Les humanités dans l’histoire de l’enseignement français - article ; n°1 ; vol.74, pg 5-38
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Histoire de l'éducation - Année 1997 - Volume 74 - Numéro 1 - Pages 5-38
La tradition dans laquelle s'inscrit l'histoire des humanités classiques remonte à la plus haute Antiquité. En France, c'est à l'époque de la Renaissance que cet enseignement prend une forme durable, caractérisée par un certain nombre de traits : il vise à donner à ses disciples une éducation morale et une formation rhétorique, esthétique et intellectuelle, étrangères à toute préoccupation professionnelle, et solidement encadrées par les dogmes, les pratiques et les exigences du christianisme, et à constituer ainsi une élite, en se fondant sur la langue et la littérature latines (et grecques, accessoirement). Cet enseignement « classique » reste florissant jusqu'au milieu du XIXe siècle ; concurrencé par des conceptions pédagogiques modernes, il laisse désormais une place sans cesse plus large aux disciplines scientifiques, aux langues vivantes, mais surtout à la langue et à la littérature françaises. Sous sa forme classique, le modèle des humanités s'effondre avec la réforme de 1902. C'est le français qui, parmi les disciplines enseignées, assure la continuité de la tradition des humanités dans l'enseignement secondaire de masse de la fin du XXe siècle, où l'enseignement du latin n'est plus qu'une « option » parmi d'autres.
Klassische Bildung hat eine lange Tradition. In Frankreich etabliert sie sich im Zeitalter der Renaissance, so daß die Beschäftigung mit Grammatik, Rhetorik, Dichtung und Moralphilosophie zu ihren charakteristischen Inhalten gehört, verbunden mit einem neuen humanistischen Bildungsideal : der Vervollkommnung des Menschen durch am antiken Vorbild orientierte Studien. Die Sorge um das eigene berufliche Weiterkommen war dieser in die Dogmen, Praktiken und Anforderungen der christlichen Lehre fest eingebundenen Bildungsform fremd. Ziel war die Ausbildung von Eliten auf der Basis eines Studiums der lateinischen (und, allerdings nur am Rande, auch der griechischen) Sprache und Literatur. Diese « klassische » Bildung bestimmt das Bild bis zur Mitte des 19. Jahrhunderts ; erst danach gerät sie in Konkurrenz zu modemeren Strömungen innerhalb der Pädagogik und muß den mathematischnaturwissenschaftlichen sowie den neusprachlichen Fächern, vor allem aber dem muttersprachlichen Unterricht und dem Studium der französischen Literatur einen immer breiteren Raum uberlassen. Die Bildungsreform vom Jahr 1902 markiert das Ende des humanistischen Bildungsideals in seiner klassischen Ausprägung. Bei wachsenden Schülerzahlen setzt heute in der gymnasialen Oberstufe, wo Latein nur noch ein Wahlpflichtfach unter anderen ist, der Französischunterricht die humanistische Tradition fort.
The tradition within which one finds the history of the classical humanities goes back to high Antiquity. During the Renaissance in France the humanities acquired their long-lasting shape, characterized by a certain number of traits : they sought to give students a moral education and an aesthetic and intellectual rhetorical training, far removed from any professional preoccupation and solidly framed by Christian dogma, practices and requirements in order to develop an elite through the study of Latin language and literature (only occasionally Greek). This « classical » education flourished until the mid nineteenth century, but then the challenges of modern pedagogical concepts increasingly forced this education to include not only scientific studies, and spoken languages, but especially the study of French language and literature. The classical version of the humanities curriculum collapsed with the 1902 reform. In mass secondary education at the end of the twentieth century, French now offers continuity in the disciplines being taught with the tradition of the humanities since Latin is now only an option among others.
34 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 36
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Marie-Madeleine Compère
André Chervel
Les humanités dans l’histoire de l’enseignement français
In: Histoire de l'éducation, N. 74, 1997. Les Humanités classiques. pp. 5-38.
