Les Francs-maçons et la Révolution (autour de la Machine de Cochin) - article ; n°1 ; vol.279, pg 14-31
19 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Les Francs-maçons et la Révolution (autour de la Machine de Cochin) - article ; n°1 ; vol.279, pg 14-31

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
19 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Annales historiques de la Révolution française - Année 1990 - Volume 279 - Numéro 1 - Pages 14-31
Après avoir rappelé l'importance de l'héritage du mythe du « complot maçonnique», forgé à l'époque révolutionnaire principalement par l'abbé Barruel, l'auteur analyse l'originalité de l'apport d'Augustin Cochin à la fin du siècle dernier à travers ses ouvrages sur les sociétés de pensée, substituant au « complot » vidé de son contenu volontariste, en s'inspirant des travaux d'Ostro- gorsky, le thème de la « Machine », instrument pour manipuler l'opinion en créant du consensus et dont les sociétés de pensée et loges maçonniques auraient été le laboratoire. Il rappelle le débat engagé à l'époque, l'accueil favorable de la droite cléricale et la contre-argumentation développée d'Aulard à Mathiez, puis Egret, à partir d'une analyse de la réalité des faits. Mais il reste que Cochin a fourni des arguments à toute une tradition conservatrice, voire d'extrême droite durant la première moitié du XXe siècle.
The author first underlines the importance of the heritage of the myth of a masonic plot which was forged during the revolutionary era mainly by Abbé Barruel and he analyzes the originality of Augustin Cochin's contribution in his works about the « Sociétés de pensée » : using the ideas of Ostrogorsky's works, Cochin substitued for the « plot » emptied of its intentional contents, the theme of the « machine », invented to manipulate opinion by creating a consensus and experimented within the « sociétés de pensée » used as a laboratory. The author evokes the debate of the time : its favorable reception by the clerical right-wing and the counter arguments developed by Aulard, Mathiez and then Egret based on an analysis of the real events. Moreover, Cochin provided arguments for a whole conservative tradition and even for the extreme right-wing during the first half of the twentieth century.
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1990
Nombre de lectures 87
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Charles Porset
Les Francs-maçons et la Révolution (autour de la "Machine" de
Cochin)
In: Annales historiques de la Révolution française. N°279, 1990. pp. 14-31.
Résumé
Après avoir rappelé l'importance de l'héritage du mythe du « complot maçonnique», forgé à l'époque révolutionnaire
principalement par l'abbé Barruel, l'auteur analyse l'originalité de l'apport d'Augustin Cochin à la fin du siècle dernier à travers ses
ouvrages sur les sociétés de pensée, substituant au « complot » vidé de son contenu volontariste, en s'inspirant des travaux
d'Ostro- gorsky, le thème de la « Machine », instrument pour manipuler l'opinion en créant du consensus et dont les sociétés de
pensée et loges maçonniques auraient été le laboratoire. Il rappelle le débat engagé à l'époque, l'accueil favorable de la droite
cléricale et la contre-argumentation développée d'Aulard à Mathiez, puis Egret, à partir d'une analyse de la réalité des faits. Mais
il reste que Cochin a fourni des arguments à toute une tradition conservatrice, voire d'extrême droite durant la première moitié du
XXe siècle.
Abstract
The author first underlines the importance of the heritage of the myth of a masonic plot which was forged during the revolutionary
era mainly by Abbé Barruel and he analyzes the originality of Augustin Cochin's contribution in his works about the « Sociétés de
pensée » : using the ideas of Ostrogorsky's works, Cochin substitued for the « plot » emptied of its intentional contents, the
theme of the « machine », invented to manipulate opinion by creating a consensus and experimented within the « sociétés de
pensée » used as a laboratory. The author evokes the debate of the time : its favorable reception by the clerical right-wing and
the counter arguments developed by Aulard, Mathiez and then Egret based on an analysis of the real events. Moreover, Cochin
provided for a whole conservative tradition and even for the extreme right-wing during the first half of the twentieth
century.
Citer ce document / Cite this document :
Porset Charles. Les Francs-maçons et la Révolution (autour de la "Machine" de Cochin). In: Annales historiques de la
Révolution française. N°279, 1990. pp. 14-31.
doi : 10.3406/ahrf.1990.1291
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahrf_0003-4436_1990_num_279_1_1291FRANCS-MAÇONS ET LA RÉVOLUTION LES
(autour de la « Machine » de Cochin) (1)
Chacun sait que très tôt (2) certains témoins ou victimes du
bouleversement révolutionnaire l'ont imputé aux francs-maçons asso
ciés ou non aux protestants, aux jansénistes et aux jésuites. La thèse
du « complot » (3), développée d'abord dans des pamphlets anonymes,
fut reprise et étayée par l'eudiste Lefranc (4) puis, finalement, codifiée
par l'abbé Barruel (5) dans ses fameux Mémoires pour servir à l'his
toire du jacobinisme dont les multiples rééditions confirment la
fortune.
