Les comptes de la mort vague après la guerre. Pertes de guerre et conjoncture du phénomène guerre, XVIIe-XIXe siècles - article ; n°3 ; vol.6, pg 289-312
25 pages
Français

Les comptes de la mort vague après la guerre. Pertes de guerre et conjoncture du phénomène guerre, XVIIe-XIXe siècles - article ; n°3 ; vol.6, pg 289-312

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Description

Histoire & Mesure - Année 1991 - Volume 6 - Numéro 3 - Pages 289-312
The Accounts of the Wague death after the war Today, if military history is no longer the history of the battles of a nation, it is not still the history of war as human phenomenon. It’s probably the reason why novel seems to be more able to explain the reality of war than history. However, a history of was as human phenomenon is possible. It could begin with the first true aspect of war: death, which is its first objective, as the officials accounts of dead soldiers after the battle show. A quantitative history, based on those accounts during a long time of the history of the battles in Europe, permits to show that the war as phenomenon obey similar cycles but unequal periods of time. May be the explanation is the management of armies in a society where the soldier replaces the warrior.
Si aujourd’hui, l’histoire militaire n’est plus seulement « l’histoire-batailles », elle n’est pas encore l’histoire du phénomène humain qu’on appelle la guerre. C’est sans doute la raison pour laquelle le roman semble plus apte à rendre compte de la réalité humaine de la guerre que l’histoire. Une histoire de la guerre comme phénomène est pourtant possible. Elle pourrait commencer par le premier but véritable de la guerre : la mort, dont rendent compte les états officiels de soldats tués au combat. Une histoire quantitative fondée sur ces comptabilités étudiées dans le long terme met en évidence des cycles guerriers de nature similaire mais étalés sur de très inégales périodes. Une explication possible est contenue dans la gestion de la violence armée dans une société où le soldat remplace le guerrier.
24 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 18
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Monsieur Alain Guery
Les comptes de la mort vague après la guerre. Pertes de guerre
et conjoncture du phénomène guerre, XVIIe-XIXe siècles
In: Histoire & Mesure, 1991 volume 6 - n°3-4. pp. 289-312.
Abstract
Alain Guery. The Accounts of the Wague death after the war.
Today, if military history is no longer the history of the battles of a nation, it is not still the history of war as human phenomenon.
It's probably the reason why novel seems to be more able to explain the reality of war than history. However, a history of was as
human phenomenon is possible. It could begin with the first true aspect of war : death, which is its first objective, as the officials
accounts of dead soldiers after the battle show. A quantitative history, based on those accounts during a long time of the history
of the battles in Europe, permits to show that the war as phenomenon obey similar cycles but unequal periods of time. May be
the explaination is the management of armies in a society where the soldier replaces the warrior.
Résumé
Alain Guery. Les comptes de la mort vague après la guerre. Pertes de guerre et conjoncture du phénomène guerre. Si
aujourd'hui, l'histoire militaire n'est plus seulement « l'histoire-batailles », elle n'est pas encore l'histoire du humain
qu'on appelle la guerre. C'est sans doute la raison pour laquelle le roman semble plus apte à rendre compte de la réalité
humaine de la guerre que l'histoire. Une histoire de la guerre comme phénomène est pourtant possible. Elle pourrait commencer
par le premier but véritable de la
guerre : la mort, dont rendent compte les états officiels de soldats tués au combat. Une histoire quantitative fondée sur ces
comptabilités étudiées dans le long terme met en évidence des cycles guerriers de nature similaire mais étalés sur de très
inégales périodes. Une explication possible est contenue dans la gestion de la violence armée dans une société où le soldat
remplace le guerrier.
Citer ce document / Cite this document :
Guery Alain. Les comptes de la mort vague après la guerre. Pertes de guerre et conjoncture du phénomène guerre, XVIIe-XIXe
siècles. In: Histoire & Mesure, 1991 volume 6 - n°3-4. pp. 289-312.
doi : 10.3406/hism.1991.1399
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hism_0982-1783_1991_num_6_3_1399Histoire & Mesure, 1991, VI-3/4, 289-312
Alain GUÉRY
Les comptes de la mort vague après la guerre.
Pertes de guerre et conjoncture du phénomène
guerre
XVnE-XIXE SIÈCLES
« Quand nous étions attelés à dégager Brisach et que je vis que les
opérations étaient menées mollement, je pris moi-même les armes et me
portai sur le pont de bateaux comme si j'avais pu en finir seul, bien que ce
ne fût à l'époque ni ma profession ni mon devoir ; mais je le fis pour servir
d'exemple aux autres ; la chance, ou plutôt la malchance, voulut que parmi
les premiers assaillants je fusse aussi le premier sur le pont à voir le blanc
des yeux de l'ennemi, quand l'affaire était chaude, et de même que j'avais
