Les mobilisations des Kurdes en Europe - article ; n°3 ; vol.14, pg 203-223
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Description

Revue européenne de migrations internationales - Année 1998 - Volume 14 - Numéro 3 - Pages 203-223
21 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 27
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Isabelle Rigoni
Les mobilisations des Kurdes en Europe
In: Revue européenne de migrations internationales. Vol. 14 N°3. pp. 203-223.
Citer ce document / Cite this document :
Rigoni Isabelle. Les mobilisations des Kurdes en Europe. In: Revue européenne de migrations internationales. Vol. 14 N°3. pp.
203-223.
doi : 10.3406/remi.1998.1654
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remi_0765-0752_1998_num_14_3_1654Revue Européenne des Migrations Internationales, 1998 (14) 3 pp. 203-223 203
NOTE D'ACTUALITE
Les mobilisations des Kurdes en Europe
Isabelle RIGONF
Les migrants originaires du Kurdistan en Europe sont pour leur grande majorité
de nationalité turque. Toutefois le recensement de cette population est aussi malaisé
dans les pays d'accueil que dans les pays d'origine. Selon une tradition jacobine
fondamentaliste, l'Etat turc refuse en effet de prendre en compte l'ensemble des
composantes de la mosaïque turque, fort nombreuses et complexes. La population
kurde, comme toutes les populations sans statut en Turquie, ne bénéficie d'aucune
statistique officielle. En dépit de l'évolution du discours depuis Turgut Ôzal (1965)1, les
Kurdes restent officiellement des Turcs et il n'est donc pas question qu'ils soient
comptabilisés à part dans les recensements. Leur traitement n'est guère plus enviable en
Irak, en Iran et en Syrie, chaque Etat se servant de la population kurde contre ses voisins
et pratiquant de ce fait une politique parfois incohérente et contradictoire envers elle.
La population kurde forme, en dépit des efforts de dénégation de l'Etat turc et
du silence des pays occidentaux à son égard, une population à part entière, distincte des
autres populations de Turquie, d'Irak, d'Iran ou de Syrie, à la fois par ses origines
— réelles ou supposées — et par les langues qu'elle utilise2. Ce caractère spécifique se
retrouve dans les pays d'accueil et sa pérennité nous amène à qualifier la population
kurde de diaspora en devenir. Garants d'une identité propre, les Kurdes ont prouvé,
depuis les années 1980, leur capacité mobilisatrice — plus ou moins importante ou
* Doctorante, chargée de cours à l'Université Paris 8, Saint-Denis, 12 rue Ordener, 75018 Paris,
France. E-mail : isagil@club-internet.fr.
1 Si Turgut Ôzal a reconnu l'existence des Kurdes en Turquie et a officiellement permis
l'utilisation de leur langue, d'autres acteurs ont commencé à lever le tabou de la kurdicité.
Ainsi le quotidien Milliyet titre, dans son édition du 8 septembre 1994, sous la plume de Nur
Batur, « Laissons les Kurdes diffuser en kurde ! ». Plusieurs mois plus tard, Ahmet Altan, est
licencié de son poste d'éditorialiste de Milliyet et condamné à six mois de prison pour avoir
publié un billet intitulé « Atakurt » dans lequel il invite les citoyens turcs à imaginer ce que
serait leur situation si Mustafa Kemal avait été le père des Kurdes et non des Turcs.
2 Les Kurdes parlent leurs propres langues qui ne sont pas celles parlées par les Turcs, les Iraniens
ni les Arabes. Selon leur aire géographique, les Kurdes parlent le kurmanci et le zazaki
(principalement en Turquie), le sorani et le gorani (principalement en Iran et en Irak) et d'autres
dialectes encore dans l'extrême sud {hawrami, kirman, shanï). Et l'on connaît, depuis Benedict
Anderson (1994), l'importance de la langue dans la formation des « communautés imaginées »
et de la nation. 204 Isabelle RIGONI
visible selon les organisations mais toujours incontestable. Nous proposons, à travers
l'étude des associations qui, en Europe, sont affiliées au PKK (Partiya Karkeren
Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan) et au TKSP (Tùrkiye Kùrdistani Sosyalist
Partisi, Parti Socialiste du Kurdistan de Turquie), une typologie des modes de
mobilisation et de pression. En conséquence, il apparaît important de se demander si ces
types de mobilisation reprennent des stratégies déjà éprouvées en Turquie ou si les
organisations kurdes envisagent de nouveaux modes de pression dès lors que le terrain
n'est plus le même et que les interlocuteurs se diversifient. La fuite d' Abdullah Ôcalan,
leader du PKK, à Rome en novembre 1998, puis son arrestation en février 1999 à Nairobi
où il demeurait à l'ambassade de Grèce, apportent de nouveaux éléments d'appréciation
dans le conflit turco-kurde et surtout, dans son prolongement en Europe occidentale.