L'œuvre d'Augustin Cochin (6), quoi qu'on ait dit, s'inscrit tout
à fait dans cette tradition historiographique, même si une « machine »
remplace maintenant le « complot », car toujours, à travers elle, ce
sont les francs-maçons qui sont visés. Mon objet est de montrer que
le révisionnisme de Cochin rejoint l'antimaçonnisme le plus vulgaire
(1) Cet article est la reprise d'une communication présentée au Colloque de Ségovie en
avril 1988, dont le thème était : Perspectivas actuates de la investigation historica.
(2) Les premières brochures parurent en 1791.
(3) II existe de nombreux travaux sur le sujet. Pour une vue d'ensemble on se reportera
à l'ouvrage classique de John M. Roberts, La mythologie des sociétés secrètes, trad. Paris,
1979. Nombreuses informations aussi dans le livre de Johannes Rogalla von Biberstein, Die
These von der Verschwôrung 1776-1945 : Freimaurer, Juden, Libérale und Sozialisten als
Verschwôrer gegen die Sozialordnung, Frankfurt am Main, 1976. Voir également Louis
de Cardenal, «Sur le 'complot maçonnique' de 1789», La Révolution française, 86 (1933),
pp. 289-310 ; Marcellin Defourneaux, « Complot maçonnique et complot jésuitique », Annales
Historiques de la Révolution Française, 37 (1965), pp. 170-190. Enfin, sur la genèse de cet anti-
maçonnisme, voir Jacques Lemaire, Les origines françaises de l'antimaçonnisme (1744-1797),
Bruxelles [1985].
(4) François Lefranc, Le voile levé pour tes curieux ou le secret de la Révolution de
France révélé à l'aide de la franc-maçonnerie, Paris, 1791 ; Conjuration contre la religion
catholique et les souverains, dont le projet, conçu en France, doit s'exécuter dans l'univers
entier, ouvrage utile à tous les Français, Paris, 1792.
(5) Sur cet auteur il n'existe pas de travail satisfaisant. On trouvera des renseignements
utiles dans Sylva Schaeper-Wimmer, Augustin Barruel, s.j. (1740-1820), Frankfurt am Main
[1985]. Les Mémoires paraîtront de 1797 à 1799. Leur dernière réédition date de 1973.
(6) On trouvera un aperçu biographique sur Cochin dans François Furet, Penser la
Révolution, Paris [1978], pp. 212 et sq. Inutile de préciser que c'est à Furet qu'on doit la
tentative de réhabilitation de cet historien que tout le monde avait oublié. FRANCS-MAÇONS ET LA RÉVOLUTION 15 LES
et le plus dangereux ; que c'est bien ainsi que son œuvre fut comprise,
et par ses amis, et par les historiens républicains.
Ce n'est pas un hasard si l'idée d'une responsabilité maçonnique
dans la préparation puis le développement du phénomène révolution
naire fait sa réapparition quand la République, longtemps incertaine,
s'impose comme une incontournable nécessité dans le dernier tiers
du XIXe siècle (7) ; Barruel n'avait pas été oublié et, par un curieux
paradoxe, l'historien républicain Louis Blanc (8) lui avait prêté la
main en imputant la Révolution à l'action concertée des sociétés
secrètes — principalement maçonniques. Aussi on ne s'étonnera pas
qu'à l'occasion de la célébration du premier centenaire, toute une
littérature soit apparue qui dans le droit fil des travaux de Taine,
mais avec le génie en moins, a cherché à instruire une nouvelle fois
le procès des lumières, de la philosophie et des francs-maçons.
L'œuvre de Cochin s'éclaire par ce contexte : il n'aime pas la Répub
lique, il déteste les jacobins, il méprise les philosophes et enfin il a
horreur des francs-maçons.
Quand Cochin sortit de l'École des Chartes, une honnête aisance
le lui permettant, il se détourna bien vite des occupations acadé
miques pour se lancer dans des recherches d'actualité. Son premier
travail, publié en 1904, devait porter sur La campagne électorale de
1789 en Bourgogne. Dans son esprit il s'agissait de comprendre
comment le « peuple », tout inorganisé qu'il était, avait pu se lever
comme un seul homme à la veille de la Révolution. Une telle spontan
éité, un tel unanimisme lui paraissaient suspects. S'il n'y a pas eu
de campagne électorale en 1789, tout cependant paraît se passer
comme si — le « comme si » est un des réquisits de l'argumentation
de Cochin — tout avait été organisé, préparé, concerté.
« [...] cette armée sans officiers — écrit-il — manœuvre avec un ensemble
étonnant : on voit les mêmes démarches se faire au même moment dans les
provinces que séparent mœurs, intérêts, régime, dialectes mêmes, sans parler
des douanes et des mauvais chemins. En novembre 1788, toute la France demande
le doublement du Tiers aux États ; en janvier le vote par tête ; en mars, toute
la France envoie aux États des doléances si semblables qu'on les croirait rédigées
sur le même canevas, par le même pamphlétaire philosophe : car les paysans
eux aussi parlent philosophie dans leurs cahiers pour rester à l'unisson » (9) .
(7) J'étudie cette renaissance de l'antimaçonnisme dans le commentaire critique que j'ai
associé à la réédition du livre de Louis Amiable, Une Loge maçonnique à la veille de la Révol
ution : ta R.% L:. des Neuf Sœur

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents