Les belles lettres : écriture et ornement sur une œnochoé de Charinos - article ; n°1 ; vol.13, pg 123-133
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Description

Mètis. Anthropologie des mondes grecs anciens - Année 1998 - Volume 13 - Numéro 1 - Pages 123-133
Les belles lettres : écriture et ornement sur une oenochoé de Charinos (pp. 123-133)
Le rapport entre ornement, écriture et représentation est particulièrement étroit sur une œnochoé signée du potier Charinos. La connivence entre le feuillage et les lettres s'inscrit dans un ensemble d'expérimentations graphiques et plastiques (fond blanc, décor en silhouette, absence de figure humaine) qui mettent en valeur la beauté d'une femme - Xénodoké - et la qualité du vase lui-même. Un tel objet appartient à une petite série de vases, rares mais révélateurs des possibilités esthétiques de l'écriture, quand elle fait image.
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 35
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

François Lissarrague
Les belles lettres : écriture et ornement sur une œnochoé de
Charinos
In: Mètis. Anthropologie des mondes grecs anciens. Volume 13, 1998. pp. 123-133.
Résumé
Les belles lettres : écriture et ornement sur une oenochoé de Charinos (pp. 123-133)
Le rapport entre ornement, écriture et représentation est particulièrement étroit sur une œnochoé signée du potier Charinos. La
connivence entre le feuillage et les lettres s'inscrit dans un ensemble d'expérimentations graphiques et plastiques (fond blanc,
décor en silhouette, absence de figure humaine) qui mettent en valeur la beauté d'une femme - Xénodoké - et la qualité du vase
lui-même. Un tel objet appartient à une petite série de vases, rares mais révélateurs des possibilités esthétiques de l'écriture,
quand elle fait image.
Citer ce document / Cite this document :
Lissarrague François. Les belles lettres : écriture et ornement sur une œnochoé de Charinos. In: Mètis. Anthropologie des
mondes grecs anciens. Volume 13, 1998. pp. 123-133.
doi : 10.3406/metis.1998.1078
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/metis_1105-2201_1998_num_13_1_1078Les Belles Lettres :
écriture et ornement sur une œnochoé de Charinos
Les aspects ornementaux de la lettre et de l'écrit sont connus et prennent
selon les supports des formes diverses. Dès 1911, Paul Jacobsthal avait attiré
l'attention sur ces questions dans un article au titre programmatique: «Zur
Kunstgeschichte der griechischen Inschriften»1. Le caractère ornemental de
la lettre, en particulier dans les inscriptions monumentales, n'avait pas
échappé à celui qui allait, quelques années plus tard, en 1927, publier une
synthèse essentielle sur les Omamente griechischer Vaserf.
Cette esthétique de la lettre, souvent manifeste en épigraphie lapidaire, est
présente dans la céramique attique, sur un mode différent, que j'aimerais
analyser ici à partir d'une œnochoé du British Muséum. Si j'ai retenu cet
exemple, c'est qu'il pousse la logique ornementale de la lettre jusqu'à une
limite et fait de la beauté, sous tous ses aspects, le sujet même de l'énoncé
inscrit.
Il s'agit d'une œnochoé à fond blanc3 (fig. 1), à bec trilobé, de forme assez
élancée, ornée à la base du col d'un méandre et sur la panse d'un simple
décor de vigne. Le dessin en est très simple, uniquement en silhouette, sans
incisions. Deux lignes entrelacées, dans l'axe du vase, se déploient ensuite en
six rameaux feuillus, chargés de grappes qui occupent toute la panse du vase.
A la base de l'anse verticale sont placées symétriquement deux palmettes
ornementales au cœur d'une ligne sinueuse qui se termine à l'extrémité
supérieure par une autre palmette, plus large, et à l'extrémité inférieure par
un bouton de lotus4. Ainsi les palmettes des anses et les branches de vigne se
touchent mais ne se confondent pas.
1. P. Jacobsthal, «Zur Kunstgeschichte der griechischen Inschriften», in Charités,
Festschrift fur F. Léo, Berlin, 191 1, pp. 453-465.
2. P. Jacobsthal, Ornamente griechischer Vasen, Berlin, 1927.
3. Londres, British Muséum, Β 631 ; ABV 423 et 697 ; ARV 1532.
4. Jacobsthal, op. cit., pi. 31 a. FRANÇOIS LISSARRAGUE 124
Sous la vigne, à partir du tronc, en deux courbes également symétriques,
s'étalent deux inscriptions. La première, à gauche de la vigne, est une
signature de potier: ΧΑΡΙΝΟΣ ΕΠΟΙΕΣ; l'inscription, comme le précise
Beazley, paraît complète ainsi. Elle est orientée de droite à gauche, mais le
haut des lettres est orienté vers la ligne de sol ; autrement dit, il faut la lire à