LES ÉMIGRÉS KURDES FACE À LA TURQUIE
Le recensement des Kurdes est aussi malaisé dans les pays européens qu'en
Turquie et l'on assiste à une troublante inadéquation des politiques d'accueil face à la
réalité de la diversité des populations de nationalité turque. Ainsi, alors qu'ils
proposent, via les services consulaires turcs, une éducation complémentaire en langue
turque ainsi que des cours de religion, les Etats européens n'ont mis en place aucun
dispositif permettant l'apprentissage des langues kurdes ou de la religion alévie à
laquelle nombre de Kurdes appartiennent. Toutefois, la revendication plus ou moins
exacerbée de leur appar-tenance ethnico-culturelle les rend repérables.
Plusieurs études de leur répartition spatiale sur le sol français et européen (de
Tapia, 1996, Riegel, 1993) dessinent une dynamique particulière à ce peuplement,
indépendante des mouvements propres à la population turque, et ce en dépit des
nombreux points de ressemblance (parcours socio-professionnel, type d'habitat,
pratiques culturelles) qui rapprochent sociologiquement les deux populations.
Tableau 1 : Kurdes en Europe par pays de résidence, évaluation
Pays de résidence Nombre de migrants kurdes
Allemagne 500 000
France 60 000
Pays-Bas 30 000
Autriche 25 000
Suisse Illustration non autorisée à la diffusion 25 000
Suède 15 000
Danemark 12 000
Belgique 12 000
Grande-Bretagne 9 000
Norvège 2 000
Grèce 1000
Espagne et Italie plusieurs centaines
Tableau réalisé d'après les données recueillies auprès de l'Institut kurde de Paris et de France-
Libertés, et selon les travaux de Jochen Blaschke, « Kurdische Communities in Deutschland und
Westeuropa. Ein Ùberblick iiber ihre soziale und kulturelle Situation. », in Berliner Institut fiir
Vergleichende Sozialforschung (ed), Kurden im Exil. Ein Handbuch kurdischer Kultur, Politik
und Wissenschaft. Berlin, Parabolis, 1991 : 2.1-3.
REMI 1998 (14) 3 pp. 203-223 Les mobilisations des Kurdes en Europe 205
Ainsi les Kurdes représenteraient en moyenne 20 % des immigrants turcs en
Europe, proportion presque identique à celle observée en Turquie, où ils représentent
20 à 25 % de la population totale.
Les Kurdes : une diaspora ?
La notion de diaspora, relativement récente dans les sciences sociales,
demeure encore largement malmenée. Définie une première fois en 1909 pour désigner
les Juifs exilés, le terme ne revêt en premier lieu qu'une acceptation ethnico-religieuse.
Puis, à mesure que d'autres peuples s'exilent massivement et que les sciences sociales
prennent conscience de ces dispersions et s'emploient à les théoriser, la notion de
diaspora se dote d'une définition plus complète, à la fin des années 1960. Surtout, sa
portée est élargie à d'autres peuples que les seuls Juifs. Après les travaux novateurs de
Gabriel Sheffer (1986) sur les diasporas « modernes », sociologues et politologues
s'emparent à tout va du terme de diaspora sans jamais — ou presque — le définir. Le
problème de la définition intervient toujours lorsqu'un nouveau champ de recherche
apparaît. Or le besoin d'une définition claire et opérationnelle est particulièrement
évident dans le cas des diasporas, spécialement au regard de la vulgarisation dont la
notion fait preuve. Il est d'ores et déjà possible d'accoler à la notion de diaspora un
certain nombre de caractères principaux (Sheffer 1986, Esman 1986, Angoustures et
Pascal 1996). Ces critères sont la cause, la durée et l'espace de l'exil, le degré de
« cohésion communautaire » (ou d'identification, d'adhésion, à une mémoire collective)
et l'existence de contacts sous diverses formes, réelles ou imaginaires, avec le territoire
ou le pays d'origine (Rigoni, 1997).
Les causes de l'exil peuvent être multiples, de nature économique, politique
et/ou religieuse. L'exil dure géné

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