Citer ce document / Cite this document :
Compère Marie-Madeleine, Chervel André. Les humanités dans l’histoire de l’enseignement français. In: Histoire de l'éducation,
N. 74, 1997. Les Humanités classiques. pp. 5-38.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hedu_0221-6280_1997_num_74_1_2907Résumé
La tradition dans laquelle s'inscrit l'histoire des humanités classiques remonte à la plus haute Antiquité.
En France, c'est à l'époque de la Renaissance que cet enseignement prend une forme durable,
caractérisée par un certain nombre de traits : il vise à donner à ses disciples une éducation morale et
une formation rhétorique, esthétique et intellectuelle, étrangères à toute préoccupation professionnelle,
et solidement encadrées par les dogmes, les pratiques et les exigences du christianisme, et à constituer
ainsi une élite, en se fondant sur la langue et la littérature latines (et grecques, accessoirement). Cet
enseignement « classique » reste florissant jusqu'au milieu du XIXe siècle ; concurrencé par des
conceptions pédagogiques modernes, il laisse désormais une place sans cesse plus large aux
disciplines scientifiques, aux langues vivantes, mais surtout à la langue et à la littérature françaises.
Sous sa forme classique, le modèle des humanités s'effondre avec la réforme de 1902. C'est le français
qui, parmi les disciplines enseignées, assure la continuité de la tradition des humanités dans
l'enseignement secondaire de masse de la fin du XXe siècle, où l'enseignement du latin n'est plus
qu'une « option » parmi d'autres.
Zusammenfassung
Klassische Bildung hat eine lange Tradition. In Frankreich etabliert sie sich im Zeitalter der
Renaissance, so daß die Beschäftigung mit Grammatik, Rhetorik, Dichtung und Moralphilosophie zu
ihren charakteristischen Inhalten gehört, verbunden mit einem neuen humanistischen Bildungsideal :
der Vervollkommnung des Menschen durch am antiken Vorbild orientierte Studien. Die Sorge um das
eigene berufliche Weiterkommen war dieser in die Dogmen, Praktiken und Anforderungen der
christlichen Lehre fest eingebundenen Bildungsform fremd. Ziel war die Ausbildung von Eliten auf der
Basis eines Studiums der lateinischen (und, allerdings nur am Rande, auch der griechischen) Sprache
und Literatur. Diese « klassische » Bildung bestimmt das Bild bis zur Mitte des 19. Jahrhunderts ; erst
danach gerät sie in Konkurrenz zu modemeren Strömungen innerhalb der Pädagogik und muß den
mathematischnaturwissenschaftlichen sowie den neusprachlichen Fächern, vor allem aber dem
muttersprachlichen Unterricht und dem Studium der französischen Literatur einen immer breiteren
Raum uberlassen. Die Bildungsreform vom Jahr 1902 markiert das Ende des humanistischen
Bildungsideals in seiner klassischen Ausprägung. Bei wachsenden Schülerzahlen setzt heute in der
gymnasialen Oberstufe, wo Latein nur noch ein Wahlpflichtfach unter anderen ist, der
Französischunterricht die humanistische Tradition fort.
Abstract
The tradition within which one finds the history of the classical humanities goes back to high Antiquity.