été le premier dans l'attaque, je fus, quand nous ne pûmes plus résister à
la charge impétueuse des Français, le tout dernier, et le premier tombé aux
mains de l'ennemi ; je reçus d'abord un coup de feu au bras droit et l'autre
dans la cuisse, en sorte que je ne pus ni m' échapper ni user de mon épée ;
et comme l'étroitesse du lieu et l'âpreté du combat ne permettaient pas de
beaucoup parlementer de quartier fait ou obtenu, je reçus un coup à la tête
qui me jeta à terre et, comme je portais de beaux habits, je fus par
quelques-uns dans leur furie déshabillé et jeté pour mort dans le Rhin. »
Grimmelshausen, Les aventures de Simplicissimus (1669) (1).
Impétueux, malchanceux, capturé, blessé, laissé pour mort, Hans
Jakob Christoffel von Grimmelshausen décrit, dans ce texte, une
situation violente qui a été celle de milliers d'hommes durant la guerre
de Trente Ans, mais aussi celle de millions tout au long d'une
histoire rythmée, d'abord et malgré les tentatives des historiens pour la
fonder sur d'autres chronologies, par les batailles livrées sous les ordres
de princes qui sont avant tout des chefs de guerre. L'auteur sait de quoi
il parle : il a été soldat, il a fait cette guerre qui ruine pour longtemps
l'essor de son pays, l'Allemagne. Son originalité foncière est de repren
dre ses témoignages sous l'angle de vue du simple homme, du soldat de
base qui marche, a faim, a peur, pille, viole, torture, tue, pend, incendie,
se saoule, est fait prisonnier, est blessé, meurt. Dans sa préface à la belle
traduction de Jean Amsler de ce livre majeur de la littérature mondial
e (2), Pascal Quignard place le problème qu'il pose là où il faut : « Où
étaient les seigneurs quand ils quittaient Versailles chaque année pour la
guerre ? Ils étaient dans ce roman de froid et de saleté, de femmes dont
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la bouche et le ventre sont avilis et d'hommes aux sexes coupés ras, de
langage bas, de ruines et de pierres fumantes dans l'hiver » (3).
La guerre est le vrai monde à l'envers pour l'idéal de l'homme sage,
productif et créateur, mais le monde à l'endroit dans la vie concrète, une
des vérités du monde concret de la vie — de la Lebenswelt — , dans la
plupart des civilisations, où la paix apparaît comme l'exception et une
conquête volontaire de l'homme sur sa nature guerrière profonde. On
pourrait ajouter le roman de Grimmelshausen à la liste, non close, des
œuvres littéraires qui ont pris en charge les grands thèmes existentiels,
liste qu'oppose Milan Kundera à l'affirmation heideggerienne qu'ils
n'avaient jamais été traités avant son « Etre et temps », et qui font de
l'art du roman un art de la vérité (4). La guerre, comme bien d'autres
phénomènes complexes de la vie humaine, est exprimée là comme elle ne
le pourrait jamais être ailleurs, dans un traité de psychologie, un ouvrage
de sociologie, ou un livre d'histoire. Les quatre ou cinq siècles de
l'histoire du roman en Europe accompagnent le mouvement même de de l'historiographie, parce qu'ils ne peuvent jamais se confon
dre en un seul genre, parce que la vérité, si elle est une, n'est
qu'approches successives et diverses.
Commencer de la sorte un article d'histoire quantitative des guerres
par la vérité que, seul, le roman peut faire sentir, sur ce sujet comme sur
d'autres, ne relève pas d'un regret, d'une hiérarchie, ni même d'un
hommage de circonstance. Compter les morts et les blessés sur les
champs de bataille de l'Europe, entre la guerre de Trente Ans et l'avant
première guerre mondiale, essayer d'en tirer mesures et mouvement,
repérer s'ils obéissent à des lois quelconques, des cycles peut-être,
pourquoi pas, ne ressemble en rien à la démarche du romancier. Et
pourtant, aussi éloignée de celle-ci soit-elle par son approche et sa
méthode, une telle étude considère la guerre également comme un
phénomène humain. Il ne s'agit en rien de revenir à Phistoire-batailles,
mais au contraire d'en partir pour établir un chaînon qui fait défaut
entre l'histoire qui n'est certainement pas « le plus beau des romans » et
le roman qui ne rend plus compte de cette histoire là, à commencer par
le « historique ». En n'oubliant pas pour autant que si on quitte
ainsi le monde concret de la vie, c'est pour tenter d'y trouver un peu de
sens, compréhension et direction, qui permette, d'une autre manière, de
soulever le voile hypocrite de cette mort affreuse et admise qu'est la mort
vague des hommes après la guerre. Quitte à reprendre pendant et après
l'étude Simplicissimus , pour refuser l'extrême légèreté avec laquelle
parfois ceux qui étudient les phénomènes par les grandes masses et les
grands systèmes parlent de la vie et de la mort des hommes.
Il s'agit donc ici de dire ce que précisément l'histoire-batailles ne dit
pas, ne peut pas et ne veut pas dire, pour des raisons que nous savons
tous et qui font vibrer la fibre nationale et la fibre idéologique en dehors
de toute sensibilité à l'humain. C'est donc plutôt ce que les grands
romanciers ont écrit de la guerre qui inspire une recherche qui la
considère d'abord comme phénomèn

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