l'envers, par rapport à la seconde inscription qui est, elle, orienté de gauche
à droite et se lit «à l'endroit». Cette inscription est malheureusement
lacunaire; il en reste toutefois assez pour que l'on puisse y reconnaître une
acclamation. On lit:
ΞΕΝΟΔΟ[Κ]Ε- — ΠΑ-ΚΑΛΕ.
S'il nous est difficile de restituer exactement cette longue séquence de
lettres, on peut en tout cas la classer parmi les inscriptions qui proclament la
beauté d'une femme, puisque le mot ΚΑΛΕ y figure en bonne place, au
féminin.
Autre caractère remarquable de ce vase, corollaire de l'importance de
l'inscription double: il ne comporte aucune figure humaine. Le décor se
limite à des branchages, des palmettes, deux lignes d'écriture - tout en
jouant sur l'effet esthétique de chacun de ces graphismes. Palmettes et
branchages se touchent et permettent de passer d'une stylisation
géométrisante du végétal - les palmettes à l'articulation entre l'anse et la
panse du vase - à une image plus mimétique de la vigne. Branchages et
écriture se répondent également. Les lignes d'écriture n'ont rien de réglé ni
d'horizontal; elles sont disposées comme des guirlandes qui semblent pendre
sous la tonnelle que forme la vigne. Elles font ainsi partie de la
représentation et meublent l'espace non pas de figures mais de noms
propres qui font image.
Ces deux inscriptions renvoient à deux réalités distinctes. La signature du
potier se réfère au vase lui-même; il n'y a rien là d'exceptionnel. Cependant
les autres signatures connues de Charinos, qui toutes se lisent sur des vases
plastiques où le travail du potier est essentiel, sont placées sur une zone non
figurée, soit sur l'anse verticale d'œnochoés ou de canthares en forme de tête
humaine5, soit, dans le cas du canthare en forme de bélier de Richmond, dans
l'axe du museau de l'animal6. Sur l'œnochoé de Londres, la signature n'est
pas disposée en fonction de la structure plastique du vase, hors image, mais
5. ARV2 1531, 1-4 (classe C, de Charinos). Ces quatre signatures sont incisées, tout
comme celle qui se lit sur les fragments de la collection Cahn, HC 732 ; cf. Adcf, pp. 402-
403 et surtout B. Cohen, «The Literate Potter : a tradition of incised signatures on Attic
vases», Metropolitan Muséum Journal, 26, 1991, pp. 49-95.
6. Richmond, Virginia Muséum, 1979.79.100 ; signature peinte. Voir R. Guy, «A Ram's
head rhyton signed by Charinos», Arts in Virginia, 21, 1981, pp. 2-15. BELLES LETTRES 125 LES
bien par rapport à la représentation, sous le feuillage.
La seconde inscription, lacunaire, renvoie à la beauté d'une femme,
Xénodokè, qui est nécessairement extérieure à la représentation7.
Ainsi la qualité esthétique du vase et la beauté féminine se répondent, dans
une symétrie visuelle qui ouvre sur des plans distincts : le vase, la femme.
Toutefois il arrive que ces deux plans interfèrent : au symposion, sous les
yeux du buveur, quand l'œnochoé est maniée par celle qui verse à boire aux
hommes. C'est alors le vase lui-même, en tant qu'objet technique, qui met
ces deux aspects, beauté corporelle, beauté plastique, en relation
symétrique.
Le jeu de complémentarité entre écriture et image est accentué par
l'absence de figuration humaine, qui laisse le champ libre à une sorte
d'expérimentation graphique inhabituelle mais révélatrice. Peu de vases
attiques adoptent en effet la formule que l'on rencontre ici et l'on
remarquera que ce caractère expérimental va de pair avec d'autres
particularités techniques de ce vase : usage du fond blanc et du dessin en
silhouette.
On retrouve certains de ces traits sur un petit groupe de vases
contemporains, non moins exceptionnels dans leurs choix techniques. Sur
une œnochoé de Munich8 (fig. 2), seule l'épaule est décorée d'une frise à fond
blanc de quatorze palmettes tête-bêche. Entre ces palmettes circule une
longue ligne qui forme un dialogue entre convives. On lit en effet: «Nikolas
est beau. Dorotheos est beau ; moi aussi je le trouve beau. L'autre garçon
aussi est beau, Memnon. Pour moi aussi c'est un bel ami». Le point de
départ du texte qui court tout autour du vase est marqué par un minuscule
oiseau en silhouette; il signale l'envol de ces paroles ailées parmi les
convives dont les propos forment ainsi une couronne, à la fois décor du vase
et ornement du banquet. La présence de l'oiseau anime ce décor stylisé et
rend en quelque sorte aux palmettes leur nature végétale.
De tels oiseaux - baptisés «black-birds» par D. C. Kurtz9 et dont Miss
Emily Haspels a dress

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