During the Renaissance in France the humanities acquired their long-lasting shape, characterized by a
certain number of traits : they sought to give students a moral education and an aesthetic and
intellectual rhetorical training, far removed from any professional preoccupation and solidly framed by
Christian dogma, practices and requirements in order to develop an elite through the study of Latin
language and literature (only occasionally Greek). This « classical » education flourished until the mid
nineteenth century, but then the challenges of modern pedagogical concepts increasingly forced this
education to include not only scientific studies, and spoken languages, but especially the study of
French language and literature. The classical version of the humanities curriculum collapsed with the
1902 reform. In mass secondary education at the end of the twentieth century, French now offers
continuity in the disciplines being taught with the tradition of the humanities since Latin is now only an
option among others.HUMANITES DANS L'HISTOIRE DE LES
L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS
par André CHERVEL et Marie-Madeleine COMPÈRE
Aussi loin qu'on remonte dans l'histoire de l'enseignement en Occ
ident, on rencontre deux traditions opposées. Dans la première, l'en
fant grec apprend par cur les poèmes homériques et se prépare
ensuite, par la formation rhétorique, à l'éloquence de la tribune. La se
conde chasse les poètes de la Cité, dénonce les artifices de la sophisti
que qui enseigne à prouver une chose et son contraire, et met au
premier plan l'enseignement et la pratique de la philosophie. Sous des
formes diverses, le débat qui s'ouvre ainsi dans la Grèce antique a con
nu d'innombrables prolongements au cours de l'histoire. D'une part, la
notion de « philosophie » s'est élargie à de nouvelles conceptions du
monde, qu'elles fussent liées au christianisme, comme la scolastique,
ou caractéristiques du monde moderne, comme la pensée scientifique ;
d'autre part, le patrimoine littéraire scolaire s'est enrichi et diversifié
en adoptant comme supports deux, puis trois « langues classiques ».
Les enjeux n'ont cessé de se déplacer, mais, tout au long de l'histoire
de la pédagogie, on retrouve cette double tendance. Suivant les épo
ques, et parfois à la même époque, deux types de formations sont of
ferts à la jeunesse des classes dirigeantes ou des classes aisées, et
aujourd'hui à la totalité de la jeunesse. L'une est fondée sur la nature,
sur les choses, sur l'univers : elle permet à l'homme de « se situer »
dans le monde, d'y multiplier les marques et les repères et d'y inscrire
son action. L'autre s'appuie sur les textes portés par une longue tradi
tion, et sur la langue, à la fois outil de la communication et de la per
suasion et support indispensable, voire consubstantiel, de la pensée :
elle intègre l'individu dans une élite, dans une nation, dans une culture
qu'il partagera à la fois avec ses ancêtres et avec ses contemporains.
Dans l'éducation française, la seconde tradition, à laquelle appar
tiennent les humanités, l'a largement emporté depuis quatre siècles, au
point de transcender les régimes, les idéologies et les bouleversements
politiques, pour ériger le socle solide constitutif de la culture française,
apparemment insensible aux avatars de l'histoire. De l'« honnête
Histoire de l'éducation - n° 74, mai 1997
Service d'histoire de l'éducation
I.N.R.P. - 29, rue d'Ulm - 75005 Paris André CHERVEL et Marie-Madeleine COMPERE
homme » des âges classiques à l'homme cultivé de l'époque contemp
oraine, l'individu qu'elle forme, c'est celui qui, par la pratique des
textes et des auteurs, par le contact avec des civilisations fondatrices,
par l'exercice de la traduction, de l'imitation et de la composition, a ac
quis le goût, le sens critique, la capacité de jugement personnel et l'art
de s'exprimer oralement et par écrit conformément aux normes reçues.
Certes, l'idéal visé connaît au cours des siècles des définitions diver
ses : cet homme de l'universel qui se profile à l'horizon des humanités
est tour à tour le chrétien du collège jésuite, le citoyen des Lumières, le
républicain des lycées modernes. Mais la formation acquise dans les
établissements de type secondaire, par une partie certes limitée de la
population française, a longtemps, du XVIe au XIXe siècle, rapproché
les générations dans une culture commune. Dans l'enseignement fran
çais traditionnel, les humanités classiques se définissent d'abord et sur
tout par une « éducation », une éducation esthétique, rhétorique, mais
également morale et civique.
Le fil de cette tradition est-il encore perceptible dans l'enseigne
ment secondaire de la fin du XXe siècle ? Si oui, sous quelles formes ?
Un bref rappel de l'évolution historique permettra d'envisager les r
éponses possibles à cette question.
I. QU'EST-CE QUE LES HUMANITES ?
Les humanités remontent, sans solution de continuité, aux « arts l
ibéraux » antiques. Dans ses grands traits,

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