Les mots de la corruption : la déviance publique dans les dictionnaires d Ancien Régime - article ; n°4 ; vol.21, pg 513-530
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Les mots de la corruption : la déviance publique dans les dictionnaires d'Ancien Régime - article ; n°4 ; vol.21, pg 513-530

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Histoire, économie et société - Année 2002 - Volume 21 - Numéro 4 - Pages 513-530
Abstract The vocabulary of public deviance worked simultaneously on two different levels : that of legal accuracy (concussion, péculat, exaction), which made it possible to isolate the corresponding practices and to qualify them as crimes ; and that of inclusion within general categories such as abus, lèse-majesté or malversation, which had a strong political or moral dimension. The study of the word corruption in the second part of the work shows that it had moral meaning inherited from the Aristotelian tradition. 'Corruption,' with its moral overtones, was initially unrelated to the penal question of public deviance. Rather, it marked the fundamental discrepancy between man and the virtue of justice.
Résumé Par l'examen systématique des dictionnaires de langue française des XVF-Xvnr3 siècles, cet article vise à retrouver les termes selon lesquels les hommes de l'Ancien Régime condamnaient les manquements commis par les agents publics dans l'exercice de leur charge. Ce lexique de la «déviance publique» jouait simultanément sur deux plans: celui de la précision juridique (concussion, péculat, exaction), qui permettait d'isoler des pratiques et de les qualifier de crimes ; celui de la généralisation et de l'inclusion dans des catégories qui, tels l'abus, la lèse-majesté et la malversation, présentaient une forte dimension morale et politique. La deuxième partie, consacrée au mot corruption, montre que ce terme possédait des acceptions morales héritées de la tradition aristotélicienne, ce qui Féloignait du plan strictement pénal pour l'installer sur le terrain théologico-moral: «corruption» signalait avant tout une dissociation capitale, celle de l'homme par rapport à la vertu de justice.
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2002
Nombre de lectures 38
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Maryvonne Génaux
Les mots de la corruption : la déviance publique dans les
dictionnaires d'Ancien Régime
In: Histoire, économie et société. 2002, 21e année, n°4. pp. 513-530.
Résumé Par l'examen systématique des dictionnaires de langue française des XVF-Xvnr3 siècles, cet article vise à retrouver les
termes selon lesquels les hommes de l'Ancien Régime condamnaient les manquements commis par les agents publics dans
l'exercice de leur charge. Ce lexique de la «déviance publique» jouait simultanément sur deux plans: celui de la précision
juridique (concussion, péculat, exaction), qui permettait d'isoler des pratiques et de les qualifier de crimes ; celui de la
généralisation et de l'inclusion dans des catégories qui, tels l'abus, la lèse-majesté et la malversation, présentaient une forte
dimension morale et politique. La deuxième partie, consacrée au mot corruption, montre que ce terme possédait des acceptions
morales héritées de la tradition aristotélicienne, ce qui Féloignait du plan strictement pénal pour l'installer sur le terrain
théologico-moral: «corruption» signalait avant tout une dissociation capitale, celle de l'homme par rapport à la vertu de justice.
Abstract The vocabulary of public deviance worked simultaneously on two different levels : that of legal accuracy (concussion,
péculat, exaction), which made it possible to isolate the corresponding practices and to qualify them as crimes ; and that of
inclusion within general categories such as abus, lèse-majesté or malversation, which had a strong political or moral dimension.
The study of the word "corruption " in the second part of the work shows that it had moral meaning inherited from the Aristotelian
tradition. 'Corruption,' with its moral overtones, was initially unrelated to the penal question of public deviance. Rather, it marked
the fundamental discrepancy between man and the virtue of justice.
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Génaux Maryvonne. Les mots de la corruption : la déviance publique dans les dictionnaires d'Ancien Régime. In: Histoire,
économie et société. 2002, 21e année, n°4. pp. 513-530.
doi : 10.3406/hes.2002.2274
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hes_0752-5702_2002_num_21_4_2274MOTS DE LA CORRUPTION: LA DÉVIANCE PUBLIQUE LES
DANS LES DICTIONNAIRES D'ANCIEN RÉGIME
par Mary vonné GÉNAUX
Résumé
Par l'examen systématique des dictionnaires de langue française des XVF-Xvnr3 siècles, cet ar
ticle vise à retrouver les termes selon lesquels les hommes de l'Ancien Régime condamnaient les
manquements commis par les agents publics dans l'exercice de leur charge. Ce lexique de la
«déviance publique» jouait simultanément sur deux plans: celui de la précision juridique (concuss
ion, péculat, exaction), qui permettait d'isoler des pratiques et de les qualifier de crimes ; celui de
la généralisation et de l'inclusion dans des catégories qui, tels l'abus, la lèse-majesté et la malversat
ion, présentaient une forte dimension morale et politique. La deuxième partie, consacrée au mot
corruption, montre que ce terme possédait des acceptions morales héritées de la tradition aristoté
licienne, ce qui Féloignait du plan strictement pénal pour l'installer sur le terrain théologico-moral:
«corruption» signalait avant tout une dissociation capitale, celle de l'homme par rapport à la vertu
de justice.
