu'il réussit,
(34) Multhauf (Robert P.). John of Rupescissa and the Origin of medical Chem
istry, in Isis, 45, 1954, 4, 142.
(35) Brouaut (Jean). Traité de Veau-de-vie..., Paris, Jacques de Senlecque et
Jean Henault, 1646.
(36) Paracelse. Archidoxis, liv. VI. REVUE d'histoire de la pharmacie 52
être considéré comme l'exemple-type du préparateur de remèdes
alcooliques de son siècle. Il n'a rien non plus d'un rêveur abstrait :
comme Liébaut, il décrit soigneusement ses appareils et en donne
des croquis ; il a confectionné lui-même son fourneau économique,
selon les habitudes des distillateurs de son époque ; de même, un
passe-vins que nous avons pu reconstituer et faire fonctionner. Son
Traité contient nombre de recettes sur la fabrication des teintures
alcooliques et de prescriptions pour leur usage thérapeutique. Il
sait reconnaître que la fermentation alcoolique n'est pas le propre
des moûts de fruits, et que le lait, en particulier, peut se transfor
mer en alcool (37), mais ce phénomène est déjà assez connu à
l'époque : nous espérons même pouvoir prouver ailleurs que,
contrairement à ce qu'on a cru, il était observé en Europe dès le
xiv* siècle.
Pourtant, Brouaut, comme Paracelse et Ulstad, se laisse fasciner
par la légende née chez Roquetaillade : pourquoi l'eau-de-vie ne
serait-elle pas la quintessence de toutes les quintessences, « une et
pareille en tous breuvages » (38) ? Pourquoi ne serait-elle pas « une
liqueur comme universelle et générale », la quintessence ultime de
l'univers sublunaire tout entier? Quittant ainsi les tâches concrèt
es de la thérapeutique, Brouaut n'échappe donc pas complètement
au vertige des mythes alchimiques.
Voilà qui explique une autre légende, les extrapolations de
Brouaut sur la quintessence étant manifestement à l'origine d'erreurs
d'interprétation qui se perpétueront jusqu'à nos jours, au point
d'entraîner un classement erroné, semble-t-il, dans le catalogue
imprimé de la Bibliothèque nationale. Brouaut y est, en effet, donné
comme l'auteur non seulement du Traité de l'eau-de-vie, mais aussi
de V Abrégé de l'Astronomie inférieure, expliquant le Système des
Planètes ; les douze signes du Zodiac et autres Constellations du
Ciel Hermétique. Avec un essay de l'astronomie naturelle, contre
les Systèmes de Ptolomée, Copernic et Ticho Brahé montrant leurs
erreurs sur les Distance, Grandeur, Situation et Mouvement des
(37) Op. cit., p. 9.
(38) Ibid. OU HISTOIRE DE LA THÉRAPEUTIQUE ALCOOLIQUE 53 LÉGENDES
Astres : et le souverain remède au Vertige de la terre, par la situa
tion du Soleil par dess

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