Abstract
The vocabulary of public deviance worked simultaneously on two different levels : that of legal
accuracy (concussion, péculat, exaction), which made it possible to isolate the corresponding pract
ices and to qualify them as crimes ; and that of inclusion within general categories such as abus,
lèse-majesté or malversation, which had a strong political or moral dimension. The study of the
word "corruption " in the second part of the work shows that it had moral meaning inherited from
the Aristotelian tradition. 'Corruption, ' with its moral overtones, was initially unrelated to the pe
nal question of public deviance. Rather, it marked the fundamental discrepancy between man and
the virtue of justice.
La volumineuse production scientifique consacrée à la corruption propose trois
définitions concurrentes de l'acception technique du terme. Dans leur formulation
actuelle, elles posent plusieurs problèmes à l'historien de l'Ancien Régime.
Les lectures économiques, selon lesquelles la corruption équivaut aux façons dont
un serviteur public vend ses pouvoirs au plus offrant, induisent une lecture amorale du
sujet car elles sont conçues pour passer indifféremment d'une configuration historique
à l'autre '. Les deux options suivantes, informées par les travaux de Max Weber,
pèchent plutôt par défaut inverse. L'une est centrée sur la notion d'office public et
s'intéresse au statut de la corruption, enrichissement illégitime d'un agent au
mépris des devoirs attachés à sa charge; l'autre, sur celle d'intérêt général et privilégie
1. Les travaux de l'historien de l'économie Jacob Van Klaveren sont fondateurs mais on recourt plus
volontiers aujourd'hui à ceux de Robert Tilman, Nathaniel Leff, Susan Rose-Ackerman et Bert Hoselitz.
Pour une vue d'ensemble sur la notion de corruption, voir A.J. Heidenheimer et M. Johnston (dir.), Political
Corruption. Concepts and Contexts. Third edition, London, New Brunswick (N.J.), 2002.
HES 2002 (21e année, n° 4) Histoire Économie et Société 514
donc l'étude des effets de la corruption sur la collectivité2. Les critères étant ceux de la
rationalité administrative; ces définitions sont, par conséquent, adaptées à la situation
de l'Occident contemporain. Leur application aux pays en voie de développement et à
des contextes plus reculés dans le temps passe par une hypothèse délicate: ces états,
travaillés par un processus de «modernisation», tendraient vers un modèle bureaucrat
ique de type occidental.
Or les résultats les plus récents n'autorisent guère à penser le fonctionnement du
royaume de France du XVIe au xvnT siècle en termes pré-bureaucratiques 3. La logique
du pouvoir y était domaniale. Le roi était seigneur justicier. Ses administrateurs, essen
tiellement des officiers dont il était le direct ou des commissaires immédiate
ment liés à sa personne politique, géraient le bien commun, dont l'entretien légitimait
la puissance royale. Loin de préfigurer le fonctionnaire, ces hommes étaient des servi
teurs publics dans la mesure où ils participaient à la mission divine confiée au prince.
On ne peut donc adopter les outils des Social Scientists pour étudier l'Ancien
Régime et, cela d'autant moins que sous un même terme, celui de corruption, ils
n'ont pas observé les mêmes choses. Des multiples pratiques qu'ils ont repérées on
retiendra, par contre, le nom afin d'établir une liste de mots susceptibles d'être mis à
l'épreuve des sources de la France moderne. L'historiographie dédiée à la corruption,
et relative à cette période, permet d'en affiner le contenu et de dessiner des axes de
recherche 4.
2. La définition qui fait référence est celle du politologue Joseph Nye: «La corruption est un comporte
ment qui s'écarte des devoirs normalement assignés à un agent public pour des raisons privées ou pour
améliorer des revenus ou un statut social; il peut également enfreindre des règles interdisant l'exercice de
certaines pressions à des fins privées. Ceci inclut des comportements tels que le trafic d'influence (se servir
de récompenses pour pervertir le jugement d'une personne à un poste de confiance); le népotisme (distribu
tion des charges non par mérite, mais par relation personnelle) ; la malversation (appropriation illégale des
fonds publics pour usage privé)», «Corruption and Political Developement: A Cost-Benefit Analysis», A.J.
Heidenheimer..., p. 281 et suiv.
3. Voir R. Descimon, «La royauté française entre féodalité et sacerdoce. Roi seigneur ou roi magistrat?»,
Revue de Synthèse, IV (1991), p. 455-473 et R. Descimon, J. F. Schaub, B. Vincent (dir.), Les figures de l'admin
istrateur. Institutions, réseaux, pouvoirs en Espagne, en France et au Portugal XV f -XIXe siècles, Paris, 1997.
4. Pour la France d'Ancien Régime, on se référera à R. Harding, «Corruption and the Moral Boundaries of
Patronage in

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